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Qu'est-ce que le "Labello Challenge", ce nouveau défi TikTok qui incite au suicide?

Sur TikTok, un nouveau challenge inquiète les médecins. - Crédit: Pixabay
Sur TikTok, un nouveau challenge inquiète les médecins. - Crédit: Pixabay

C'est la nouvelle tendance sur les réseaux sociaux: le #JeuDuLabello ou #LabelloChallenge, appelé également #ChapstickChallenge en anglais. Un défi devenu viral auprès des adolescents sur l'application de partage de vidéos TikTok, et qui inquiète. Le ministère de l'Intérieur a d'ailleurs récemment mis en garde contre ce challenge qui pousserait les jeunes au suicide.

À l'origine, le principe est plutôt badin: appliquer un baume à lèvres parfumé et en faire deviner le goût à son ou sa partenaire de baiser, le tout filmé et diffusé sur l'application dans une vidéo se voulant légère et amusante. Comme souvent sur les réseaux sociaux, le phénomène est devenu viral. Puis les règles du jeu ont été détournées.

Un nouveau défi engendré par le premier

Car le ou les nouveaux défis nés du premier consisteraient à appliquer du baume à lèvres jusqu'à ce que le tube soit vide puis à mettre fin à ses jours. Autre variante: en cas d'erreur d'identification du goût, se blesser et appliquer le baume à lèvres sur la plaie. Ou encore vider le tube pour se scarifier avec l'objet.

"Je ne suis pas complètement surprise par ce type de challenge", confie à BFMTV.com Pascale Ezan, professeure de marketing, spécialiste de la consommation des enfants et des adolescents, qui a été alertée sur le phénomène et en suit l'évolution.

"Les populations jeunes sont très friandes de défis, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie", poursuit-elle. "La particularité de celui-ci, c'est la temporalité conditionnée à un objet de consommation et l'identification à une marque, même si on avait déjà commencé à voir ce genre de choses ça avec les neknominations" (un jeu mettant en scène la consommation de boissons alcoolisées, NDLR).

Une construction collective

Ce #LabelloChallenge ou #ChapstickChallenge n'est pourtant pas si nouveau et date même d'il y a plus d'un an. Un site américain spécialiste de l'actualité numérique évoquait déjà ce défi en mars 2021. Mais pour la chercheuse Pascale Ezan, il reste difficile de remonter précisément à la source de ce genre de phénomène.

"Ce sont des constructions collectives", analyse-t-elle. "Il suffit qu'un leader le valide pour que le groupe y adhère. Et à cet âge-là, les jeunes sont très sensibles au regard de leurs pairs. Participer au challenge créé l'illusion de l'intégration et de l'appartenance au groupe. Avec la nécessité de se renouveler et de continuer à susciter l'intérêt, cela pousse à la surenchère."

Si ce type de défi suscite forcément l'inquiétude, d'autant plus qu'il vise un public parfois vulnérable, il s'agit avant tout de pratiques transgressives, estime Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. "Il faut évidemment être vigilant mais pour les adolescents, c'est d'abord un jeu", analyse-t-elle auprès de BFMTV.com.

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Des challenges risqués qui se répètent

Pour l'heure, aucun incident en lien avec ce défi n'aurait été rapporté en France. Lorsque l'on tape le hashtag, ce sont pour la plupart des vidéos avec des messages de prévention qui remontent. Mais sur certaines, des adolescents se filment un Labello à la main, la mine triste, tout en évoquant le challenge. D'autres, au profil psychiatrique fragile, semblent l'évoquer comme un appel de détresse.

Le sujet est pris au sérieux. Car ce n'est pas la première fois qu'un challenge devenu viral sur les réseaux sociaux aboutit sur un signal d'alerte. Un précédent jeu, le "blackout challenge", ou le jeu du foulard, avait causé la mort d'une Italienne de 10 ans, qui s'était asphyxiée avec une ceinture.

Des challenges à risques qui semblent même se répéter. En 2018, un père accusait le "momo challenge" d'avoir causé la mort de son fils par pendaison. Il y a cinq ans, le "blue whale challenge" ou "défi de la baleine bleue", consistait déjà à mettre sa vie en danger: cinquante jours de gages absurdes avant de se suicider.

Pour la spécialiste des usages sociaux des plateformes numériques Sophie Jehel, ce type de phénomène pose avant tout la question de la capacité de ces plateformes à modérer les contenus. "C'est d'autant plus inquiétant que les algorythmes entretiennent la viralité de ces publications", ajoute-t-elle. "Une nébuleuse de contenus qui échappe parfois aux filtres des hashtags."

Article original publié sur BFMTV.com