Qu'est ce que le ouija, cette planche mystique à l'honneur de la série événement de France 3 ?

Bien connu des amateurs de films d'horreur, cet objet inventé à la fin du XIXe siècle est censé permettre à ses utilisateurs de communiquer avec les esprits.

Le ouija, simple jeu ou véritable outil pour parler avec les esprits ? (Photo : Getty Images)

Ceux qui s'y essaient pour s'amuser finissent souvent par le regretter... Objet culte de l'univers du spiritisme, le ouija a inspiré des dizaines de fictions plus ou moins fameuses. Ce jeudi soir, la célèbre planche est d'ailleurs à nouveau mise à l'honneur dans une mini-série diffusée sur France 3 : Ouija, un été meurtrier. Mais comment fonctionne exactement cet étrange objet et d'où vient-il ?

L'une des raisons principales du succès du ouija, génération après génération, tient à son concept et à son mode d'utilisation extrêmement simples. Le principe est en effet d'utiliser cette planche, sur laquelle sont inscrites les 26 lettres de l'alphabet, les chiffres de 0 à 9 et les mots "oui", "non" et "au revoir", comme un outil pour communiquer avec les esprits (personnes décédées, divinités ou démons).

Les personnes désirant entrer en contact avec l'au-delà se positionnent ainsi autour de la planche et posent chacun un doigt (ou la main) sur un petit morceau de bois sculpté appelé "goutte", lui même posé sur la planche (on peut aussi utiliser un verre renversé). Les participants invoquent alors l'esprit qu'ils souhaitent contacter en lui posant des questions.

Ce dernier est ensuite censé répondre en dirigeant la "goutte" sur les lettres, les chiffres ou les mots figurant sur la planche. Ce procédé n'a absolument rien d'original dans le domaine du spiritisme et le ouija fonctionne ainsi comme une version moderne et codifiée des "tables tournantes" et autres "tables parlantes", permettant elle aussi de communiquer avec les esprits.

Comme l'ont montré plusieurs études sur le sujet, le fonctionnement du ouija n'a toutefois rien de paranormal. La goutte (ou le verre renversé) ne se déplace pas sous l'influence d'une quelconque force surnaturelle, mais bien grâce à un phénomène psychologique identifié au milieu du XIXe siècle et baptisé "effet idéomoteur".

Un article de Slate paru en 2018 décrit l'effet idéomoteur comme "un mouvement musculaire inconscient et involontaire. Vous bougez alors que vous ne l’avez pas voulu. Par exemple, lorsqu’on est sur le point de s’endormir et que l’impression soudaine de tomber nous réveille en sursaut. Ces mouvements involontaires peuvent aussi arriver éveillé, mais sont alors beaucoup moins brusques."

Dans le cas du ouija, les mouvements de la goutte sont donc directement provoqués par cet effet idéomoteur, qui fonctionne à plein chez les participants. En visualisant les questions posées aux esprits, ces derniers vont inconsciemment créer des images mentales qui se matérialisent ensuite (et toujours de manière inconsciente) par des mouvements infimes du corps, dirigés par le regard.

Comme le signale Slate, pour constater le rôle clé joué par cette réaction physiologique, il suffit de pratiquer une séance de ouija les yeux bandés : lorsque les regards des participants ne sont plus là pour les orienter, les messages des esprits deviennent en effet subitement incompréhensibles... D'après France Culture, l'effet idéomoteur est en tout cas en jeu dans de nombreuses pratiques spiritistes, mais aussi dans le fonctionnement de certains objets "magiques" comme les baguettes de sourcier.

Plus qu'un véritable objet mystique issu du folklore ésotérique, le ouija est d'ailleurs avant tout un jeu, imaginé et commercialisé à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis. "La planche Ouija a été inventée par E.C. Reiche, Elijah Bond et Charles Kennard au début des années 1890, puis améliorée et commercialisée en masse par William Fuld", indique ainsi The Straight Dope.

Le média américain ajoute que les concepteurs se sont inspirés de différentes planches qui étaient utilisées par des médiums pour communiquer avec l'au-delà et qu'ils ont combiné différents éléments pour créer une version grand public. C'est donc ensuite l'homme d'affaires William Fuld, à la tête d'un fabricant de jouets, qui a produit en masse le fameux objet et l'a lancé sur le marché au tournant du XXe siècle.

Le ouija s'est ensuite progressivement installé dans la culture populaire comme le plus célèbre mode de communication avec les esprits. Apparaissant rapidement dans des œuvres littéraires (et notamment dans A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust), la planche va cependant définitivement entrer dans l'inconscient collectif par le biais du cinéma et plus précisément du chef d'œuvre absolu du genre horrifique : L'Exorciste (1973).

C'est en effet en jouant innocemment avec une planche de ouija, au début du film, que la jeune Regan entre en contact avec le démon assyrien Pazuzu, qui va ensuite la posséder et lui faire commettre des atrocités. Par la suite, dans d'innombrables films ou séries télévisées, le ouija sera fréquemment utilisé de la même manière, comme une passerelle vers un autre monde ouverte par les personnages principaux, qui finit bien souvent par leur causer des ennuis.

En 2014, près de 125 ans après sa création, le ouija a même eu l'honneur d'un film "officiel", sous licence, comme une sorte de manière de boucler la boucle. Ce long métrage a en effet été co-produit par le fabricant de jouets Hasbro, qui édite l'une des versions actuelles du jeu, dans le but de booster les ventes du produit, en tentant de profiter de la mode des films de possession qui avait suivi l'énorme succès de Conjuring, en 2013.