Les propos de Macron sur le massacre du 17 octobre 1961 fustigés de toute part

Emmanuel Macron à Colombes le 16 octobre 2021 - BFMTV
Emmanuel Macron à Colombes le 16 octobre 2021 - BFMTV

En 2012, François Hollande avait admis une "sanglante répression". A l'occasion de l'hommage national rendu sur les berges de Seine pour les 60 ans du massacre d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, Emmanuel Macron est allé plus loin que son prédécesseur. Après avoir déposé une gerbe de fleurs en hommage aux victimes, l'Élysée a émis un communiqué, dans lequel le Président dénonce "des crimes inexcusables pour la République".

Si, pour l'historien Benjamin Stora, auteur du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre de l'Algérie, "pour la première fois, un chef d'État en exercice reconnaît la responsabilité de l'État dans un massacre considéré comme un crime", les mots du locataire de l'Élysée sont loin d'avoir fait l'unanimité.

"On a torturé, on a massacré au coeur de Paris et là-haut, ils étaient au courant"

A gauche, les responsables politiques et autres députés regrettent qu'Emmanuel Macron ne soit pas allé plus loin, en reconnaissant "un crime d'État". C'est notamment la position de Yannick Jadot, candidat écologiste à la présidentielle, pour qui "le président a raté l'occasion de faire un pas de plus vers la réconciliation". Toujours chez EELV, Julien Bayou, le secrétaire national du parti, condamne qu'"après les massacres, Papon (le préfet de police de l'époque, NDLR) est resté en place".

Les deux hommes ont d'ailleurs participé à une manifestation ce samedi dans les rues de Paris, en mémoire des Algériens tués ou blessés le 17 octobre 1961, et pour réclamer la reconnaissance du massacre en crime d'État.

Cette reconnaissance est également réclamée par la France insoumise. Samedi, dans les colonnes du JDD, le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière appelait Emmanuel Macron à "reconnaître le massacre des Algériens pour ce qu'il a été: un crime d'État". L'homme fort du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou, abonde, en ajoutant que "les luttes anti-coloniale et anti-raciste sont d'une actualité brûlante".

Au-delà de la classe politique, de nombreux militants ont jugé "insuffisants" les propos du chef de l'État, comme Rahim Rezigat, ancien de la fédération France du Front de libération nationale (FLN). Cité par l'Agence France-Presse (AFP), il estime qu'Emmanuel Macron "joue sur les mots par rapport à son électorat, dont les nostalgiques de l'Algérie française".

Les propos de l'Élysée sont "une avancée mais c'est encore partiel. On espérait plus. Papon n'a pas agi seul. On a torturé, on a massacré au coeur de Paris et là-haut, ils étaient au courant", a réagi pour sa part Mimouna Hadjam, porte-parole de l'association Africa93. "Qu'en est-il des archives? Pourquoi les archives fluviales par exemple ne sont-elles pas encore ouvertes pour que la vérité soit faite?", a-t-elle ajouté.

Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a souligné auprès de l'Agence France-Presse (AFP) "des avancées bienvenues" tout en regrettant "la frilosité d'Emmanuel Macron" et sa "politique des petits pas". "Le chef de l'État va plus loin que Hollande dans la précision des faits mais sans nommer le colonialisme" et par ailleurs le "crime est réduit à la responsabilité de Maurice Papon. Il n'était pas un État dans l'État, il y avait bien un chef du gouvernement et un chef de l'État qui décidaient qui était préfet de police. Papon est resté en poste jusqu'en 1967", a-t-il rappelé.

Sur notre antenne, le politologue Naoufel Brahimi El Mili, spécialiste de l'Algérie, abonde: "Le communiqué accable Maurice Papon, comme s'il était le seul responsable (...) comme chacun sait, le préfet représente l'État", a-t-il expliqué.

"Pleurnicheries", "quinquennat à genoux"

Mais, si d'aucuns estiment qu'une occasion a été ratée par Emmanuel Macron, d'autres assurent qu'il en fait trop. A droite, et à l'extrême-droite, les responsables politiques dénoncent des "repentances à répétition", qui "deviennent insoutenables et attentent à l'image de la France", d'après l'expression employée par Marine Le Pen. Pour la candidate du Rassemblement national, le chef de l'État "continue à rabaisser notre pays".

Pour son bras-droit, qui la remplace à la tête du parti le temps de la campagne présidentielle, l'eurodéputé Jordan Bardella, "Emmanuel Macron a passé son quinquennat à genoux". "J'en ai ras-le-bol que la France passe son temps à s'excuser, à se repentir en permanence. Nous rendrons la France à la France en permettant aux Français d’être fiers de leur pays et de son Histoire", a-t-il écrit sur Twitter.

L'ancien allié de Marine Le Pen, Florian Philippot, chef de file des Patriotes, dénonce de son côté des "contritions, "pleurnicheries". Enfin, Éric Ciotti, l'un des candidats des Républicains, fustige "la propagande victimaire anti-française du Président Macron", qui est, d'après lui, "indécente".

Invitée du Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro, Valérie Pécresse a concédé "une tragédie". "Mais j'aurais aimé que le président de la République associe à la mémoire des victimes de cette manifestation celle des 22 policiers français qui ont perdu la vie dans des attentats FLN, cette même année 1961", a-t-elle ajouté.

Plusieurs dizaines de morts

Pour rappel, le 17 octobre 1961, quelque 30.000 Algériens avaient manifesté pacifiquement à l'appel du FLN contre un décret du 5 octobre. Le préfet de police Maurice Papon y conseillait "de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler" dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne après 20h30.

Dix mille policiers et gendarmes avaient été déployés. La répression fut sanglante avec plusieurs manifestants tués par balle dont les corps furent pour certains jetés dans la Seine. Le nombre de morts est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines.

Article original publié sur BFMTV.com