Qu'est-ce que la Cocarde, ce syndicat étudiant dont sont issues plusieurs figures montantes du RN ?
Depuis quelques années, cette organisation constituerait "l’un des principaux centres de formation" du Rassemblement National (RN).
Dans un article publié ce jeudi 26 décembre, Mediapart révèle qu'au moins une dizaine de membres du RN, élus ou collaborateurs parlementaires, sont issus du syndicat étudiant La Cocarde, connu pour ses positions ultra-réactionnaires, mais aussi pour sa proximité avec certains groupuscules violents de la sphère nationaliste.
Comme le rappelle un article du Monde daté de février 2024, La Cocarde étudiante a été fondée en 2015 par des élèves de l'université Paris-Panthéon-Assas, bastion historique de la droite étudiante en France. Le quotidien vespéral précise qu'elle "revendique aujourd’hui 500 militants et une implantation sur la moitié du territoire", mais son influence dépasse largement le cadre du monde universitaire.
Une "couverture associative" pour différents groupes identitaires, parfois violents
D'après le sociologue Emmanuel Casajus, membre du Laboratoire du changement social et politique à l’université Paris-Cité, La Cocarde étudiante fonctionne ainsi comme une "couverture associative" rassemblant différentes tendances identitaires. "C’est une sorte 'd’inter-FAF' (acronyme désignant la "France aux Français", célèbre slogan d'extrême droite ndlr), où l’on peut dépasser les différentes chapelles d’extrême droite pour militer ensemble", étaie le chercheur.
Ainsi, si l'organisation affirme, sur son site officiel, se livrer uniquement à un "combat culturel", elle est également en partie constituée de militants qui n'hésitent pas à se livrer à des actes de violence. En 2022, le site Street Press avait ainsi recensé "plusieurs dizaines d'agressions" commises par des militants de la droite étudiante, dont une part importante étaient membres de La Cocarde. En septembre dernier, un étudiant avait par ailleurs été passé à tabac par deux militants d'extrême droite après avoir recouvert un sticker du syndicat.
Un vivier idéal pour les besoins de recrutement du RN
Ces liens avec la frange la plus violente de la mouvance identitaire, incarnée par le GUD et d'autres groupuscules du même type, n'ont toutefois pas empêché La Cocarde de devenir, ces dernières années, l'un des principaux viviers de recrutement du principal parti d'extrême droite. A l'instar de Luc Lahalle, ancien président du syndicat devenu en 2019 assistant parlementaire de Jordan Bardella, de nombreuses figures de l'organisation ont ainsi intégré le RN.
"Le Rassemblement National a foncièrement besoin de ces militants aujourd’hui, explique à Mediapart la politiste Marion Jacquet-Vaillant. C’est la rencontre entre des besoins massifs de collaborateurs et des jeunes prêts à s’engager. Ils sont face à un parti en pleine croissance électorale. La fenêtre d’opportunité est énorme."
Formation académique et fond idéologique
Si les militants de La Cocarde constituent, de par leur "formation académique" et leurs "réseaux de connaissances déjà constitués", une main d'oeuvre particulièrement adaptée aux besoins de recrutement du parti d'extrême droite, ils assurent aussi à ce dernier une base idéologique radicalement nationaliste, conforme à la tradition historique du parti fondé par Jean-Marie Le Pen.
"Le RN a besoin qu’un fond doctrinal d’extrême droite perdure, confirme Emmanuel Casajus, toujours cité par Mediapart. C’est un camp qui est très attaché à ses traditions, à son histoire, à ses pensées fondatrices. Ce genre de structures où les membres ont lu les auteurs identitaires, ça vient donner de l’épaisseur." Dans ces conditions, il n'est donc pas étonnant de voir émerger plusieurs anciens de La Cocarde étudiante parmi les figures montantes du RN.
Deux fondateurs de La Cocarde sont aujourd'hui des députés RN
Mediapart cite ainsi les exemples des députés Alexandre Loubet, élu en 2022 et réélu en 2024 dans la 7e circonscription de Moselle, et Gaëtan Dussausaye, élu pour sa part dans la 2e circonscription des Vosges. Tous deux ont participé à la fondation de La Cocarde en 2015 et ont ensuite rejoint les rangs du RN, au sein duquel ils ont pris une importance grandissante ces dernières années.
Directeur de la communication de Marine Le Pen pour la campagne présidentielle de 2022, Alexandre Loubet a ensuite occupé la même fonction auprès de Jordan Bardella pour les élections européennes de 2024. Déjà militant aux Front National de la Jeunesse (FNJ) à l'époque de la création de La Cocarde, Gaëtan Dussausaye a rapidement intégré le comité central du parti d'extrême droite et a lui aussi été chargé pendant un temps de la communication du RN.
Des assistants à l'influence grandissante
Selon Mediapart, La Cocarde a aussi fourni au parti d'extrême droite un certain nombres d'assistants parlementaires au cours des dernières années. Le média indépendant mentionne ainsi Luc Lahalle, évoqué plus haut, Vianney Vonderscher et Pierre-Romain Thionnet, trois anciens cadres du syndicat étudiant devenus collaborateurs du RN au Parlement européen.
Ex-secrétaire général de l'organisation étudiante, Pierre-Romain Thionnet a d'ailleurs fini par être élu eurodéputé en juin dernier sur la liste de Jordan Bardella, confirmant l'influence grandissante des militants formés à La Cocarde dans l'organigramme du RN.
La Cocarde s'installe à l'Assemblée nationale
Cette influence s'exerce également au Palais Bourbon, où plusieurs députés du RN sont épaulés par des assistants ayant fait leurs classes à La Cocarde étudiante. Ancienne responsable de la Cocarde Assas, mais aussi membre du groupuscule néofasciste Luminis, Maylis de Cibon figure par exemple dans l'équipe du député RN des Alpes-de-Haute-Provence Christian Girard depuis 2022.
Mediapart cite aussi les exemples de Bastien Holingue, passé par La Cocarde et par le groupuscule Génération Identitaire (dissous en 2021), qui occupe désormais un poste d'assistant auprès de Laurent Jacobelli (député RN de Moselle), et de Kaïna Méné, actuelle porte-parole de l'organisation étudiante et assistante du député RN de l’Oise Michel Guiniot.
Des polémiques balayées du revers de la main par le RN
La présence de membres du sulfureux syndicat étudiant parmi les forces vives du RN a d'ailleurs provoqué quelques polémiques, à l'image de celle qui a concerné Quentin Macullo, ancien responsable de La Cocarde dans le Territoire de Belfort et désormais assistant du député RN Guillaume Bigot. En 2022, Macullo s'était ainsi fendu d'un tweet aux relents nauséabonds, dans lequel il affirmait notamment : "72 % de prénoms à consonances étrangères au dernier recensement. [...] C’est du remplacement pur et dur. [...] Et je n’ai même pas comptabilisé Élie et Samuel d’origine hébraïque".
Si ce post avait ensuite été supprimé, il a logiquement resurgi au moment de la nomination de Quentin Macullo dans l'équipe de Guillaume Bigot. Face à la polémique, le député avait défendu son assistant en déclarant : "Il s’est avéré qu’il s’était mal exprimé et il a d’ailleurs supprimé ce message. Il n’y a rien de raciste ou d’antisémite chez mon collaborateur".
Si le secrétaire général du groupe RN à l'Assemblée, Renaud Labaye, assure que "la Cocarde n’est pas une structure privilégiée" par son parti, tous ces exemples indiquent que les accointances entre le parti nationaliste et l'organisation étudiante sont bien réelles. Loin de couper les ponts avec la mouvance identitaire, le RN continue donc d'y puiser des forces vives, résolument ancrées à l'extrême droite de l'échiquier politique.