Pédagogie

«La théorie du genre, je la refuse.» Le propos est, pour le moins, maladroit. A fortiori dans la bouche d’un ministre de l’Education nationale, philosophe de surcroît. Sa formation comme sa fonction auraient dû le conduire à clarifier les termes, avant de s’empresser de rassurer quelques citoyens pris de terreur face à un spectre imaginaire agité par une poignée de rouges-bruns de l’ère numérique. Plutôt que tomber dans le panneau «attention école» brandi par des illuminés qui instrumentalisent leurs enfants au point de les déscolariser, il aurait pu, face à ces tirs croisés d’intégristes bigarrés, commencer par affirmer qu’il n’existe pas de «théorie du genre». Sauf dans l’esprit marketing de l’entourage de Benoît XVI, qui lança l’expression. Notre ministre aurait ensuite gagné à expliquer combien le concept de «genre», forgé par nombre de chercheurs en sciences humaines et sociales depuis plus d’un demi-siècle, est précieux pour penser nos sociétés, combien il est utile politiquement et même nécessaire pour lutter contre les inégalités. Ceux qui, à gauche (ce n’est heureusement pas le cas de Vincent Peillon !), considèrent, depuis le débat sur la loi Taubira, que le gouvernement en fait trop sur les questions de société et risque de «perdre» les catégories populaires, font preuve d’un pathétique cynisme électoraliste, mais surtout de mépris condescendant, voire de racisme de classe, en supputant que ces milieux sociaux seraient davantage homophobes, qu’ils se ficheraient du mariage pour tous, de l’IVG, du droit de vote des étrangers, de la fin de vie et autres avancées dans le genre. Voilà pourtant une belle théorie de progrès.

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