Si elle est réélue, Ursula von der Leyen veut un plan pour protéger l'UE des ingérences étrangères
La candidate Ursula von der Leyen veut protéger l’UE des influences étrangères. L’annonce mardi de l’actuelle présidente de la Commission, qui souhaite obtenir un second mandat, intervient alors que l'UE se prépare à une vague potentielle de désinformation à l'approche des élections européennes de juin.
La responsable allemande suggère que l’Union n’est pas suffisamment préparée face à de nouvelles formes de guerre hybride.
Dans un discours prononcé lors du sommet de Copenhague sur la démocratie, Ursula von der Leyen se dit "préoccupée" par la montée de la désinformation et de l'ingérence étrangère en Europe. Elle assure que les "principes fondamentaux de notre démocratie" sont attaqués.
S'exprimant en tant que tête de liste du Parti populaire européen (PPE), qui est en première place dans les sondages, elle a promis de mettre en place un bouclier européen de la démocratie afin de renforcer les capacités de l'Union à lutter contre l'influence étrangère.
Ce bouclier serait chargé de détecter et de supprimer la désinformation en ligne, en s'appuyant sur les travaux du règlement numérique de l'UE, la loi sur les services numériques (DSA), et de "vacciner" l'Union contre les influences malveillantes en permettant aux Européens de reconnaître les menaces.
Elle évoque la prolifération des "fake news" et des "deep-fakes" générés par l'intelligence artificielle (IA), ainsi qu'aux rapports selon lesquels des gouvernements étrangers "achètent de l'influence et sèment le chaos" dans les parlements à travers l'Europe.
Une enquête est en cours concernant des eurodéputés, dont des membres du parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), soupçonnés d’avoir reçu de l'argent de la part d'acteurs soutenus par le Kremlin pour diffuser la propagande russe.
Ces allégations renforcent les craintes que le Kremlin cherche activement à déstabiliser les sociétés européennes à l'approche du scrutin de juin.
"Nous avons vu des politiciens d'extrême droite et les principaux candidats de l'AfD en Allemagne dans les poches de la Russie", explique Ursula von der Leyen. "Ils vendent leur âme sur des sites et des vidéos de propagande russes".
L'Union européenne se prépare actuellement à imposer des sanctions à quatre entités pro-Kremlin soupçonnées de diffuser la propagande dans l'Union, dans le cadre de son 14e paquet de sanctions contre la Russie.
Il s'agit de Voice of Europe, l'entité médiatique sanctionnée par les autorités tchèques à la fin du mois de mars pour une opération de propagande russe après avoir donné un accès régulier aux députés européens en exercice, principalement du groupe d'extrême droite Identité et Démocratie (ID) ou à des membres non-inscrits.
Le mois dernier également, un assistant d’un eurodéputé du parti AfD a été arrêté, soupçonné d'espionnage pour le compte de la Chine. L'affaire est actuellement entre les mains du procureur fédéral allemand.
Ursula von der Leyen dénonce cette manipulation qui permet de "couvrir et d'encourager les extrêmes les plus dangereux de nos sociétés".
Elle a également exprimé son inquiétude face à la série de cyberattaques lancées contre des pays européens ces dernières semaines. Au cours des seuls premiers jours du mois de mai, Berlin a révélé que des comptes de courrier électronique appartenant au chancelier Olaf Scholz avaient été compromis par des pirates russes l'année dernière, tandis que le Parlement européen a également tiré la sonnette d'alarme au sujet d'une violation de données concernant des candidats à l'emploi.
Des rapports révèlent aussi que la Russie perturbe les systèmes de navigation par satellite, nécessaires aux vols civils en Europe. Elle a contraint la compagnie nationale finlandaise Finnair à suspendre ses vols vers la ville estonienne de Tartu pendant un mois en raison d'une interruption persistante du GPS - les deux pays ayant une frontière commune avec la Russie.
Le site web de la campagne d’Ursula von der Leyen a été la cible d'une attaque orchestrée par des bots le 7 mai.
Elle assure que ces offensives coordonnées faisaient partie d'un plan plus large visant à affaiblir la "résilience" de l'Europe et son engagement à soutenir l'Ukraine.
L'Europe n'est pas préparée
Le bouclier européen est conçu pour combler les lacunes dans les capacités de l'Europe à faire face aux nouvelles formes de guerre hybride, notamment les campagnes de désinformation.
Alors que la France et la Suède disposent d'agences nationales chargées de surveiller et de protéger contre l'ingérence étrangère, l'UE est considérée comme mal préparée à lutter contre ces campagnes destinées à favoriser la division et à alimenter le sentiment anti-européen.
Des sources du PPE affirment que ni l'UE ni ses Etats membres ne sont prêts en raison d'un manque important d'investissements et de ressources.
Le bras diplomatique de l'Union, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), a pour objectif de diriger les efforts de l'UE pour lutter contre la manipulation et l'interférence étrangère, en ciblant spécifiquement les campagnes de propagande russes.
Mais les efforts du SEAE sont principalement axés sur l'identification de ces campagnes et ne proposent pas de mesures pour s'attaquer et démanteler les opérations au-delà d'une simple "boîte à outils" pour les États membres.
Ursula von der Leyen explique que la nouvelle initiative de la prochaine Commission s'appuierait sur le travail effectué dans le cadre du DSA pour obliger les plateformes à supprimer les fausses nouvelles et à fournir plus de transparence sur la publicité politique.
Toutefois, elle constate que malgré les efforts de la nouvelle réglementation européenne sur l'IA - un projet de loi inédit à l’échelle mondiale pour encadrer les technologies d'intelligence artificielle - l'Union doit "renforcer" son approche de la lutte contre les "deep-fakes", souvent utilisés pour fabriquer des contenus audio et vidéo de personnalités politiques.
Elle ajoute que le renforcement de l'éducation aux médias et la sensibilisation des Européens aux opérations de propagande, ou "pre-bunking", seront des priorités.
"Au lieu de traiter une infection une fois qu'elle s'est installée, c'est ce que l'on appelle le désencerclement, il vaut mieux vacciner, afin que notre corps soit inoculé", explique-t-elle.
"Comme la désinformation repose sur le fait que les gens la transmettent à d'autres, il est essentiel que les gens sachent quelle est l'influence de l'information malveillante et à quoi ressemblent les techniques. À mesure que ces connaissances augmentent, nos chances d'être influencés diminuent. Et cela renforce la résilience sociétale dont nous aurons besoin".