Qu'est-ce que l'agent orange, au coeur d'un combat judiciaire en France ?

Ce produit, fourni par des groupes agrochimiques, a été utilisé par l'armée américaine dans sa guerre contre les guérillas communistes, comme au Vietnam. La cour d'appel de Paris a jugé "irrecevable" l'action en justice contre ces groupes..

Un colonel de l’armée vietnamienne désigne les zones contaminées par la dioxine sur la carte, sur le site de la cérémonie d’inauguration du projet commun américano-vietnamien de nettoyage des dioxines qui s’est tenu à l’ancienne base aérienne américaine dans la ville centrale de Danang le 9 août 2012. 
 (Photo by HOANG DINH NAM / AFP)
Un colonel de l’armée vietnamienne désigne les zones contaminées par la dioxine sur la carte, sur le site de la cérémonie d’inauguration du projet commun américano-vietnamien de nettoyage des dioxines qui s’est tenu à l’ancienne base aérienne américaine dans la ville centrale de Danang le 9 août 2012. (Photo by HOANG DINH NAM / AFP)

Nouveau revers judiciaire dans la lutte des victimes de l'agent orange contre les groupes agroalimentaires qui ont fourni le produit à l'armée américaine. L'action en justice contre Bayer-Monsanto et 13 autres groupes vient d'être jugée "irrecevable" par la cour d'appel de Paris, estimant qu'elles ne peuvent pas être poursuivies devant la justice française

Depuis des années, les personnes exposées à ce défoliant ultra-toxique, fabriqué pour un usage militaire, tentent d'obtenir réparation de la part des 14 groupes agroalimentaires à l'avoir commercialisé, dont le mastodonte Bayer-Monsanto.

L'agent orange est composé notamment de dioxine, un polluant qui peut "causer des problèmes de reproduction et de développement, endommager le système immunitaire, interférer avec le système endocrinien et provoquer des cancers", selon l'OMS. Ce produit a largement été utilisé par l'armée américaine durant ses guerres contre les guérillas communistes, notamment au Viêt-Nam entre 1961 et 1971, en servant notamment à faire tomber les feuilles des arbres et ainsi faciliter la mise à découvert des ennemis, ainsi qu'à détruire les récoltes servant à nourrir la population locale et les troupes ennemies.

Selon un rapport de l’Unesco, les épandages d’agent orange ont détruit 400 000 hectares de terres agricoles, deux millions d’hectares de forêts et 500 000 hectares de mangrove, soit 20% de l’ensemble des forêts sud-vietnamiennes.

Au-delà des effets sur la nature, avec une pollution des fruits et légumes et une pollution des sols durant des dizaines d'années, la population subit des effets graves. Entre 2,1 et 4,8 millions de personnes ont été exposées à l'agent orange, en majorité des Vietnamiens, mais aussi des Cambodgiens et des Laotiens, selon un rapport. L'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange affirme que plus de trois millions d'entre elles ont développé des problèmes de santé.

En France, le combat est mené par une franco-vietnamienne, Tran To Nga, âgée de 82 ans et qui a été exposée à l'agent orange alors qu'elle couvrait la guerre du Viêt-nam comme jeune journaliste. Depuis, elle souffre de tuberculose à répétition, d’un cancer, d’alpha-thalassémie, et d’un diabète de type 2 avec une allergie à l’insuline qualifiée de rarissime. Sa fille, née en 1969, est morte d’une malformation cardiaque au bout de dix-sept mois et ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de pathologies graves, selon le collectif Vietnam Dioxine.

Parmi les maladies imputées à l'agent orange, qui tient son nom de la couleur du bandeau peint sur les barils, le cancer du poumon, la chloracné, le diabète de type 2... En tout une vingtaine de maladies officiellement reconnues par le ministère des Anciens combattants des États-Unis pour les soldats ayant été en contact avec l'agent orange lors de sa dispersion sur la population vietnamienne.

La quatrième génération après la guerre est toujours victime des conséquences de l'utilisation de l'agent orange : au Vietnam, on estime que plus de 100 000 enfants souffrent de séquelles dues à l’agent orange et la dioxine qu’il contenait. Et chaque année au Vietnam, environ 6000 enfants naîtraient avec des malformations congénitales.

Si l'action en justice a été jugée irrecevable en France, au motif que les entreprises visées avaient "agi sur ordre et pour le compte de l'État américain" et pouvaient, en conséquence, se prévaloir de "l'immunité de juridiction", qui leur permet d'échapper à des poursuites initiées dans un autre pays, aux États-Unis, sept entreprises visées par une action collectives dans les années 70 initiée par des vétérans avaient signé un accord à l'amiable en échange de l'arrêt de toute poursuite, versant 180 millions de dollars à un fonds de compensation. En France, Tran To Nga prévoit de se pourvoir en cassation.