Que du mieux pour le sterling...si un "hard Brexit" est évité

par Tom Finn

LONDRES (Reuters) - Les espoirs d'une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l'Union européenne, que le rejet attendu de l'accord négocié par la Première ministre Theresa May avec Bruxelles par le Parlement britannique sont loin d'anéantir, commencent à bénéficier à la livre sterling dont les prévisionnistes estiment qu'elle a plus de chance de s'apprécier que de tester de nouveaux plus bas.

La devise britannique, qui a cédé 7% contre le dollar en 2018, est partie d'un bon pied en ce début d'année et a même atteint lundi un plus haut en séance depuis la mi-novembre à 1,2929 à la veille du vote des parlementaires britanniques sur l'accord de sortie négocié par Theresa May avec ses partenaires européens.

Le rejet de l'accord, largement anticipé à deux mois et demi de la date fixée pour le retrait effectif du Royaume-Uni de l'UE, pourrait ouvrir une période de grande incertitude avec des scénarios allant d'un Brexit désordonné (sortie sans accord) à un renoncement au Brexit.

Mais au-delà du bruit à court terme, certains investisseurs considèrent que la livre pourrait bien être correctement valorisée voire offrir un potentiel de rebond à moyen terme avec un positionnement de marché excessivement négatif et un dollar qui a connu son pic.

Ils estiment que le risque d'un Brexit sans accord - souvent considéré comme la pire des issues pour la livre - a reculé avec la reprise en main du contrôle du processus par le Parlement.

Le gérant de fonds Crispin Odey, l'un des plus importants donateurs pour la campagne en faveur du Brexit, a déclaré vendredi qu'il s'attendait à ce que le projet de Brexit soit purement et simplement abandonné et qu'il prenait désormais position dans la perspective d'une appréciation du sterling.

"Une bonne dose de mauvaises nouvelles autour du Brexit a déjà était intégrée et la livre évoluera désormais plus en réponse à de bonnes nouvelles qu'à de mauvaises", a dit de son côté Kit Juckes, responsable de la stratégie sur les changes à la Société générale.

"Tout ce qui n'est pas un Brexit sans accord est susceptible d'être positif pour la livre."

Le marché des options va clairement dans ce sens, avec un risque de dépréciation de la livre par rapport au dollar au plus bas en plus de sept mois, selon les risk reversals à un mois.

UN BREXIT SANS ACCORD JUGÉ PEU PROBABLE

La perspective d'un rebond de la livre est aussi alimentée par ses niveaux de valorisation. La devise britannique se négocie 6% en dessous de sa moyenne sur cinq ans en termes de taux de change effectif réel et 14% en dessous de la moyenne sur 20 ans.

"Pour l'instant, un Brexit sans accord apparaît très peu vraisembable, donc les actifs britanniques sont probablement sous-évaluées et il y a un certain potentiel de rebond de la devise", a dit Roberto Coronado, gérant de portefeuille chez PineBridge Investments, qui a une petite position à l'achat sur le sterling contre le dollar.

Crispin Odey a dit qu'il avait changé de position le mois dernier et que la livre "pourrait bien être assez forte" est atteindre 1,32 dollar voire 1,35 contre 1,2777 vers 16h15 GMT.

Le principal fonds d'Odey Asset Management a largement bénéficié jusqu'à présent de ses prises de position à la baisse des actifs britanniques dans un contexte de craintes des investisseurs sur les conséquences potentiellement négatives du Brexit.

Les stratégistes sur les changes interrogés par Reuters la semaine dernière s'attendaient en moyenne à une hausse de 8% de la livre contre le dollar cette année, en cas d'une sortie sur la base d'une forme d'accord avec l'UE.

Si une sortie sans accord est effectivement évitée, les intervenants pourraient se positionner clairement à la hausse sur la livre.

La dissipation des risques de fortes turbulences associés à un Brexit désordonné permettrait aussi à la Banque d'Angleterre de relever ses taux, ce qui apporterait un soutien supplémentaire à la devise.

UNE HAUSSE DE TAUX EN VUE ?

Une enquête auprès d'économistes publiée mardi montre qu'ils s'attendent à une forme d'accord qui ouvrirait la voie à une hausse de 25 points de base des taux directeurs par la Banque d'Angleterre (BoE) plus tard dans l'année.

Ils estiment très majoritairement le scénario d'un accord de libre-échange entre la Grande-Bretagne et l'UE comme l'issue la plus probable.

Alors que la Réserve fédérale américaine a signalé son intention de marquer une pause dans le cycle de resserrement de sa politique monétaire, cela favoriserait un renforcement de la livre.

"Si nous franchissons le Brexit en évitant une sortie sans accord, la BoE penchera pour des hausses de taux", estime Sarah Hewin, économiste chez Standard Chartered. "Dans 12 mois, nous avons une livre revenant sur des niveaux un peu supérieurs à 1,40 dollar."

Mais le chemin pour y arriver pourrait s'avérer "pénible", a-t-elle ajouté.

Et d'autres sont plus prudents. Joel Kruger, analyste chez LMAX Exchange, juge ainsi trop risqué de se lancer et n'envisage de prendre position sur les options que le la livre dépasse 1,33 dollar ou tombe en dessous de 1,23 dollar.

(Avec Sujata Rao et Ritvik Carvalho, Marc Joanny pour le service français, édité par Patrick Vignal)