Réforme des retraites : pour éviter un vote sur l’abrogation, Renaissance multiplie les amendements farfelus
Dans sa niche parlementaire, La France insoumise propose d’abroger la réforme des retraites. Pour l’empêcher, les députés macronistes ont une stratégie bien rodée.
POLITIQUE - « Rédiger ainsi le titre : proposition de loi de mensonge aux Français et aux cotisants pour la retraite ». À deux jours de la niche parlementaire de la France insoumise où leur proposition de loi pour abroger la réforme des retraites sera débattue, les défenseurs de la retraite à 64 ans ne manquent pas d’inventivité dans leurs amendements. Avec, au-delà du côté rocambolesque de la chose, une vraie stratégie politique.
Réforme des retraites : le gouvernement finit par tendre la main aux syndicats
Ce mardi 26 novembre, plusieurs élus du Nouveau Front populaire se sont indignés sur X de la qualité des amendements déposés par les députés du camp présidentiel, à savoir Ensemble pour la République (EPR), les Démocrates (MoDem) et Horizons. Parmi eux, l’insoumis Thomas Portes qui partage deux amendements du député EPR de Moselle Ludovic Mendes. Sa proposition ? Remplacer le titre de la PPL insoumise par d’autres très moqueurs : « Réformer les retraites ? Pourquoi se fatiguer quand on peut abroger et gagner des voix en un clin d’œil ? ».
Il suffit de regarder vos amendements pour savoir que votre objectif n’est pas de débattre mais de bloquer un vote pour abroger la réforme des retraites à 64 ans.
Vous parlez d’argent, nous nous parlons de la vie des gens.
Nous refusons de les faire mourir au travail ou de… https://t.co/L5BkxZQmLR pic.twitter.com/4opbmmFy6R— Thomas Portes (@Portes_Thomas) November 25, 2024
Les propositions farfelues sont nombreuses. On trouve ainsi quatorze amendements du MoDem pour modifier l’intitulé de parties de la PPL insoumise, avec la même formulation : « visant à mettre en péril la soutenabilité de notre modèle de protection sociale » ou encore « visant à nuire aux retraités ». Côté Horizons, on propose d’ajouter les mots « démarche électoraliste et idéologique aboutissant à l’ » ou encore de remplacer « abrogation » par « remise en cause démagogique ». Les troupes de Gabriel Attal proposent aussi d’ajouter « au début de l’intitulé du chapitre Ier, après le mot “abrogation” insérer le mot “irresponsable” ».
« La plus grande obstruction parlementaire de ces 20 dernières années »
Inutile de chercher du fond dans ces amendements, il n’y en a pas. En revanche, la stratégie parlementaire est bien rodée. Selon le décompte de la cheffe de file des insoumis Mathilde Panot, ce sont près de « 1 000 amendements » qui ont été déposés par les députés macronistes et leurs alliés. L’objectif est clair : faire durer les débats pour empêcher le vote avant minuit. Sans scrutin, la proposition d’abrogation de la réforme des retraites serait remisée au placard au moins jusqu’à la prochaine session parlementaire, à moins qu’un autre groupe du NFP ne s’en saisisse – le RN, aussi opposé à la réforme, ayant épuisé sa carte sans succès.
Cette stratégie, dite de l’obstruction, a donc sans surprise provoqué la colère des Insoumis. « Ce qui est en train de se passer dans notre niche parlementaire avec l’obstruction des macronistes franchit tous les seuils de l’autoritarisme et est une atteinte très grave aux droits constitutionnels des groupes d’opposition de pouvoir choisir l’ordre du jour », a tonné la présidente du groupe Mathilde Panot en conférence de presse ce mardi. Même au-delà des bancs mélenchonistes, l’agacement est perceptible. Le député écologiste (ex-LFI) Alexis Corbière dénonce ainsi sur X une « obstruction bourrine », quand une source socialiste jointe par Le HuffPost s’indigne de « la plus grande obstruction parlementaire de ces 20 dernières années, depuis la réforme du secteur de l’énergie en 2006 ».
La gauche aurait-elle la mémoire courte ? Au moment de l’examen du projet de loi de réforme des retraites à l’initiative du gouvernement, les groupes de (feu) la Nupes avaient déposé plus de 13 000 amendements en tout… et s’étaient attiré les foudres des macronistes qui criaient à l’obstruction. Mais l’argument est balayé ce mardi par Mathilde Panot qui souligne « la différence fondamentale » entre un projet de loi où des jours d’examen supplémentaires peuvent être ajoutés et une niche parlementaire qui ne dure que 24 heures.
Reste que la stratégie des députés macronistes peut encore se heurter à un obstacle : l’irrecevabilité. Pour être pris en compte en séance, les amendements doivent en effet être déclarés recevables en amont. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la plupart sont encore « en cours de traitement » sur le site de l’Assemblée nationale. Mais si les propositions macronistes venaient à être retoquées, le socle commun pourrait toujours compter sur les troupes de Laurent Wauquiez qui ont choisi de multiplier les amendements de suppression de l’article principal de la proposition de loi. Une façon d’assurer ses arrières pour éviter de donner un point, symbolique certes puisqu’il faudrait encore passer l’étape du Sénat mais aussi majeur dans la bataille d’opinion, à la gauche.
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