La proposition de Jean-Luc Mélenchon pour Matignon s’adresse aussi aux alliés du Nouveau Front populaire
POLITIQUE - Face à une situation politique figée, quelle est la meilleure tactique ? Attendre qu’elle se décante, prendre le temps de la maturation, comme le fait Emmanuel Macron ? Ou attaquer, bouger, faire des propositions, comme s’y attelle Jean-Luc Mélenchon ? Depuis quarante-huit heures, la question qu’il a posée aux responsables de la droite et du camp présidentiel agite la sphère politique. En proposant de soutenir un éventuel gouvernement du Nouveau Front populaire sans y participer, le fondateur de La France insoumise a pris tout le monde de court. Y compris à gauche.
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Seule Lucie Castets avait été informée en amont de cette annonce. Les autres leaders du NFP n’étaient pas dans la confidence. Et ont découvert, en même temps que tout le monde, ce coup de poker. Marine Tondelier (Les Écologistes) a aussitôt parlé d’un choix « intelligent et courageux », quand Olivier Faure (PS) a salué un bougé nécessaire et une façon maligne de mettre les proches du chef de l’État au pied du mur. « On veut montrer qu’on garde la main. C’est nous qui posons les questions, pas Macron », insiste le député LFI Hadrien Clouet.
« Aucune naïveté »
Pourtant, en adoptant cette posture sacrificielle et en priorisant la mise en œuvre du programme sur l’obtention de maroquins ministériels, le leader Insoumis ne regarde-t-il pas plus loin ? « Jean-Luc Mélenchon est très habile, sourit le député PS Pierrick Courbon auprès du HuffPost. Il se positionne comme celui par qui la solution peut passer, sans se frotter à une gestion gouvernementale qui sera nécessairement très compliquée. Il n’y a aucune naïveté de notre part : les cadeaux de Jean-Luc Mélenchon ne sont jamais gratuits. »
L’élu socialiste parle tout de même d’une « concession importante accueillie favorablement » et admet avoir été « très surpris » par cette « position d’ouverture ». Jean-Luc Mélenchon connaît trop bien l’histoire pour ne pas savoir qu’en 1936, le Parti communiste de Maurice Thorez avait déjà refusé d’entrer dans le gouvernement du Front populaire.
Pour ne pas donner prise à une partie de la société qui craignait de voir des ministres inféodés à Moscou arriver au gouvernement « le couteau entre les dents », mais aussi pour ne pas trop se compromettre dans un attelage gouvernemental sans doute éphémère qui n’appliquerait pas la totalité du programme. Hier comme aujourd’hui, un soutien sans participation est une manière habile de ne pas prendre de risque tout en préservant son éthique et sa « pureté » militante.
« Donner raison au camp macroniste »
La députée écologiste Sandrine Rousseau est l’une des rares voix à se prononcer publiquement contre cette hypothèse. Selon elle, « fermer la porte du gouvernement aux Insoumis reviendrait à donner raison au camp macroniste qui a perdu les élections ». Un avis que semble tout de même partager Lucie Castets. Ce week-end aux Amfis, la haute fonctionnaire a redit que « les quatre forces du NFP avaient vocation à gouverner », non sans rappeler que Jean-Luc Mélenchon adoptait là une « position constructive ».
Tout en acceptant de rester à l’écart si telle était la condition pour qu’un gouvernement du NFP voie le jour, les proches de Jean-Luc Mélenchon entendent garder la main sur la mise en œuvre du programme. « Si Lucie Castets est nommée [à Matignon], elle aura une dette morale vis-à-vis des Insoumis. Et il pourra lui dire de respecter le mandat qu’elle devra aux Français », assure l’ancien Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis au Monde. De fait, faire pression de l’extérieur, veiller au respect du cap fixé pour ensuite ne pas être embarqué dans un éventuel renversement du gouvernement permettrait à Jean-Luc Mélenchon de ne pas se discréditer aux yeux du peuple de gauche.
Ce qui fait dire au politologue Rémi Lefevbre qu’une attitude consistant à prendre du champ aurait au moins un avantage : permettre au tribun de « se remonétiser », et d’ainsi mieux rebondir la fois d’après. Car l’ancien sénateur socialiste a-t-il vraiment abandonné toute ambition présidentielle ? Sa proposition de destituer Emmanuel Macron, lancée dans la presse il y a dix jours, a été accueillie par certains comme une énième preuve qu’en cas d’élection présidentielle anticipée, il se tiendrait prêt. À gauche en tout cas, peu en doutent.
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