Réforme des retraites : les trois défis du gouvernement pour tenir le cap

Photo d’illustration prise à Paris le 19 janvier, pendant la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites
Sylvain Lefevre / Getty Images Photo d’illustration prise à Paris le 19 janvier, pendant la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites

POLITIQUE - Sur tous les fronts. Vingt jours après la présentation de la réforme des retraites, le gouvernement peine toujours à convaincre l’opinion – et certains membres de la majorité – du bien-fondé du projet. Alors que l’examen du texte commence ce lundi en commission à l’Assemblée nationale, l’exécutif met toutes ses forces dans la bataille pour cette étape décisive.

À quelques jours d’une deuxième journée de mobilisation que les syndicats annoncent encore plus massive que celle du 19 janvier, l’enjeu est immense pour la cheffe du gouvernement. Le HuffPost fait le point sur les trois défis de l’exécutif pour faire accepter la réforme.

Trouver les mots et la bonne stratégie

Depuis quelques jours, deux lignes semblent se dessiner au sein de l’exécutif. D’un côté, certains ministres prônent un discours de vérité sur la réforme. « On doit d’abord faire passer un message aux Français : pour mettre notre système des retraites à l’équilibre, oui, il faut travailler plus. Il ne faut pas dire autre chose et l’assumer », a plaidé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans Le Parisien. Un discours qui fait écho à la bourde du ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester, qui a reconnu que les femmes seront davantage touchées par la réforme.

La sortie de ce ministre discret a été reçue comme du pain béni par l’opposition, et un vrai caillou dans la chaussure du gouvernement. En face, plusieurs cadres de la majorité plaident pour la « pédagogie ». Élisabeth Borne est elle-même montée au front, à l’Assemblée mardi 24 janvier, sur le terrain samedi 28, dans les médias le lendemain: « J’entends dire que la réforme pénaliserait les femmes qui ont des carrières hachées… c’est exactement le contraire ! », répète-t-elle sur BFMTV depuis le Calvados.

« On doit être offensifs pour expliquer les choses », a martelé Clément Beaune dans l’émission Le Grand Jury ce dimanche. Dans les faits, seule une poignée de ministres se retrouve en première ligne dans les médias : Gabriel Attal, Olivier Véran et Olivier Dussopt multiplient les interventions. Bruno Le Maire aussi s’y est risqué ce week-end, pas tant sur le texte que sur la conduite à avoir pour la majorité, l’autre enjeu de taille pour le gouvernement.

Convaincre toute la majorité (et la droite)

« J’appelle les partis de la majorité, Renaissance, Horizon, MoDem, à faire bloc. Quand on appartient à une majorité, on soutient les propositions qui faisaient partie du projet présidentiel », a grondé le ministre de l’Économie dans le Journal du Dimanche. Le rappel à l’ordre intervient alors qu’à ce stade, rien ne permet d’affirmer que le texte passera l’étape de l’Assemblée.

« À l’instant T, le compte n’y est pas », souffle un cadre macroniste cité par le même JDD. Ces derniers jours, des voix dissonantes se sont fait entendre parmi les députés Renaissance et leurs alliés, notamment celles de l’ancienne ministre Barbara Pompili, du député de l’Hérault Patrick Vignal ou du MoDem Richard Ramos. Même au sein d’Horizons, l’unanimité n’est pas garantie.

Alors que les centristes ont essuyé les critiques sur plusieurs propositions d’amendements, François Bayrou s’est malgré tout voulu rassurant : « De tous les groupes de la majorité, celui qui paraît aujourd’hui le plus soudé dans la solidarité, c’est le nôtre », a vanté le patron du MoDem dimanche 29 janvier sur France Inter. Mais s’il se montre optimiste, les récalcitrants ont fixé plusieurs conditions à leur soutien au texte : entre autres, améliorer les mesures pour l’emploi des seniors, limiter l’inégalité entre femmes et hommes du recul de l’âge ou encore instaurer une clause de revoyure sur le passage de l’âge légal.

Ce dernier point a le soutien des députés LR, indispensables pour faire adopter la réforme. Sur franceinfo dimanche matin, la Première ministre Élisabeth Borne n’a pas exclu un tel ajustement : « À la fin du mandat, il y a une clause de revoyure par nature qui est l’élection présidentielle et les élections législatives. Si on peut introduire le fait qu’il y aura par exemple, en transparence, un point d’étape sur où on en est dans le retour à l’équilibre de notre système, on pourra avoir ce débat au Parlement », concède-t-elle.

Tenir face à la rue

Au-delà de cette clause de revoyure, le gouvernement compte sur les parlementaires pour « enrichir le texte ». À condition toutefois de respecter trois critères : ne pas augmenter les dépenses, ne pas augmenter les cotisations et... accepter de voir reculer l’âge légal de départ à la retraite. Un point qui n’est « plus négociable », a tranché la Première ministre ce dimanche.

« Provocation » s’insurge Fabien Roussel sur Europe 1 quelques heures plus tard. La cheffe du gouvernement « bombe le torse », elle « essaye d’envoyer un message qui est : ’on bougera pas, on reculera pas’ », abonde sur BFMTV le patron des Insoumis Manuel Bompard, qui estime que « si on veut la faire bouger, il faut que la mobilisation dans la rue s’étende, s’élargisse encore et qu’elle soit obligée de retirer cette réforme ».

« L’opinion constitue un élément du rapport de force. (...) Il faut que le gouvernement l’écoute » - Laurent Berger, dans Le Monde

Deux jours plus tôt, le secrétaire général de la CGT Laurent Berger mettait en garde l’éxécutif dans les colonnes du Monde. « La population est très défavorable au projet, et cet avis tend à prendre de l’ampleur », avançait-il. « L’opinion constitue un élément du rapport de force. (...) Il faut que le gouvernement l’écoute, que le Parlement se préoccupe de ce qui se passe partout », ajoute-t-il, soulignant que ne pas tenir compte de ce contexte « serait une faute ».

Élisabeth Borne tiendra-t-elle compte de l’avertissement ? Ce dimanche, Matignon a annoncé la venue de la Première ministre dans l’émission L’Évènement, jeudi 2 février en prime time sur France 2. Un timing choisi : le programme interviendra deux jours après la manifestation, soit tout juste le temps nécessaire pour en analyser les retombées et ainsi prendre le pouls de l’opinion. L’interview aura aussi lieu au lendemain du vote du texte en commission des Finances, sorte d’avant-goût des débats dans l’hémicycle quatre jours plus tard. Le calendrier idéal pour Élisabeth Borne pour ajuster – ou pas – son discours.

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