"Des propos irresponsables": le RN embarrassé par le soutien de Jean-Marie Le Pen à Éric Zemmour

"Si Éric Zemmour est le candidat du camp national le mieux placé, bien sûr, je le soutiendrai". La déclaration de Jean-Marie Le Pen au journal "Le Monde" ce samedi fait sans surprise grincer des dents du côté Rassemblement National, qui monte au créneau pour défendre sa candidate Marine Le Pen.

C'est une déclaration dont Marine Le Pen se serait bien passée. Alors que la candidate du Rassemblement National (RN) à l'élection présidentielle dégringole dans les sondages, son père, Jean-Marie Le Pen, apporte un soutien sans équivoque à une autre figure d'extrême-droite: Éric Zemmour.

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, le co-fondateur du Front National jette un pavé dans la mare en déclarant qu'il soutiendra le polémiste s'il est "mieux placé" que sa fille pour accéder au pouvoir en 2022. Un ultime coup de poignard paternel pour cette dernière, que Jean-Marie Le Pen n'hésite pas à égratigner publiquement depuis maintenant plusieurs années.

La riposte d'un Rassemblement National fébrile

La bombe lâchée par Jean-Marie Le Pen n'a pas tardé à faire réagir dans les rangs du Rassemblement National. Interrogé ce samedi matin sur l'antenne de BFMTV, Wallerand de Saint-Just, membre du bureau exécutif du parti, exprime son amertume:

"Ce qui m’a beaucoup étonné, c’est l’opportunisme de Jean-Marie Le Pen. Il ne nous a pas habitués à ça. Dire que si Éric Zemmour est mieux placé que Marine Le Pen, il le soutiendra, c’est se plier à l’exercice des sondages. Je pensais que Jean-Marie Le Pen aurait pris sa décision en fonction des idées et du programme de chacun", déclare ce proche du "Menhir", ainsi qu'est surnommé celui qui s'était qualifié au second tour de la présidentielle en 2002.

La faute aux sondages ?

En l'espace de moins d'un mois, le score d'Éric Zemmour a presque doublé dans les sondages, passant de 8% à 15% d'intentions de votes. Une progression fulgurante qui s'explique par sa capacité à capter l'électorat de Marine Le Pen. Dans le sondage Ipsos/Le Parisien publié ce vendredi, celle-ci ne devance plus son rival que d'un seul point, via un effet de "vase communiquant" presque mathématique.

Pour certains observateurs politiques, la popularité croissante d'Éric Zemmour dans la population sondée risque de faire bouger les lignes dans l'opinion. Le candidat officieux pourrait ainsi apparaître, au final, comme celui du "vote utile" - lui qui répète sans cesse que Marine Le Pen ne pourra pas gagner.

Sans surprise, Wallerand de Saint-Just regrette l'importance démesurée accordée aux sondages, dont il questionne la pertinence:

"On s’aperçoit que ça sert à ça, ces sondages un peu biaisés faits à 7 ou 8 mois d’une élection. Ils ne veulent pas dire grand-chose… Simplement, ils aident à orienter ce genre de réactions politiques un peu tristes", déplore celui qui est également le président du groupe Rassemblement national d’Île-de-France.

Un RN trop "dédiabolisé" pour Jean-Marie Le Pen

Les critiques publiques de Jean-Marie Le Pen envers sa fille, qu'il estime pas assez "virile" sur le plan des idées, sont en réalité monnaie courante depuis plusieurs années. Qu'il se laisse séduire par Éric Zemmour n'a donc rien de surprenant, concède Wallerand de Saint-Just, leur ligne politique étant proche tant sur la forme que sur le fond.

"Il n’est pas étonnant que Jean-Marie Le Pen veuille soutenir Éric Zemmour: c’est quelqu’un qui tient beaucoup de propos irresponsables", affirme-t-il.

De son côté, Andréa Kotarac, membre du bureau politique du Rassemblement National, tente de recentrer le débat sur le projet politique, fustigeant un Éric Zemmour "monothématique".

"Ça porte, quand il parle de 'grand remplacement'. Il y a évidemment une confluence avec ce que peut dire le Rassemblement National. Mais il y a d’autres 'grands remplacements' dont il ne parle pas, et qui ont des impacts très clairs sur les Français. Le 'grand remplacement' économique et social du pays notamment, assure cet ancien proche de Jean-Luc Mélenchon passé du côté de Marine Le Pen en 2019.

Andréa Kotarac relativise ensuite les propos de Jean-Marie Le Pen à l'auteur du Suicide français, son soutien demeurant conditionné au rapport de force politique: le patriarche de 93 ans affirme à ce stade, souligne-t-il, qu’il soutiendra le candidat "le mieux placé". Compte tenu des autres préoccupations majeures de Français – et en particulier celle du pouvoir d’achat – Marine Le Pen apparaîtra, d’après lui, comme la meilleure opposante à la politique libérale d’Emmanuel Macron.

"Nous ne reviendrons pas au Front national"

Le Rassemblement National s'attendait-il à cette trahison? La question se pose. Son président par intérim, Jordan Bardella, semblait en effet anticiper la polémique en affirmant la veille, dans Le Figaro, ne pas vouloir revenir à la "radicalité" de l'ancien président du parti, tout en la comparant à celle du polémiste presque candidat.

"La radicalité est une partition qu'a longtemps jouée Jean-Marie Le Pen, et que joue aujourd'hui Éric Zemmour. Cette radicalité, nous n'avons pas envie d'y retourner. Nous ne reviendrons pas au Front national", a-t-il prévenu.

Reste à savoir si la sympathie exprimée par le co-fondateur du FN à l'ex-éditorialiste de Cnews va réellement l'aider, ou s'il s'agira en fin de compte d'un cadeau empoisonné.

Article original publié sur BFMTV.com

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