Réforme des retraites : au Sénat, la gauche étrille le « bâillon Retailleau » qui empêche LR de débattre

POLITIQUE - Cela devait être un long fleuve tranquille. Mais, finalement, les esprits ont fini par s’échauffer. Dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4 mars, les débats sur la réforme des retraites sont montés d’un ton au Sénat. Après plusieurs heures d’échanges d’un calme plat, l’examen a viré à la guerre des nerfs, la gauche accusant la droite de « jouer au roi du silence », pour reprendre les mots du sénateur communiste Fabien Gay, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.

Au cœur des tensions : les nombreux amendements déposés par les groupes de gauche, bien décidés à mener la bataille, dans un style certes plus feutré que le spectacle offert par La France insoumise à l’Assemblée nationale. Alors que l’article liminaire portant sur les prévisions de déficit était en discussion, les élus PS et PCF ont multiplié les prises de paroles pour interroger notamment les critères imposés par le Traité de Maastricht, dont le protocole numéro 12 prévoit que le déficit public annuel ne doit pas excéder 3 % du produit intérieur brut.

« Condamnés au silence, par un coup de baguette magique »

« Cette réforme des retraites, il convient de le rappeler, émane d’une volonté européenne de réduction de la dépense publique », a notamment lancé la sénatrice Éliane Assassi, présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste au Sénat, sous le chahut de la droite. « Oh, on se calme. Comme dirait l’autre, ça va bien se passer, ne vous inquiétez pas », a réagi l’élue de Seine-Saint-Denis, dans une référence piquante à Gérald Darmanin.

En parallèle, des parlementaires de gauche exprimaient leur agacement sur les réseaux sociaux. En cause, l’absence totale de la droite dans les débats, le groupe présidé par Bruno Retailleau s’étant juré d’aller jusqu’au bout de l’examen du texte. « Quelle piteuse conception de leur rôle de parlementaire », taclait sur Twitter la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie.

Des critiques qui ont été reproduites dans l’hémicycle. « Je voudrais m’adresser à mes collègues LR. Vous êtes très nombreux mais visiblement condamnés au silence, par un coup de baguette magique du président Retailleau, j’imagine, qui vous a demandé de ne rien dire sur rien », a ironisé le sénateur communiste de Paris Pierre Laurent. « Après six ans de présence ici, je croyais qu’il y avait quelque orgueil, voire quelque fierté, d’appartenir à cette maison-là. Pour de sombres calculs que sont les vôtres, vous avez décidé d’accompagner le gouvernement pour piétiner le Parlement », a étrillé, plus offensif, son collègue socialiste Victorin Lurel.

Le « bâillon Retailleau »

Une tournure des débats qui a fini par irriter du côté de la droite sénatoriale. « Nous sommes en train, à cette heure-ci, de donner la même impression que le peuple Français retient de l’Assemblée nationale », a donc répliqué le sénateur LR Bruno Sido, dénonçant « l’obstruction cordiale » menée selon lui par la gauche. « Vous cherchez à faire en sorte que nous n’arrivions pas à la fin du débat et au vote de cette loi », a poursuivi l’élu de Haute-Marne, appelant ses collègues de gauche à se ressaisir.

Une réponse qui n’a pas convaincu la partie gauche de l’hémicycle. « Nous défendrons tous nos amendements, c’est notre droit le plus strict de parlementaire. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de qui que soit », a par exemple répondu Yan Chantrel. « C’est normal que nous soyons au combat avec tous les bancs de la gauche à défendre les Français qui vont souffrir si cette loi est adoptée », a-t-il poursuivi, ironisant sur une droite rendue mutique par un « bâillon Retailleau sur la bouche ».

Au terme de cette journée d’examen, l’article liminaire a finalement été adopté. Ce samedi 4 mars, les sénateurs planchent sur l’article premier, prévoyant la suppression des régimes spéciaux. La gauche, qui s’oppose à leur suppression, a déposé pas moins de 350 amendements sur ce seul article. De quoi, encore, échauffer les esprits au Palais du Luxembourg. Et ralentir l’avancée des débats.

À voir également sur Le HuffPost :

La popularité d’Emmanuel Macron toujours aussi terne - SONDAGE EXCLUSIF

L’association co-fondée par Gisèle Halimi ne participera pas à l’hommage national du 8 mars