Qui est Bernard Cazeneuve, pressenti pour être désigné Premier ministre par Emmanuel Macron ?

Membre historique du PS, avec lequel il a pris ses distances, Cazeneuve a déjà passé quelques mois à Matignon, à la fin du quinquennat de François Hollande.

Bernard Cazeneuve bientôt de retour à Matignon ? (Photo : Ludovic Marin/Pool via REUTERS)

De plus en plus de rumeurs en font le favori pour être le prochain Premier ministre. D'après plusieurs médias, parmi lesquels L'Opinion et RTL, l'interminable attente autour de la formation du futur gouvernement pourrait prendre fin dans les jours à venir, avec la probable nomination à Matignon de Bernard Cazeneuve. Une nomination qui n'interviendra pas avant le 23 août, date à laquelle Emmanuel Macron a convoqué les présidents des groupes parlementaires et les chefs de parti.

L'Opinion croit ainsi savoir que le profil de l'ancien maire de Cherbourg-Octeville (Manche) serait susceptible de créer un compromis au sein d'une Assemblée nationale plus fracturée que jamais. "Le nouveau Premier ministre devra éviter des motions de censure, explique la journaliste Corinne Lhaïk. Des députés de droite ont été sondés et ont réagi positivement à l'éventuelle désignation de Bernard Cazeneuve. Des émissaires du Président l’ont approché."

Né en 1963 à Senlis (Oise), Bernard Cazeneuve est évidemment loin d'être un inconnu sur la scène politique française. Élevé dans une famille de pieds noirs "rapatriés d'Algérie" selon Le Parisien, il a suivi des études de droit et est notamment passé par Sciences Po Bordeaux, où il s'est pour la première fois rapproché de mouvements politiques. D'abord encarté au Mouvement des Radicaux de Gauche (MRG), il a rapidement rejoint le Parti Socialiste (PS).

Brièvement salarié de la Banque Populaire au terme de ses études, Bernard Cazeneuve s'est ensuite installé progressivement dans l'appareil du PS, occupant d'abord des postes de conseiller au sein de plusieurs cabinets ministériels, jusqu'en 1993. Il est ensuite envoyé par le parti dans le département de la Manche, avec pour mission d'aider le PS à reconquérir des territoires qui venaient de basculer à droite.

Enchaînant les succès électoraux, le trentenaire atteint rapidement cet objectif. Élu maire d'Octeville en 1995, puis député en 1997, il fait la promotion du "Grand Cherbourg", projet d'unification des communes de l'agglomération cherbourgeoise, qui débouchera finalement sur une fusion entre Cherbourg et Octeville en 2000. L'année suivante, Bernard Cazeneuve est élu maire de cette nouvelle commune, un poste qu'il occupera jusqu'en 2012.

Au cours des années 2000, Cazeneuve poursuit son ascension au sein du PS. Un temps proche de Laurent Fabius, il noue ensuite des liens étroits avec François Hollande, qui ne l'empêchent cependant pas de faire campagne pour le "non" au référendum de 2005 sur la constitution européenne. Parallèlement à ces activités politiques, il poursuit aussi à cette époque une carrière juridique qui le mène notamment à intégrer le cabinet d'avocats d'affaires August Debouzy.

La carrière politique de Bernard Cazeneuve va toutefois changer de braquet dans la décennie suivante, propulsant le Senlisien sur la scène nationale. Resté neutre pendant la primaire de 2011, conclue sur la victoire de François Hollande, il rejoint ainsi l'équipe de campagne du candidat du PS pour la présidentielle de 2012, en qualité de porte-parole.

Après la victoire du candidat socialiste, Cazeneuve s'impose au fil du quinquennat "comme une des pièces maîtresses de l’échiquier hollandais", selon Le Monde. Décrit par le quotidien vespéral comme un "véritable couteau suisse ministériel", il occupe d'abord le poste de ministre délégué aux affaires européennes, mais en mars 2013, après le scandale impliquant Jérôme Cahuzac et la démission de ce dernier, il est "déménagé en catastrophe" au ministère du Budget.

À peine un an plus tard, en avril 2014, Bernard Cazeneuve est cette fois nommé ministre de l'Intérieur, en remplacement de Manuel Valls (promu au poste de Premier ministre). Comme l'explique Le Monde, il va alors être confronté aux "pires crises du quinquennat" de François Hollande.

En octobre 2014, quelques mois après la nomination de Cazeneuve place Beauvau, un militant écologiste nommé Rémi Fraisse est tué par une grenade envoyée par un gendarme, au cours d'une manifestation contre un projet de barrage à Sivens (Tarn). Directement engagée, la responsabilité de l'État ne sera finalement reconnue que neuf ans plus tard, au terme d'une longue bataille juridique.

Les années 2015 et 2016 seront ensuite marquées par la vague d'attentats la plus meurtrière de l'histoire de la Ve République, avec notamment les attaques du 13 novembre 2015 et celle de la promenade des Anglais, à Nice, le 14 juillet 2016. Dans la tempête, sa gestion de crise sera toutefois, à plusieurs reprises, "saluée par l’exécutif", selon Le Monde.

À la même époque, Bernard Cazeneuve est aussi mis en cause par plusieurs syndicats au sujet de l'encadrement par les forces de l'ordre des manifestations contre la loi Travail. Deux ans avant les "Gilets Jaunes", des violences policières sont déjà dénoncées, tout comme le recours à des techniques de maintien de l'ordre particulièrement oppressantes, par exemple le dispositif de la nasse.

Très exposé médiatiquement pendant son passage au ministère de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve imite en décembre 2016 Manuel Valls en passant de la place Beauvau à Matignon, alors que ce dernier se lance dans la course à la présidentielle 2017. Pour sa part, Cazeneuve reste fidèle jusqu'au bout à François Hollande et occupe donc le poste de Premier ministre pendant la fin du quinquennat, jusqu'en mai 2017.

Comme le signale Le JDD, ce court séjour à Matignon fait d'ailleurs de Bernard Cazeneuve le chef du gouvernement "ayant eu le plus court mandat de la Ve République". À la suite de la débâcle du PS aux élections du printemps 2017, il choisit cependant de se retirer officiellement de la politique et de reprendre sa carrière juridique dans le privé.

Ce "pantouflage" va d'ailleurs s'opérer en un éclair, puisque Bernard Cazeneuve retrouve dès juillet 2017 le cabinet August Debouzy, où il est recruté au sein du département "Contentieux-Arbitrage-Pénal des affaires", selon Tendance Ouest. Parmi les clients du prestigieux cabinet, Le Figaro mentionne des multinationales comme ArcelorMittal, Volkswagen, Microsoft, Dassault Systèmes ou encore Nike...

Celui qui donne également des cours à Sciences Po Paris (à partir de 2018) reste toutefois très lié au monde politique. Soutenu par une partie du PS dans la perspective de la présidentielle de 2022, il renonce finalement à se présenter. Taclant régulièrement la direction de son ancien parti et notamment son alliance avec les autres partis de gauche au sein de la NUPES, il fonde en février 2023 La Convention, avec l'objectif affiché de "fédérer les déçus du macronisme et les anti-NUPES", comme le résume L'Humanité.

Un an et demi après sa création, ce mouvement n'a cependant pas réellement décollé et constitue surtout aujourd'hui une vitrine pour les ambitions présidentielles de Bernard Cazeneuve en vue de 2027, comme semble le confirmer le site web de La Convention, véritable tract à la gloire de l'ancien ministre.

Pendant la campagne pour les législatives, Cazeneuve a par ailleurs continué d'affirmer sa différence avec les principales formations de gauche, fustigeant la coalition constituée par le Nouveau Front Populaire (NFP). À quelques jours du premier tour, il avait ainsi cosigné une tribune dans Le Monde, qui ciblait directement La France Insoumise et l'assimilait à un parti extrémiste, au mépris du jugement récemment émis par le Conseil d'Etat.