"Quatre ou cinq coups de feu": ce jour où Trump échappe à une deuxième tentative d'assassinat présumée

La pelouse immaculée du golf de West Palm Beach en Floride s'affaisse sous les pas du 45e président des États-Unis. En ce dimanche 15 septembre, après une apparition la veille dans l'Utah à l'autre bout du pays pour une collecte de fonds, Donald Trump décide de s'emparer de son club pour se détendre dans son propre parcours de golf alors que sa campagne électorale bat son plein. Sous un beau soleil matinal, selon les dires du candidat républicain, il invite officieusement quelques amis dont l'homme d'affaires et donateur Steve Witkoff à se joindre à lui.

"Je jouais au golf avec certains de mes amis, c'était un dimanche matin et c'était très calme, il faisait très beau, tout était beau, c'était un endroit agréable", raconte le milliardaire républicain.

Alors qu'il se dirige vers le cinquième trou du parcours non loin d'une étendue d'eau, des agents du Secret Service chargés de sa protection balayent le périmètre autour du trou suivant, le sixième. Mais la partie prend un tout autre tournant.

Quatre ou cinq coups de feu

Vers 13h30 heure locale (19h30 heure de Paris), un des agents repère ce qui lui semble être un fusil dépassant des buissons entourant le Trump International Golf Club, situé à 15 minutes de route de sa résidence de Mar-a-Lago. Il ouvre immédiatement le feu.

"Tout d'un coup, nous avons entendu des coups de feu en l'air, je pense qu'il y en avait quatre ou cinq, et cela ressemblait à des balles", témoigne Donald Trump.

Des agents, restés avec le candidat républicain, lui intiment de s'arrêter net, se regroupent autour de lui et l'empoignent. Les tireurs d'élite eux se séparent, installent leur trépied et visent l'endroit d'où sont provenus les coups de feu.

Rapidement, Donald Trump et ses accompagnants sautent dans les voiturettes de golf afin de s'éloigner de tout potentiel danger. Un danger d'autant plus prégnant dans les esprits que l'ex-locataire de la Maison Blanche a échappé à une tentative d'assassinat mi-juillet lors d'un meeting en Pennsylvanie.

Un homme s'échappe des buissons et prend la fuite

Alors que les coups de feu retentissent, un homme s'échappe des buissons près de la clôture bordée d'arbres au sud du terrain de golf, sur le Summit Boulevard. Un homme qui était posté à cet endroit depuis près de 12 heures, soit depuis 1h59 dans la nuit de samedi à dimanche heure locale, d'après le bornage de son téléphone.

Il s'engouffre dans un SUV Nissan noir et prend la fuite. Une femme, témoin de la scène, photographie le véhicule ainsi que la plaque d'immatriculation. Un indice qui s'avère majeur pour les forces de l'ordre.

"Le suspect, qui n'avait pas l'ancien président dans son champ de vision, a pris la fuite. Il n'a pas tiré", a affirmé le directeur par intérim du Secret Service, Ronald Rowe, ce lundi lors d'une conférence de presse.

Autour du grillage du club de golf, toujours même endroit, entre 300 et 500 mètres d'où se trouvait Donald Trump, un arsenal est retrouvé, dont un fusil d'assaut de type SKS - une arme d'une portée de près de 440 mètres - avec le numéro de série effacé et monté d'une lunette de tir. Accroché à la clôture du parcours, se trouvent également un sac à dos avec des carreaux de céramique identiques à ceux utilisés dans les gilets pare-balles, et un sac en plastique noir contenant de la nourriture, selon CNN. Une caméra GoPro aussi.

45 minutes de cavale

Vers 13h55, soit 20 minutes après les tirs du Secret Service, le bureau du shérif du comté de Martin reçoit une alerte lui signifiant que le suspect se dirige vers le nord sur l'Interstate 95, l'autoroute principale sud–nord de la côte est des États-Unis. Une trentaine d'agents du comté de Martin se lancent à sa recherche. Les forces de l'ordre "inondent" cette autoroute.

Une fois le véhicule du suspect repéré - dont la plaque correspond à celle d'un camion Ford blanc de 2012 déclaré volé -, deux gros pick-up se préparent pour lui barrer la route. Après 45 minutes de cavale, à 14h14 heure locale, il est arrêté à environ 70 kilomètres du golf de Trump, sur la route 714 près de Palm City dans le comté de Martin.

Vêtu d'un t-shirt rose, il sort de son véhicule, avance à reculons, les bras en l'air d'après les images filmées par la caméra-piéton d'un agent. "Faites deux pas à droite! Reculez!", lui crie un agent avant de lui passer rapidement les menottes. L'homme par la suite identifié, comme Ryan Wesley Routh, un Américain de 58 ans, apparaît calme, le visage dépourvu d'expression, et laisse menotter sans incident.

"Son comportement était détendu", raconte le shérif du comté de Martin, William Snyder. "J'ai honnêtement pensé qu'il ressemblait à quelqu'un qui venait de quitter le pique-nique de l'église et qui rentrait chez lui". Pourtant, quand on lui demande pourquoi il est arrêté, cet homme répond par l'affirmatif.

Alors que Ryan Wesley Routh, remis au FBI, est placé en garde à vue, Donald Trump rassure sur son état. "N'ayez crainte, je suis en sécurité et je vais bien. Personne n'a été touché. Grâce à Dieu", écrit-il dans des messages transmis à la presse par son équipe de campagne.

Une enquête est ouverte par le Secret Service sur les tirs, par l'État de Floride et par le FBI pour "tentative d'assassinat présumée".

Un pro-ukrainien aux opinions politiques changeantes

Une enquête médiatique se met également en place et l'identité du suspect est rapidement révélée. Ryan Wesley Routh, un artisan indépendant dans le bâtiment à Hawaï, se trouve être un pro-ukrainien. Des messages sur son compte X, suspendu depuis, donnent un aperçu d'opinions politiques changeantes, soutenant d'abord Donald Trump avant de s'en détourner et de préférer Joe Biden.

Dans plusieurs messages, il a exprimé cette année son souhait de voir se présenter à la présidentielle un "ticket" républicain composé de l'entrepreneur Vivek Ramaswamy et de l'ex-gouverneure de Caroline du Sud Nikki Haley, des adversaires de Donald Trump lors des primaires.

Dans un livre qu'il avait publié en 2023 sur la guerre en Ukraine, il se disait "indépendant" sur le plan politique: "Ça me fatigue vraiment qu'on me demande si je suis démocrate ou républicain, je refuse qu'on me mette dans une catégorie (...)".

Ryan Wesley Routh a aussi un casier judiciaire bien rempli. Il a notamment été condamné en Caroline du Nord en 2002 pour "possession d’une arme de mort et de destruction massives" et en 2010 pour "plusieurs chefs d’accusation de possession de biens volés".

Ce n'est donc pas la première fois ce lundi, au lendemain de la tentative d'assassinat présumée, qu'il foule le sol d'un palais de justice. Présenté à un juge fédéral devant un tribunal bondé de Palm Beach, il apparaît menotté, vêtu d'une combinaison de prison bleue et souriant alors qu'il discute avec son avocat, rapporte la BBC.

Lors de cette première comparution express, il a été inculpé pour possession d'une arme à feu par un criminel condamné et possession d'une arme à feu dont le numéro de série a été masqué.

Si aucune référence à une tentative d'attentat contre l'ancien président n'est faite à ce stade, il devrait toutefois faire l'objet d'autres poursuites. Sa prochaine comparution, sur son maintien en détention, est fixée au 23 septembre et sa mise en accusation formelle une semaine plus tard.

Une figure de martyre renouvelée

L'enquête, elle, se poursuit. Les membres de la famille du suspect et ses anciens collègues sont interrogés par le FBI. Le service de l'intérieur tente notamment de déterminer si le suspect a agi seul, comment a-t-il pu savoir que Donald Trump jouerait au golf ce jour-ci alors que cela n'avait pas été dit publiquement ou encore comment a-t-il pu rester 12 heures dans cet endroit sensible sans avoir été repéré. Le ministre de la Justice Merrick Garland promet ce mardi que les forces de l'ordre "travailleront ensemble pour déterminer sans relâche les responsabilités" dans cet événement.

Le Secret Service, lui, se retrouve de nouveau au centre des interrogations après la première tentative d'assassinat déjouée de juillet. Si Donald Trump salue l'action de cette police d'élite, ses alliés républicains déplorent le fait que son dispositif de sécurité n'ait pas été élevé au niveau dont bénéficie un président en exercice.

Le président Biden réclame quant à lui "davantage d'aide" pour cette agence gouvernementale, notamment "plus de personnel", et appelle le Congrès à débloquer des moyens supplémentaires.

À moins de 50 jours du scrutin, sans surprise, Donald Trump utilise cette tentative d'assassinat présumé comme un argument électoral et un moyen de récolté des fonds. Il pointe du doigt la "rhétorique de gauche communiste" des démocrates, notamment de Kamala Harris et de Joe Biden à laquelle "adhérait" le suspect arrêté selon lui, les qualifiant "d'ennemi de l'intérieur".

"Leur rhétorique fait que l'on me tire dessus", dénonce l'ancien président américain affirmant qu'il ne se "rendra jamais". "Les balles volent, et cela ne fera qu'empirer", écrit-il sur X.

Joe Biden de son côté déclare qu'il "condamnera toujours la violence politique" avant de contacter le candidat républicain par téléphone, en fin d'après-midi.

Contre toute attente, ils ont "une conversation cordiale et l'ancien président Trump a exprimé ses remerciements pour cet appel", selon la porte-parole de la Maison Blanche, Emilie Simons. Donald Trump lui-même estime, lors d'une apparition sur X pour promouvoir une nouvelle entreprise de cryptomonnaie, que le président américain a été "très gentil". Un discours contrastant avec les propos incendiaires tenus quelques heures auparavant.

Kamala Harris a également son rival ce mardi "pour lui dire qu'elle était heureuse qu'il soit sain et sauf".

Sa figure de martyre, le milliardaire républicain ne va toutefois probablement pas l'abandonner de sitôt. Il est à parier qu'il va essayer d'en tirer profit comme après sa première tentative d'assassinat. Et ce, dès ce mardi alors qu'il repart en campagne dans le Michigan, un État-clé parmi les plus disputés du scrutin.

Article original publié sur BFMTV.com