Réforme des retraites : la PPL LIOT au défi de passer l’obstacle de la commission des affaires sociales

Le député Charles de Courson photographié à l’Assemblée nationale le 20 mars.
Le député Charles de Courson photographié à l’Assemblée nationale le 20 mars.

POLITIQUE - Rarement le destin d’une proposition de loi (PPL) n’avait provoqué autant de bagarres en coulisses. Celle portée par LIOT visant à abroger le report de l’âge légal prévu dans la réforme des retraites risque de faire date. Jugé recevable par le président de la Commission des finances Éric Coquerel, le texte doit passer ce mercredi 31 mai le filtre de la Commission des affaires sociales, qui l’examine avant son arrivée dans l’hémicycle le 8 juin.

Sachant que la majorité a une idée derrière la tête : coaliser une majorité de circonstance pour supprimer son article 1er (celui qui abroge le report de l’âge légal), afin que cette mesure, qui serait réintroduite dans l’hémicycle par amendement, soit torpillée par la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui invoquerait alors l’article 40 pour soulever son irrecevabilité financière.

Les Républicains au centre du jeu

Sauf que, pour ce faire, la Macronie a besoin d’obtenir une majorité en commission des affaires sociales. Ce qui implique de sortir la calculette. Sur les 73 membres de cette instance, la majorité y compte 32 commissaires, et donc autant de voix potentielles favorables à la réforme des retraites. C’est conséquent, mais pas assez pour faire tomber l’article 1er de la PPL de LIOT.

En face, la NUPES pourra compter sur 19 voix, le Rassemblement national 11 et LIOT 2. Ce qui fait… 32 votes assurés pour sauver la PPL portée par Bertrand Pancher. Les regards se tournent alors fort logiquement vers les huit députés LR qui siègent dans la commission, et qui ont donc le sort de ce texte entre leurs mains. Et c’est là que la Macronie a une carte à jouer.

« Les commissaires aux affaires sociales du groupe LR sont plutôt de tendance libérale, et ils étaient favorables à la réforme », explique au HuffPost une source parlementaire socialiste, indiquant que les élus LR réfractaires à la réforme des retraites siègent majoritairement dans d’autres commissions. En outre, la majorité peut compter sur des députés LR Macron-compatibles, à l’image d’Alexandre Vincendet (qui appelait récemment son parti à « négocier avec l’exécutif ») ou de Philippe Juvin.

Un apport bienvenu, mais toujours pas de quoi sécuriser un vote, d’autant que trois élus LR de la Commission des affaires sociales, Josiane Corneloup, Justine Gruet et Isabelle Valentin avaient voté la motion de censure (portée par LIOT) contre Élisabeth Borne. « Le problème, c’est que Les Républicains peuvent switcher leurs élus jusqu’au dernier moment. Et comme ça arrange Éric Ciotti de ne pas avoir de vote en séance sur le texte, ils pourront mettre des élus pro-réforme », anticipe auprès du HuffPost une source du groupe LIOT.

« Un jeu très dangereux »

Des manœuvres qui, à en croire franceinfo et L’Express, sont déjà en cours d’exécution. On apprend ainsi que Justine Gruet sera remplacée ce mercredi 31 mai par Véronique Louwagie, favorable à la réforme, tout comme Thibault Bazin qui pourrait céder son siège au président du groupe Olivier Marleix, également pour le report de l’âge légal. Un jeu de chaises musicales qui peut donc avoir raison de l’article 1er de la PPL et, par ricochet, de son examen et de son vote dans l’hémicycle.

« Techniquement, la majorité peut arriver à ses fins », observe notre interlocuteur du groupe LIOT, qui continue d’espérer que Yaël Braun-Pivet refusera de se charger de la basse besogne. « Ce serait inédit. Elle dirait en séance que le texte est irrecevable, après avoir elle même jugé lors du bureau qu’il était recevable. Elle réduirait à néant le peu de pouvoir qu’il reste aux parlementaires. Dans quel genre de pays on voit ça ? C’est un jeu très dangereux, et elle en porterait l’entière responsabilité. Comment présider l’Assemblée pendant quatre ans après ça ? », interroge-t-il, convoquant le souvenir du général de Gaulle, selon lequel « une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ».

D’autres partisans de la PPL portée par LIOT jugent que le texte finira par être examiné en séance, au nom du précédent qui serait instauré par le sabotage de cette PPL. C’est en tout cas ce que craint un habitué du Palais Bourbon : « dorénavant tout député pourra s’appuyer sur cette jurisprudence pour annuler l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi qui lui déplaît ».

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