Pyongyang "ouvert" au dialogue après le report du sommet Trump-Kim

L'annulation par Donald Trump du sommet prévu le 12 juin prochain avec Kim Jong-un n'est pas conforme aux souhaits du monde mais la Corée du Nord reste ouverte à une telle réunion, rapporte vendredi l'agence officielle de presse nord-coréenne KCNA. /Photo diffusée le 18 mai 2018/KCNA/REUTERS

par Josh Smith et Christine Kim

SEOUL (Reuters) - La Corée du Nord a adopté un ton modéré vendredi pour réagir à la décision de Donald Trump d'annuler le sommet historique prévu le 12 juin à Singapour avec son dirigeant Kim Jong-un.

"Son annonce soudaine et unilatérale d'annuler le sommet est quelque chose d'inattendu pour nous et nous ne pouvons que le regretter", a déclaré le vice-ministre nord-coréen des Affaires étrangères Kim Kye-gwan, cité par l'agence de presse nord-coréenne KCNA.

Un sommet USA-Corée du Nord reste une nécessité pour sortir de l'hostilité qui caractérise les relations bilatérales entre les deux pays, a ajouté le vice-ministre.

"Nous tenions en haute estime les initiatives du président Trump, sans précédent chez aucun autre président, pour parvenir à un sommet historique entre la Corée du Nord et les USA", déclare-t-il. "Nous disons une fois de plus aux Etats-Unis que nous sommes ouverts à un règlement de nos problèmes à tout moment et de quelque façon que ce soit."

Trump a annulé jeudi sa rencontre prévue le 12 juin à Singapour avec le dirigeant nord-coréen en dénonçant "l'hostilité affichée" de Pyongyang.

"Nous avions espéré qu'une 'solution à la Trump' serait une manière sage d'alléger les inquiétudes de part et d'autre, de respecter nos exigences et de résoudre les problèmes de manière réaliste", poursuit Kim Kye-gwan.

Le président américain a réagi dans un message sur Twitter : "Très bonne nouvelle de recevoir cette déclaration chaleureuse et productive de la Corée du Nord. Nous verrons très vite où cela mène, à une prospérité et une paix longues et durables, espérons-le. Seul le temps (et le talent) le diront".

La Corée du Nord avait haussé le ton ces derniers jours, faisant peser un doute de plus en plus fort sur la tenue du sommet de Singapour.

Elle avait notamment vivement critiqué les propos du conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, et de du vice-président américain Mike Pence, selon lesquels elle pourrait connaître le sort de la Libye si elle ne renonçait pas rapidement son arsenal nucléaire.

Le dirigeant Mouammar Kadhafi a été assassiné par des rebelles soutenus par l'Otan fin 2011. Il avait quelques années auparavant renoncé à son programme nucléaire qui en était à ses débuts.

Trump avait d'abord cherché à apaiser la Corée du Nord, affirmant qu'il ne recherchait pas le "modèle libyen" en l'obligeant à abandonner son programme d'armement nucléaire.

NUAGES DE POUSSIÈRE

Mais, alors que l'administration Trump insistait sur le démantèlement complet, vérifiable et irréversible du programme nucléaire de la Corée du Nord, le régime communiste dynastique de Pyongyang s'est toujours exprimé en termes de dénucléarisation de la péninsule coréenne.

La Corée du Nord a annoncé jeudi qu'elle avait complètement démantelé son installation d'essais nucléaires de Punggye-ri dans un souci de "transparence".

Des images de l'événement diffusées vendredi par les médias sud-coréens montrent des explosions provoquant d'énormes nuages ​​de poussière et de débris pour détruire les entrées des tunnels ainsi que des structures en bois autour du site.

D'autres images montrent des responsables nord-coréens déployant une carte du site, avec plusieurs importants réseaux de tunnels qui, selon eux, auraient tout à fait pu être utilisés avant leur destruction.

Certains analystes craignent toutefois que l'annulation des pourparlers ne provoque une reprise des hostilités dans la péninsule coréenne, notamment une reprise des essais de missiles à courte portée ou l'intensification des cyberattaques de la part de Pyongyang tandis que les Etats-Unis annonceraient de nouvelles sanctions ou le déploiement de nouveaux moyens militaires.

Après la publication de sa lettre à Kim Jong-un jeudi, Donald Trump a déclaré que l'armée américaine se tenait prête pour le cas où le dirigeant nord-coréen prendrait des mesures "idiotes". Les Etats-Unis poursuivront leur "campagne de pression maximale" pour pousser la Corée du Nord à abandonner ses armes nucléaires, a dit le président américain.

Le président sud-coréen Moon Jae-in, qui avait joué un grand rôle dans la préparation du sommet de Singapour, s'est dit "perplexe" face à la décision de l'annuler.

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo et son homologue sud-coréen Kang Kyung-wha se sont entretenus au téléphone.

La Chine, principal allié et partenaire commercial de la Corée du Nord, a appelé les Etats-Unis et la Corée du Nord à poursuivre le dialogue.

Ces derniers jours, Donald Trump avait laissé entendre que Kim Jong-un avait changé de ton après une rencontre avec le président chinois Xi Jinping.

Selon le quotidien officiel China Daily, le fait que Donald Trump ait invité Kim Jong-un dans sa lettre à l'appeler ou à lui écrire s'il souhaite organiser une nouvelle réunion, signifie que la porte n'est pas fermée.

"Après 65 ans, des atermoiements sont à prévoir, mais toutes les parties doivent rester en contact et travailler aux mêmes objectifs", écrit le quotidien de langue anglaise.

(Avec David Brunnstrom et Matt Spetalnick à Washington et William Mallard et Nobuhiro Kubo à Tokyo; Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)