Réforme des retraites : pourquoi les débats se sont accélérés au Sénat dans la dernière ligne droite

Pourquoi les débats sur les retraites se sont accélérés à toute vitesse dans la dernière ligne droite au Sénat (photo de Bruno Retailleau prise le 1er février 2023)
Pourquoi les débats sur les retraites se sont accélérés à toute vitesse dans la dernière ligne droite au Sénat (photo de Bruno Retailleau prise le 1er février 2023)

POLITIQUE - Le Sénat au pas de charge. Le rythme s’est radicalement accéléré dans la dernière ligne droite de l’examen de la réforme des retraites dans l’hémicycle de la Haute assemblée, ce samedi 11 mars. À tel point que les sénateurs ont adopté le texte en fin de soirée, avec un jour d’avance sur l’échéance fixée par la Constitution.

Un vote en bonne et due forme, c’était le souhait la droite majoritaire au Palais du Luxembourg, de même que le gouvernement, soucieux de donner une légitimité démocratique à sa réforme rejetée par une majorité de Français. La gauche sénatoriale aura essayé de retarder les débats sur la forme – à coups de rappels au règlement — ou sur le fond – via des sous-amendements – sans parvenir à empêcher la validation du texte par 195 voix contre 112.

Il faut dire que le gouvernement avait dégainé l’artillerie lourde, ce vendredi, pour s’assurer la tenue d’un scrutin, en invoquant l’article 44.3 de la Constitution malgré les protestations de la gauche. Cette disposition permet un vote unique sur l’ensemble du projet de loi, sans mettre aux voix les amendements auxquels le gouvernement est défavorable.

Batailles parlementaires

De quoi réduire considérablement les temps de parole de chacun. À défaut de pouvoir débattre et voter sur chacun de leurs amendements, les sénateurs de gauche ont à chaque fois utilisé à plein les deux minutes imparties pour les présenter. Mais ils n’ont pu qu’assister, ce samedi, à un nouveau jeu de procédure, venu cette fois-ci de la droite, pour accélérer les débats.

Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR, a effectivement choisi de retirer sa proposition emblématique : l’abandon de la « clause du grand-père », disposition prévue par le gouvernement pour mettre à l’abri les salariés actuels de la suppression des régimes spéciaux.

Ce mouvement a eu pour effet immédiat de faire passer de quelque 630 à environ 360 le nombre d’amendements restant à examiner. Il a effectivement rendu caducs la multitude de sous-amendements déposés par la gauche en riposte, dont la présentation aurait duré plusieurs heures. Le reflet de ces dix jours de débats au Sénat où les deux camps, favorables ou opposants à la réforme, ont usé de toutes les procédures ou astuces possibles pour parvenir à leurs buts.

Un ultime coup d’accélérateur qui aura fini de doucher les espoirs de la gauche. D’autant que plusieurs amendements n’ont pas été défendus samedi après-midi par les opposants au texte. Un signe de découragement ? Certains étaient du côté des manifestants, mobilisés dans la rue à l’appel de l’intersyndicale.

La gauche n’a « pas de potion magique »

Comme un aveu, Patrick Kanner, le chef de file des sénateurs socialistes, a finalement convenu qu’il n’avait « pas de potion magique parlementaire » pour lui « permette d’empêcher l’adoption de cette loi », samedi en fin d’après-midi. Il restait moins de 180 amendements à discuter après 19h, soit une poignée d’heures de débats.

Avant de rendre les armes, les parlementaires de gauche n’ont pas manqué d’originalité pour critiquer la tournure des débats au Sénat. Samedi matin, ils ont répété en chœur une tirade à l’attention de la « droite coalisée » : « Vous avez décidé de dévitaliser la fonction de parlementaire par l’addition de toutes les procédures que vous offrent la Constitution et le règlement. Vous espériez sans doute que nous laisserions la retraite des Français entre les mains des droites coalisées mais nous ne sommes pas dupes. Les Français non plus et nous ne lâcherons rien, nous ne les lâcherons pas. »

Samedi après-midi, c’est « le mépris » des partisans de la réforme qu’ils ont ciblé, toujours en intégrant la même tirade, à leurs prises de parole : « Six manifestations historiques, des rassemblements encore extrêmement nombreux aujourd’hui, 90 % des actifs opposés à la retraite à 64 ans et la seule réponse du gouvernement c’est le mépris. Le mépris envers l’opposition sénatoriale, mais surtout, bien plus grave, le mépris du président de la République envers les syndicats qu’il refuse de recevoir. Le mépris envers les salariés et les Français. Votre projet n’est pas légitime, retirez-le. » Il aura, malgré tout, la légitimité du vote au Sénat dans quelques heures désormais.

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