Réforme des retraites: une semaine décisive débute pour le gouvernement

L'hémicycle de l'Assemblée nationale photographiuée lors d'une séance de questions au gouvernement à Paris le 10 janvier 2023 - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
L'hémicycle de l'Assemblée nationale photographiuée lors d'une séance de questions au gouvernement à Paris le 10 janvier 2023 - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP

Le suspens est encore entier mais sa fin est proche. Cette semaine, la réforme des retraites entre dans sa dernière ligne droite. Jeudi, elle pourrait, selon les scénarios, être votée, adoptée ou rejetée.

Tout commencera la veille. 7 sénateurs et 7 députés se réuniront en commission mixte paritaire (CMP) pour établir la mouture finale du projet de loi, faute d'un accord préalable entre les deux chambres du Parlement. L'issue ne fait guère de doute: 10 membres de cette instance sont favorables au texte de l'exécutif.

La majorité relative doit rallier au moins 40 voix sur son projet

Charge ensuite à l'Assemblée nationale et au Sénat de voter les conclusions de cette instance et donc le projet de loi. Pas d'inquiétudes du côté du Palais du Luxembourg. Certes, tous les élus de la majorité sénatoriale de droite n'ont pas voté en faveur du texte samedi - 6 se sont prononcés contre, 18 ont choisi l'abstention - mais l'immense majorité (120 sur 145) a donné son feu vert. Au final, plus de 80 suffrages séparaient les pour ses contre.

En cas d'accord de la CMP, la Chambre haute devra donner son aval ce jeudi à 9 heures. La balle sera ensuite envoyée à l'Assemblée nationale, à 15 heures. Là, l'issue est beaucoup plus incertaine. Le camp présidentiel, détenant seulement une majorité relative, est dans une position pour le moins délicate. Avec ses élus de Renaissance, du Modem et d'Horizons, il possède 250 sièges.

Objectif pour lui: trouver une majorité absolue et une quarantaine de voix, parmi les 61 élus Les Républicains (LR). C'est là que le bât blesse. Malgré les appels de phare du gouvernement, les membres du groupe d'Olivier Marleix n'ont pas accordé leurs violons. À l'heure actuelle, seuls 15 d'entre eux sont sûrs de voter la réforme, selon le décompte de BFMTV.

Ciotti appelle la droite à l'unité

Autre hic pour l'exécutif: sa majorité n'est pas tout à fait unie. Au moins trois députées de Renaissance, dont notamment l'ancienne ministre Barbara Pompili, ont de grandes chances de s'abstenir.

Elles ne sont pas seules. D'autres, comme le député MoDem Richard Ramos, pourraient faire de même chez les alliés du parti présidentiel. Pour parvenir à l'union, le bureau du groupe Renaissance a choisi la menace: toutes celles et ceux qui voteraient contre le texte ou s'abstiendraient seront exclus.

Chacun prépare ses troupes. Éric Ciotti, patron du parti Les Républicains et favorable à la réforme, cherche tant bien que mal à unir les parlementaires de la droite. Ce dimanche, dans les colonnes du JDD, il a adressé un tacle aux frondeurs et notamment Aurélien Pradié, déclarant:

"N'oublions pas que ce serait se fourvoyer que de penser que la droite doit être de gauche pour exister".

Le 49.3 dans toutes les têtes

Au sein de la gauche, pas de problème d'unité concernant le vote. Sans surprise, elle se prononcera à l'unisson contre la réforme. En attendant, elle réclame - à l'image de Jean-Luc Mélenchon - la mise en place d'un référendum, une hypothèse balayée par la macronie jusqu'ici.

Les différents élus de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) dénoncent également en coeur un éventuel recours au 49.3 par le gouvernement. Une façon de le fragiliser avant l'heure et de préparer la riposte.

Même ambiance du côté des syndicats. Ce dimanche, Laurent Berger a prévenu dans les colonnes du JDD: "Un 49.3 me paraît incroyable et dangereux". Pour lui ce serait une "forme de vice-démocratique", d'autant plus au regard de "niveaux de mobilisation inédits depuis les années 1990", contre la réforme.

Pour mettre la pression sur le camp présidentiel et les parlementaires réunis en CMP, les centrales ont choisi d'organiser une nouvelle journée de mobilisation ce mercredi.

Jusqu'ici, le gouvernement exclut un recours au 49.3. Du moins, il refuse publiquement de s'attarder sur cette option. Certes, il s'agit d'un "outil constitutionnel", mais "ce n'est pas non-plus un outil qu'on est prêts à dégainer", a cherché à rassurer Olivier Véran ce lundi sur LCI.

Dans le même temps, le porte-parole du gouvernement s'est montré ferme:

"Nous ne voulons pas renoncer, nous ne renoncerons pas à notre réforme des retraites."

Dilemme pour l'exécutif

Autrement dit, faute de parvenir à convaincre des indécis, l'exécutif pourrait décider au dernier moment d'utiliser l'article couperet. Pour l'instant, il fait comme si cette option n'était pas au tableau d'affichage. Quitte à surjouer la confiance, Olivier Véran a indiqué qu'il n'était "pas prévu de prévoir un 49.3 en Conseil des ministres" ce mercredi, comme le veut la procédure de cette disposition.

Le porte-parole du gouvernement préfère regarder un autre horizon. Celui de la commission mixte paritaire. "Si vous avez 10 parlementaires sur les 14 qui disent 'on a trouvé un consensus', ça veut dire, à la fin, que vous avez des représentants des deux chambres, de la majorité et de l’opposition, qui vous disent on a trouvé un accord", a-t-il insisté, toujours sur LCI. Cette étape pourrait terminer de convaincre des députés LR encore hésitants, espère l'exécutif.

Le camp présidentiel temporise. Il marche sur un fil, tant le sujet s'apparente à un dilemme pour lui. Peut-il prendre le risque de voir un texte, présenté par Emmanuel Macron comme "la mère des réformes", être rejeté? A l'inverse, est-il en capacité de se payer le luxe d'un 49.3 et d'éviter d'embraser le pays, ou même l'adoption d'une motion de censure?

Article original publié sur BFMTV.com