"On m'a proposé les restes": ces photographes de mariage dénoncent l'irrespect de certains clients
Lorsque Flavie* couvre un mariage, elle prévoit toujours des barres chocolatées dans son sac à dos. On ne sait jamais. Lors d'une cérémonie organisée en Normandie il y a quelques années, la photographe s'est retrouvée à manger quelques morceaux de pain, seule et assise sur des packs d'eau stockés dans une sorte de cagibi, tenue à l'écart du reste de la soirée: "Ils n'avaient rien prévu du tout pour les prestataires: ni table, ni repas."
"Le pire, c'est qu'ils ont eu l'audace de me proposer les restes des invités lorsque tout le monde a fini de manger... ce que j'ai évidemment décliné", témoigne cette femme de 36 ans.
Son contrat - signé par les mariés - précise pourtant qu'on doit lui servir "un repas chaud à table" au cours de la soirée. "J'ai demandé s'ils n'avaient pas une chaise sur laquelle m'asseoir, mais même ça il n'y avait pas", se souvient cette professionnelle.
"Sur 15 mariages, il y en a toujours un!"
Petits-fours, paillettes et côtillons... Les jours de mariage sont, dans l'imaginaire collectif, inévitablement synonymes de joie, de fête et de partage autour des heureux mariés. Mais la réalité est parfois toute autre pour les prestataires, lorsqu'ils ne sont pas traités à la hauteur par leurs clients. Au moment de passer à table, il arrive qu'ils soient mis de côté, voire complètement snobés.
Flavie reconnaît qu'en huit ans de carrière, cela ne lui est heureusement pas arrivé tous les jours. Elle remarque toutefois que c'est une discussion qui revient très fréquement dans le petit milieu des photographes de mariage. "Sur 15 mariages par saison, il y en a toujours un!", souffle-t-elle.
La photographe Laura Tremeau confirme que l'hospitalité des mariés laisse parfois à désirer, bien que les conditions du dîner soient inscrites noir sur blanc dans son contrat. Elle insiste sur la nécessité d'avoir une pause pour manger, comme ce serait le cas pour n'importe quelle autre mission professionnelle. "On est souvent là depuis tôt ans la matinée, on a pas le temps de prendre de pause de la journée et après on doit encore tenir jusqu'à 1 heure du matin", défend la jeune femme. "Ça me parait logique".
Cela ne l'a pas empêchée, il y a quatre ans, d'être reléguée à la table des enfants. "C'était très spécial", râle cette professionnelle de 26 ans, originaire de La-Roche-sur-Yon (Vendée). "Je suis restée le moins de temps possible à table, car vous imaginez que ce n'est pas évident d'avoir des conversations avec des petits de 5 ans. J'allais fumer dehors, prendre des photos à droite à gauche." "Je revenais à table uniquement pour manger", raconte-t-elle, encore agacée par un tel "manque de considération".
La jeune femme se souvient également d'un mariage l'an passé au cours duquel elle a dû manger avec le DJ sur une table non dressée, dans un petit coin de la salle des fêtes. "Il n'y avait pas de déco, rien, et demander de l'eau et une bouteille de coca ou d'eau pétillante c'était compliqué..."
"À tel point que s'en était risible et que les invités avaient de la peine pour nous. Ils passaient à côté de nous et nous répétaient: 'bah alors, vous êtes punis?'"
Des pizzas froides dans un étoilé
Benjamin Brette se souvient lui-aussi d'une anecdote qui l'a marqué: un jour où il immortalisait un mariage dans l'un des plus grands restaurants étoilés de Paris, le photographe a eu le déconvenue de découvrir qu'on lui avait réservé des pizzas froides commandées dans une chaîne et livrées plusieurs heures auparavant... qu'il devait manger seul dans une pièce isolée, à l'écart du reste des invités.
"Je ne suis pas très difficile mais l'écart entre le repas gastronomique qui était réservé aux convives et mes pizzas immondes était sincèrement un peu écœurant", se souvient cet homme de 49 ans.
Pour Laura Termeau, "une omerta" perdure autour de cette question. "On en parle énormément entre nous, mais très peu osent s'en plaindre publiquement de peur d'entâcher l'image et l'ambiance féérique du mariage", explique-t-elle. "On reçoit parfois un traitement qui n'est pas très humain."
"C'est une situation extrêmement délicate", développe la Vendéenne. "On ne peut pas véritablement aller voir les mariés car on a pas envie de gâcher la fête, de créer de conflit ou de les mettre mal à l'aise le jour J, alors que c'est censé être le plus beau jour de leurs vies".
"La nourriture, c'est un sujet sensible entre photographes", abonde son confrère Loric Gonzalez. "Quand on nous retire les assiettes pour nous apporter des plateaux repas froids sous les yeux des invités qui vont déguster des super menus chauds, c'est un peu dur à avaler", poursuit le photographe de 38 ans. "C'est sûr qu'on est déçus, d'autant qu'on ne sait pas trop si l'intention vient des mariés ou du traiteur qui cherche à faire des économies d'échelle."
"Quand ça arrive je continue de faire mon travail comme je dois le faire, mais forcément je prends beaucoup moins plaisir", peste-t-il encore. "C'est un métier passion, nous on donne notre cœur et notre âme tout au long de la journée, pour au final être traité comme ça... Ça blesse et ça vexe".
Des photographes en proie aux violences verbales
Ce professionnel, qui va de mariage en mariage un peu partout en France depuis une dizaine d'années, rapporte un autre problème auquel lui et ses collègues sont fréquemment confrontés sur le terrain: celui des agressions verbales - voire physiques - des invités sur fond de consommation d'alcool. "Arrivée une heure, certaines personnes ne sont plus tenables et il arrive souvent qu'un oncle ou un cousin complètement emmêché nous insulte ou nous dise de dégerpir car on gâche ses photos des mariés, par exemple."
"Sous-prétexte qu'on est prestataires, on est des sous-fifres et le mariage est une zone de non-droit où on ne peut rien dire car c'est censé être magique et qu'on ne veut pas gâcher la fête", fustige Loric Gonzalez.
Désormais, le trentenaire demande systèmatiquement en amont du mariage à être mis en contact avec "une personne référente" - qui ne soit pas l'un des deux mariés - à qui il pourra s'adresser pour remonter d'éventuels problèmes ou manquements pendant la journée. Ét éviter ainsi les déconvenues pour se concentrer sur les clichés.