Publication du contrat gouvernemental en Italie, vers une confrontation avec l'UE

Dévoilé vendredi, le contrat de gouvernement négocié par le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue appelle à une révision des règles de gouvernance européenne et pose le décor d'une confrontation avec les partenaires européens de l'Italie. /Photo prise le 24 mars 2018/REUTERS/Tony Gentile

par Gavin Jones et Steve Scherer

ROME (Reuters) - Le contrat de gouvernement négocié par le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue dévoilé vendredi appelle à une révision des règles de gouvernance européenne et, même s'il ne retient pas certains des éléments qui avaient fuité ces derniers jours, il pose le décor d'une confrontation avec les partenaires européens de l'Italie.

Aucun projet de sortie de l'euro ou de référendum sur la question ne figure dans l'accord, qui ne demande pas non plus à exclure du calcul de la dette les rachats d'obligations opérés par la Banque centrale européenne (BCE).

Mais le mouvement anti-système de Luigi Di Maio et la formation d'extrême droite de Matteo Salvini réclament en revanche que les dépenses d'investissement ne soient pas prises en compte dans le calcul du ratio dette/PIB.

Ils veulent aussi une activation totale des objectifs du traité européen de Maastricht (1992), qui visent notamment à un renforcement de la légitimité démocratique des institutions européennes et une amélioration de leur efficacité.

Les 57 pages de ce programme, bouclé jeudi soir par Di Maio et Salvini, s'articulent en 30 chapitres couvrant l'action gouvernementale pour les cinq années à venir de la législature.

Certaines des propositions les plus radicales qui avaient fuité ces derniers jours et provoqué l'inquiétude des marchés financiers n'y figurent plus. Mais le chiffrage de ce "contrat de gouvernement", qui prévoit des milliards d'euros de baisses d'impôts et de dépenses publiques nouvelles, continue de susciter des craintes.

Ce vendredi à la mi-journée, la Bourse de Milan est orientée à la baisse, de même que l'euro, tandis que l'écart de rendements entre les obligations italiennes et la référence allemande se creuse.

Le plan ne fait pas l'objet d'un chiffrage précis. En se basant sur les fuites de ces derniers jours, dont certains points ne sont plus d'actualité, Carlo Cottarelli, ancien du Fonds monétaire international (FMI), tablait sur un coût annuel susceptible d'atteindre les 126 milliards d'euros. Le Corriere della Sera avance une facture de 65 milliards d'euros.

"La possibilité d'un gouvernement eurosceptique à Rome ébranle la confiance des investisseurs. A ce stade, un creusement du déficit budgétaire et un accroissement des émissions d'obligations semblent probables", explique David Madden, de CMC Markets.

TOUJOURS PAS DE NOM POUR LA PRÉSIDENCE DU CONSEIL

L'accord va être soumis à l'approbation des militants des deux partis dans le cadre d'une consultation accélérée prévue sur trois jours, et qui doit donc s'achever dimanche.

Le M5S a lancé vendredi un vote en ligne auprès de ses adhérents qui doit se conclure à 20h00 (18h00 GMT).

Un gouvernement pourrait dès lors être en place dans le courant de la semaine prochaine, onze semaines après les élections législatives du 4 mars qui n'ont produit aucune majorité évidente.

Reste à s'entendre au préalable sur le nom du futur président du Conseil - chacun des deux dirigeants a exclu que l'autre accède au palais Chigi - et à obtenir l'aval du président de la République, Sergio Mattarella.

Salvini a précisé que Di Maio et lui se rendraient lundi au palais du Quirinal, le siège de la présidence italienne.

Au chapitre de la fiscalité, les deux formations prévoient pour l'impôt sur les revenus de ramener à deux le nombre de tranches d'imposition, taxées à 15% et 20%.

Pour ce qui est de la politique sociale, le futur gouvernement prévoit la mise en place d'un "revenu citoyen" sous condition de ressources, de l'ordre de 780 euros mensuels pour un célibataire par exemple, et l'abrogation de la réforme des retraites adoptée en 2011.

Sur le financement, le contrat intègre l'émission d'obligations à court terme pour régler les dettes de l'Etat auprès des entreprises et des foyers italiens.

L'utilisation de ces obligations, connues en Italie sous le nom de "miniBot" (mini-Bons ordinaires du Trésor), figurait dans le programme de la coalition mise en place avant les élections législatives du 4 mars dernier par la Ligue de Matteo Salvini, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Frères d'Italie de Giorgia Meloni.

"Quelque chose doit être fait pour résoudre le problème des dettes de l'administration publique envers les contribuables", peut-on lire dans l'accord.

Les deux partis demandent aussi un réexamen complet du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin. Ils entendent également relancer la compagnie nationale aérienne Alitalia.

Sur le volet politique, il est prévu d'introduire un "code éthique" interdisant aux délinquants condamnés d'entrer au gouvernement, même lorsque leur condamnation est l'objet d'un appel. Cette interdiction vise également les francs-maçons et les individus visés par des enquêtes pour des délits graves (corruption, par exemple).

Ancien allié de Salvini avant les élections, l'ex-président du Conseil Silvio Berlusconi, déjà condamné pour fraude fiscale, a accusé le chef de la Ligue de "trahison" et l'a exhorté à rompre l'accord avec Di Maio et à "rentrer à la maison".

(Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)