Référendum en cours au Kurdistan irakien, Ankara menace

par Maher Chmaytelli et Ahmed Jadallah ERBIL, Irak/ISTANBUL (Reuters) - Les opérations de vote ont débuté lundi matin pour le référendum sur l'indépendance organisé par le gouvernement régional du Kurdistan autonome irakien, malgré l'hostilité du pouvoir central irakien et des pays de la région comptant eux aussi des minorités kurdes. Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes à 08h00 locales (05h00 GMT) et fermeront à 18h00 (15h00 GMT). Les résultats définitifs seront annoncés dans les 72 heures. Le référendum, qui devrait se solder par une victoire confortable du "oui" à l'indépendance, n'a pas valeur contraignante mais vise accorder un mandat au gouvernement du Kurdistan autonome pour négocier la sécession vis-à-vis du reste de l'Irak. "Nous attendions ce jour depuis 100 ans", a déclaré un électeur, Rizgar, dans la file d'attente pour voter dans une école d'Erbil, la capitale du Kurdistan autonome. "Nous voulons avoir un Etat, si Dieu le veut. Aujourd'hui, c'est la fête pour tous les Kurdes". Tous les habitants de 18 ans et plus, qui sont dûment enregistrés, qu'ils soient kurdes ou non, peuvent participer à ce référendum dans les zones sous le contrôle des Kurdes, selon la commission électorale. Elle estime à 5,2 millions le nombre d'électeurs inscrits, parmi lesquels ceux qui vivent à l'étranger et ont commencé voici deux jours à participer, par vote électronique. Les pays voisins qui comptent sur le territoire des minorités kurdes - notamment la Turquie et l'Iran - ont fait pression, en vain, sur le dirigeant kurde irakien Massoud Barzani pour qu'il renonce à ce référendum. A Ankara, les autorités turques ont annoncé lundi matin qu'elles prendraient "toutes les mesures" possibles dans le cadre du droit international si le référendum kurde menaçait la sécurité nationale de la Turquie. Le ministère turc des Affaires étrangères a fait savoir qu'il ne reconnaîtrait pas le référendum et jugerait son résultat invalide. Il ajoute que le gouvernement kurde d'Irak menace la paix et la stabilité de l'Irak et de l'ensemble de la région. TRENTE MILLIONS DE KURDES Le ministère recommande vivement aux Turcs présents dans les provinces kurdes irakiennes de Dohuk, d'Erbil et de Soulaimaniya de partir dès que possible s'ils ne sont pas tenus de rester. La Turquie a menacé des représailles mais maintient en service l'oléoduc qui permet au Kurdistan d'exporter son pétrole via le territoire turc. L'Iran a suspendu dimanche les vols directs à destination et en provenance du Kurdistan autonome. Les autorités irakiennes ont demandé aux étrangers de cesser toute transaction pétrolière directe avec le Kurdistan et ont demandé au gouvernement autonome de lui rendre le contrôle de ses aéroports internationaux ainsi que des postes-frontière avec l'Iran, la Turquie et la Syrie. Téhéran et Ankara redoutent une propagation ou une intensification du séparatisme au sein de leurs propres populations kurdes. Pour les Kurdes irakiens, ce scrutin acte leur contribution déterminante à la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique, lorsque celui-ci s'est emparé d'un tiers de l'Irak à la mi-2014. A cette époque, les peshmergas (combattants kurdes) ont pris sous leur contrôle la ville irakienne de Kirkouk, et disent avoir empêché ainsi que ses gisements pétrolifères ne tombent entre les mains de l'EI. Kirkouk est peuplé aussi bien d'Arabes que de Kurdes et de Turcomans. Les Kurdes ont été le plus important groupe ethnique laissé sans Etat lorsque la Grande-Bretagne et la France ont démantelé l'Empire ottoman à l'issue de la Première Guerre mondiale. Les quelque 30 millions de Kurdes de la région sont disséminés aujourd'hui essentiellement dans quatre pays : Irak, Iran, Syrie et Turquie. Dans tous ces pays, ils ont subi des persécutions et n'ont souvent pas eu le droit de parler leur propre langue. (Maher Chmaytelli et Can Sezer; Eric Faye pour le service français)