Réforme des retraites : Macron veut enjamber la séquence avec « la vie au travail »

POLITIQUE - Il n’y a pas que la retraite dans la vie. Il y a le travail aussi. Emmanuel Macron et son gouvernement essaient de faire passer la pilule d’un départ à la retraite à 64 ans, contesté par l’ensemble des syndicats et rejeté par les Français, en se montrant ouverts à des mesures sur la qualité de vie au travail. C’est l’un des chantiers prioritaires mis en avant par la majorité en cette fin février, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article.

Lundi, Élisabeth Borne a promis de reprendre une disposition portée par les partenaires sociaux sur « le partage de la valeur », en conclusion d’une conférence organisée par Renaissance, avec plusieurs ministres, entièrement dédiée à ce thème. Le lendemain, c’est Emmanuel Macron qui est sorti du bois depuis le marché Rungis, temple des « professionnels qui travaillent dès l’aube », selon les mots de son entourage, pour faire un éloge d’un « travail » qui doit « payer davantage ».

Une référence claire à la fameuse « France qui se lève tôt » de Nicolas Sarkozy… Et une bonne occasion, pour le chef de l’État d’enjamber le débat éruptif des retraites. Très discret depuis qu’Élisabeth Borne a présenté les contours de son texte, le locataire de l’Élysée n’a pas éludé les questions sur sa réforme phare, quitte à user de l’argument risqué du « bon sens. » Il a, en revanche, mis l’accent sur cette fameuse « valeur travail », expression chère à de nombreux macronistes, dès que possible, entre deux étals de volaille et de triperie.

Ce que mijote le gouvernement

Une façon de prendre de la hauteur sur les discussions qui se sont engluées sur les retraites à l’Assemblée nationale. Mais également de trouver une sortie honorable à cette séquence difficile, à l’heure où le texte arrive au Sénat et où les arguments du gouvernement et de la majorité pour justifier une réforme « indispensable » continuent de tomber dans le vide.

Ce sera donc le rapport au travail, comme l’a dessiné Élisabeth Borne elle-même, lundi devant ses troupes. « Au-delà de la question de la durée de la vie professionnelle », la réforme des retraites donc, « il faut améliorer la qualité de vie au travail et trouver les conditions du ’bon emploi’», a fait valoir la Première ministre. Le « bon emploi »… Une nouvelle formule en miroir du « plein-emploi » brandi par Bruno Le Maire à chaque interview ou presque, qui devrait fleurir dans la majorité pour les prochaines semaines.

Car derrière cette communication, ce sont les contours de la nouvelle loi sur le travail, annoncée pour le printemps que l’exécutif veut esquisser. Dans cette logique, Olivier Véran a donné quelques pistes mercredi 22 avril, au sortir du Conseil des ministres. Il sera donc question de formation et d’apprentissage, parce que « c’est bon pour l’emploi », de la mise sous condition de l’obtention sur le RSA, comme promis pendant la campagne présidentielle… Mais également des conditions de vie au travail.

Dans le sillage de la Première ministre, le porte-parole du gouvernement a lui aussi insisté sur la notion de « bien travailler », en citant des dispositifs sur « l’organisation du temps de travail ». Il a notamment évoqué la semaine de quatre jours, plébiscitée par les salariés français à en croire les sondages, comme une possibilité, « là où c’est faisable » et « où ça correspond aux aspirations. »

Les retraites partout, la suite nulle part

Quelques jours auparavant, c’est Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics qui mettait la lumière sur cette question, en annonçant une expérimentation en ce sens pour certains agents de l’Urssaf. « Je crois que beaucoup de Français aspirent aujourd’hui à travailler différemment », se justifiait le ministre dans les colonnes de l’Opinion, le 31 janvier, jour de la mobilisation record dans la rue contre la réforme des retraites.

Mardi, Emmanuel Macron a lui insisté sur le fait que le labeur doit « continuer à payer davantage », tout en estimant que « le vrai débat que l’on doit avoir dans notre société c’est un débat sur le travail. » Des messages qu’il devrait répéter samedi, lors de sa déambulation au salon de l’Agriculture à Paris, une visite que ses conseillers inscrivent « dans la suite » de celui à Rungis. Tout un programme… Plein de bonnes intentions.

Mais suffisant pour faire oublier la séquence difficile des retraites ? Il faudra sans doute davantage d’annonces concrètes, ou de temps. Pour l’heure, de nombreux voyants restent au rouge pour le camp présidentiel. La popularité d’Emmanuel Macron continue sa chute dans les enquêtes d’opinion, la réforme des retraites est toujours aussi décriée dans la population et le texte va passer sur le gril du Sénat, après avoir révélé plusieurs failles à l’Assemblée. De quoi promettre de nouvelles embûches et une attention médiatique retrouvée, après la pause parlementaire.

Sans parler de la menace d’un « pays à l’arrêt » agitée par les syndicats à partir du 7 mars, ni des doutes - récemment dévoilés - du Conseil d’État sur la constitutionnalité de certaines mesures phares, comme l’index sénior. Olivier Véran a d’ailleurs laissé entendre, mercredi, que la future loi sur le travail pourrait être complétée de « points qui ne pouvaient pas être mis » dans la réforme, en raison des modalités choisies par l’exécutif. Une façon de se projeter sur la suite, donc… Et de rattraper les erreurs ?

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