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Régionales: gueule de bois au RN après le premier tour, les choix de Marine Le Pen discutés

Marine Le Pen le 20 juin 2021 à Hénin-Beaumont - DENIS CHARLET © 2019 AFP
Marine Le Pen le 20 juin 2021 à Hénin-Beaumont - DENIS CHARLET © 2019 AFP

Dimanche passé a été un coup d'arrêt retentissant pour le Rassemblement national. Pourtant crédité d'excellents résultats dans plusieurs sondages à quelques semaines des élections régionales et départementales, le parti d'extrême-droite a en réalité connu un net recul électoral, et ne s'est retrouvé en première position que dans une seule région, contre six en 2015.

Surprise et déception

Depuis, le parti créé par Jean-Marie Le Pen semble en proie au doute. Dès dimanche soir, différents cadres du RN ont eu un comportement inhabituel, et ont ouvertement critiqué leurs électeurs habituels qui ne se sont pas déplacés aux urnes pour ce premier tour. Tour à tour, marine Le Pen, Sébastien Chenu ou encore Julien Odoul ont harangué les sympathisants, au point de gêner certains cadres historiques du parti.

"Ça m’a choqué. Depuis quand gueuler sur les nôtres change quelque chose? Elle s’est comportée comme une élite qui dit: 'Bandes de ploucs, réveillez-vous et votez pour nous!'", explique un cadre du parti auprès du Figaro.

Selon l'institut Ipsos, les électeurs RN sont ceux qui se sont le plus abstenus dimanche, à 73%, devant ceux de Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan (67% chacun), alors que les électeurs de droite de François Fillon sont allés davantage voter (44% d'abstention).

Depuis, l'ambiance au sein du parti est loin d'être optimale. "On est tombés de l’armoire", explique un cadre du RN à BMTV, tandis qu'un second évoque un "accident électoral." "C’est dur. On s’est tous fait avoir par l’ambiance médiatique, sondagière… on s’est tous auto-intoxiqué", avance quant à lui un candidat du parti.

Mauvaise stratégie pour le RN?

Des défaites naissent les remises en question. Au sein du Rassemblement national, de nombreuses questions se posent depuis dimanche notamment celle de l'élargissement de l'électorat traditionnel du parti. "On a toujours pas réussi à élargir notre sociologie électorale. C’est notre faiblesse structurelle. Notre électorat est majoritairement populaire - or il ne se déplace plus", souligne un cadre du parti auprès de BFMTV.

Un second cadre va encore plus loin: "On parle de nos électeurs, nos électeurs comme s’ils étaient captifs… mais depuis 2017 ils ne votent plus pour nous. C’est un énorme sujet pour la suite."

Pour autant, les résultats de ce premier tour sont à prendre avec du recul. Invitée ce lundi à l'antenne de BFMTV, Charlotte Chaffanjon, journaliste politique à Libération, l'assure:"Il faut faire attention à l’interprétation des résultats, c’est un peu en trompe-l’œil surtout si on fait une projection sur les présidentielles. Personne n’a été voter hier [dimanche, NDLR], très peu de monde, c’est inenvisageable en 2022. Une partie de l’électorat de l’extrême droite ira voter, il faut faire attention à l’analyse des résultats d’hier."

"Nos électeurs n’ont pas vu l’intérêt des régionales pour leur quotidien. Tout se joue à la présidentielle", assure d'ailleurs un proche de Marine Le Pen.

Deuxième sujet de préoccupation, la capacité qu'a le RN et ses candidats à incarner la colère et le rejet du système actuel. "Toute notre stratégie consistant à lisser le discours, voire l’affadir… ça pose un problème de mobilisation. Si on veut créer de l’engouement, il faut être dans une posture transgressive. Or on l’a trop perdu", évoque un candidat déçu.

Une hypothèse balayée par Marine Le Pen en personne à notre antenne. "Ceux qui expliquent qu’on manque de radicalité se trompent. Cela fait 20 ans que j’entends ça… la radicalité pour la radicalité, ça vous enferme dans un rôle tribunicien qui vous éloigne définitivement du pouvoir."

"On a un problème pour 2022"

Les scrutins régionaux et départementaux étaient présentés au RN comme les dernières "marches" à franchir dans l'ascension de Marine Le Pen vers la présidence de la République.

Si le RN n'emporte pas Paca, région ou il est en ballotage favorable, "Marine Le Pen ne pourra pas prétendre à être une force de gouvernement régional, ce qui lui permettrait de créer une véritable dynamique à 10 mois de la présidentielle", souligne le politologue Pascal Perrineau, interrogé par l'AFP.

Au sujet du scrutin national, les cadres du parti d'extrême-droite commencent à douter d'une possible victoire de Marine Le Pen en 2022.

"Je ne crois pas aux parenthèses électorales, mais aux dynamiques. On a un problème pour 2022. [...] Nos électeurs se déplacent quand il y a un espoir de victoire. C’est ce qui nous manque aujourd’hui", nous explique un cadre régional. "Le problème, c’est qu’on misait sur ces régionales pour montrer que le plafond de verre n’existe pas, montrer qu’on pouvait gérer une grande région… ça c’est raté", ajoute un élu.

Pour autant, un proche de Marine Le Pen tient à temporiser la situation. "Attention, tout cela ne remet pas en cause l’affrontement structurant entre Macron et Le Pen. Idéologiquement, en termes de personnalité… les autres partis, notamment LR, auraient tort de penser qu’ils sont en position de force", martèle-t-il.

Les militants tombent de haut

La déception et le doute ne se font d'ailleurs pas ressentir que dans l'appareil du parti, mais aussi chez les partisans les plus assidus, qui subissent une terrible gueule de bois. Les militants sont "forcément déçus. Ils étaient très engagés dans cette campagne", témoigne auprès de l'AFP Pierre Chapron, à la tête de la fédération du RN dans le Calvados.

L'ex délégué RN de l'Hérault et toujours militant RN Jean-Louis Cousin estime, lui, que l'ouverture du parti à des candidats extérieurs l'a desservi. "On a voulu afficher une ouverture tous azimuts, et on a perdu un peu de notre identité. Notre électorat ne s'est pas reconnu. Qu'on prenne des LR sur les listes, c'est bien, mais il ne faut pas tout leur donner. On ne deviendra pas des LR", dit-il à l'AFP.

Il évoque des militants "très déçus" qui "se demandent s'ils vont aller" au congrès du RN, où il espère que le parti "tirera les leçons" de cet échec. Ce dernier doit avoir lieu début juillet à Perpignan et doit entériner la candidature définitive de Marine Le Pen pour le scrutin de 2022. Pour l'occasion, celle-ci quittera le poste de présidente du parti qui pourrait revenir par intérim à son actuel numéro deux, Jordan Bardella. Reste que le vice-président du Rassemblement national a lui aussi déçu son parti pour ce premier tour.

Article original publié sur BFMTV.com