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Régionales: le nouveau duel annoncé entre Macron-Le Pen en 2022 a-t-il du plomb dans l'aile?

Emmanuel Macron et Marine Le Pen à l'Elysée.  - PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
Emmanuel Macron et Marine Le Pen à l'Elysée. - PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Chronique d'un duel annoncé. Depuis maintenant plusieurs semaines, les différents sondages promettaient une nouvelle confrontation entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen dans le cadre de l'élection présidentielle, qui doit se jouer dans maintenant moins d'un an. Ces différentes enquêtes ne laissaient même pas place au suspense, tant les adversaires de ces deux candidats semblaient relégués au rôle de simples figurants.

Et puis le premier tour des élections régionales et départementales, ce dimanche, est venu semer le doute. De son côté, le RN est en net recul à l'échelle nationale et n'est arrivé en tête que dans une seule région, tandis que le parti présidentiel, LaREM, a connu une bérézina dans les grandes largeurs, se faisant laminer partout dans le pays malgré le déploiement de plusieurs personnalités du gouvernement. Dans le même temps, les partis dits "traditionnels" que l'on disait souffreteux, dont Les Républicains et le Parti Socialiste, ont retrouvé, temporairement du moins, des couleurs. "Comme aux municipales, l'ancien monde montre qu'il est toujours là", remarque le politologue Bruno Cautrès.

Un désaveu pour 2022

S'il y a bien un enseignement à tirer de ce premier tour marqué par une abstention historique, c'est celui de l'échec de la stratégie présidentielle. Un raté d'autant plus flagrant dans les Hauts-de-France, où le chef de l'Etat avait envoyé se présenter pas moins de cinq de ses ministres, dont la tête de liste, Laurent Pietraszewski, qui ne figurera même pas au second tour.

"C'est une gifle pour Emmanuel Macron et l'exécutif", analyse le politologue Philippe Moreau-Chevrolet auprès de l'Agence France-Presse (AFP). "La perspective d'un duel Macron-Le Pen en 2022, auquel les électeurs sont massivement opposés, s'éloigne, avec trois phénomènes qui se conjuguent: rejet historique de la classe politique, absence de poussée massive en faveur du RN et maintien de la droite traditionnelle", ajoute-t-il.

Le chef de l'Etat devra aussi s'interroger sur les résultats décevants de Brigitte Klinkert dans le Grand Est, à peine au-dessus de la barre des 10%, et de Marc Fesneau, à seulement 16% en Centre-Val-de-Loire quand la macronie l'espérait vainqueur. De quoi alimenter les réflexions sur un éventuel remaniement, estimait un de ses proches la semaine dernière, et de mettre l'homme fort de l'Elysée dans une fâcheuse posture à quelques semaines de lancer une hypothétique - mais quand même très probable - nouvelle campagne électorale.

La nouvelle légitimité de Bertrand

Une question demeure: qui pourrait venir empêcher un nouveau duel Macron-Le Pen au second tour en 2022? "A droite, il n'y avait pas de candidats, maintenant il va y en avoir trop", résume Alain Duhamel, notre éditorialiste politique au sujet du regain de forme connu par le parti de droite, qui semblait à la déroute ces derniers temps. "Bien sûr, d’une part il y a un vrai triomphe pour Xavier Bertrand, il n’est pas le seul à droite, mais incontestablement il a un très bon score. [...] Pour le reste, Wauquiez fait un très bon score, Valérie Pécresse fait un bon score", ajoute-t-il. De quoi lancer l'actuel président des Hauts-de-France de plain-pied dans la bataille présidentielle?

"Bertrand ne cache pas sa volonté d’aller contre Emmanuel Macron et on l’a bien compris en l’écoutant que son registre ça va être tout contre le Rassemblement national parce que c’est moi, Xavier Bertrand, qui suis le meilleur contre le Rassemblement national. Il va essayer de montrer qu’il est plus efficace contre eux qu’Emmanuel Macron, ça va être sa campagne", ajoute Alain Duhamel.

Dans sa réflexion, il est rejoint par Matthieu Croissandeau, qui de son côté estime également que les tentatives pour contrer Xavier Bertrand ont échoué, au point de lui donner une légitimité renforcée.

"Emmanuel Macron voulait réduire la droite dans la perspective de la prochaine présidentielle, il n’y est pas parvenu. On se souvient du soin qu’il avait pris en Provence-Alpes-Côte-D’azur en la faisant imploser en tendant la main à Renaud Muselier. Dans les Hauts-de-France, on envoyait un missile en la personne d’Éric Dupond-Moretti, un ministre avec de la gouaille du punch, c’était aussi un missile anti-Xavier Bertrand, c’est l’échec sur toute la ligne", explique-t-il.

Au-delà d'une défaite dans les urnes, la situation est également douloureuse symboliquement pour Emmanuel Macron, à un an du scrutin national, et ce malgré une popularité en hausse:

"L’ironie du sort c’est que le président, qui vote au Touquet, va devoir glisser un bulletin au nom de Xavier Bertrand. Il va devenir un obstacle, c’est le candidat le plus sérieux de la droite, en tout cas jugé le plus crédible dans les sondages pour la présidentielle", met en exergue Matthieu Croissandeau.

Mystère et suspens

Pour autant, le chemin est encore long et le parcours jusqu'à l'Elysée semé d'incertitudes. Pour l'heure, il est en réalité encore extrêmement difficile de comprendre et interpréter les effets du scrutin local sur le national, d'autant qu'aux régionales de 2015, un tel schéma était déjà visible avec les premières positions trustées par Les Républicains et le Parti Socialiste. Seule différence, l'absence de LaREM, qui n'existait alors pas.

"Il faut faire attention à l’interprétation des résultats, c’est un peu en trompe-l’œil surtout si on fait une projection sur les présidentielles. Personne n’a été voter hier [dimanche, NDLR], très peu de monde, c’est inenvisageable en 2022. Il faut faire attention, le risque c’est un vrai trompe l’œil. Une partie de l’électorat de l’extrême droite ira voter, il faut faire attention à l’analyse des résultats d’hier", expliquait ce lundi à notre antenne Charlotte Chaffanjon, journaliste politique à Libération.

Pour l'opposition en revanche, c'est sûr, ces derniers résultats sont bel et bien la preuve que le duel annoncé entre Macron et Le Pen n'aura pas lieu. Invité ce jour sur notre antenne, Eric Coquerel, député de la France insoumise, en est en tout cas convaincu.

"Le RN est moins haut qu’on l’avait prédit, or c’est un enseignement pour la suite parce que les sondages et le système avaient formaté ces élections régionales comme celles où la menace du Rassemblement national allait tout submerger et on allait tous devoir se positionner par rapport à ça. Ce n’est pas le cas, et de même manière je pense qu’il faut interroger ce qu’on est en train de nous faire un an avant la présidentielle. Je vous fiche mon billet que le deuxième tour de la présidentielle, ce ne sera pas Macron contre Le Pen", conclut-il.

Article original publié sur BFMTV.com