Prudente "reprise de contact" des syndicats à Matignon, les retraites en surplomb

Reçus mardi et mercredi à Matignon, les syndicats ont mis sur la table les sujets sur lesquels ils jugent urgent d'avancer, tout en rappelant leur opposition "déterminée" à la réforme des retraites.

Après Frédéric Souillot (FO) et Laurent Berger (CFDT) mardi, François Hommeril (CFE-CGC) et Cyril Chabanier (CFTC) ont rencontré la Première ministre mercredi. Sophie Binet (CGT) doit clore le bal des entretiens à 17H00.

Tous ont commencé par rappeler leur opposition à la réforme des retraites promulguée le 14 avril. "On ne tourne pas la page", a déclaré M. Chabanier. Les syndicats n'ont "pas baissé les armes", a souligné M. Hommeril.

Les responsables syndicaux ont redit leur soutien à la proposition de loi Liot visant à abroger la réforme, qui doit théoriquement être examinée le 8 juin, ce que le gouvernement cherche à éviter.

Sur France Inter mercredi matin, Sophie Binet a jugé qu'il serait "gravissime que les députés soient encore une fois empêchés de voter sur cette réforme". Mardi, M. Berger, avait estimé qu'il "serait inacceptable (qu'elle) ne soit pas examinée".

Reçu mardi, le secrétaire général de Force ouvrière, Frédéric Souillot, a commencé son entretien avec Elisabeth Borne en lui offrant un badge demandant le "retrait" de la réforme.

"On a parlé de nos revendications", notamment sur les salaires, mais "nous n'avons pas accepté de calendrier" de négociations sur d'autres sujets que les retraites, a-t-il dit, avec cette formule: "on a ouvert le bal, mais on n'a pas dansé".

- "Plus confiance" -

Le numéro un du syndicat des cadres, François Hommeril, s'est montré plus conciliant mercredi, disant ne pas faire du retrait de la réforme un préalable à cette "reprise de contact" avec la cheffe du gouvernement, même si les organisations syndicales n'ont "plus confiance", et estiment avoir été "trahies" sur ce dossier.

Chaque organisation syndicale a fait part de ses priorités. La CFE-CGC attend que le gouvernement rouvre le dossier des ordonnances travail, faute de quoi elle estimera qu'il est de "mauvaise foi". Mais son dirigeant ne semble guère optimiste, alors que le président de la République s'est de nouveau félicité la semaine dernière de ces ordonnances.

Le syndicat des cadres souhaite aussi que le gouvernement revienne sur la dégressivité des allocations chômage, et leur modulation en fonction de la conjoncture. Selon M. Hommeril, la Première ministre envisagerait de "laisser les partenaires sociaux revenir" sur ces mesures dans le cadre des négociations qu'ils doivent ouvrir sur l'assurance chômage.

Cyril Chabanier a insisté sur la question des salaires, réclamant la hausse du point d'indice des fonctionnaires comme la révision des grilles salariales dans le privé, qui démarrent trop souvent en dessous du Smic.

La CFTC souhaite que toute hausse du premier niveau de la grille salariale se traduise par une augmentation identique des niveaux supérieurs jusqu'à au moins 1,6 Smic.

Elle prône également l'instauration d'un système de prévoyance pour tous les salariés.

Selon M. Chabanier, Elisabeth Borne s'est montrée ouverte à la discussion sur la prévoyance, la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, la révision des grilles salariales, l'ouverture d'une négociation sur la hausse du point d'indice, l'emploi des seniors - même si elle a parfois renvoyé ces sujets à la discussion entre partenaires sociaux.

"On jugera sur les actes", a-t-il prévenu, tout en défendant la démarche des syndicats: "on ne peut pas ne pas parler de ces sujets". "On ne se contentera pas de mesurettes", avait mis en garde Laurent Berger mardi.

Interrogée sur France Inter mercredi matin, Mme Binet a indiqué qu'elle parlerait "des exigences des salariés, du retrait de la réforme des retraites, des augmentations de salaires et de la conditionnalité des aides publiques". La CGT souhaite une indexation des salaires sur l'inflation, comme FO.

La CFDT plaide elle pour une suspension des exonérations de cotisations pour les branches qui ont des minima inférieurs aux Smic.

Les syndicats présenteront leurs revendications communes le 30 mai, avant une 14e journée de mobilisation le 6 juin.

Mais certains opposants "n'attendront pas sagement" ces échéances: le Réseau pour la grève générale, qui veut "construire un véritable rapport de force" avec l'exécutif, organisait un rassemblement à 16H00 près des Invalides, à quelques enjambées de Matignon, qui a rassemblé quelques dizaines de personnes, a constaté l'AFP.

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