Professeur décapité: l'ombre de mouvements islamistes radicaux au cœur de l'enquête

La présence du militant islamiste radical Abdelhakim Sefrioui parmi les onze personnes gardées à vue dans le cadre de l'enquête ouverte sur l'assassinat de Samuel Paty est venue, samedi, renforcer les soupçons des renseignements et du gouvernement sur l'éventuelle implication de mouvements islamistes radicaux.

L'éventuelle implication de mouvements islamistes radicaux dans la décapitation vendredi d'un professeur d'histoire dans les Yvelines par un jeune Russe tchétchène de 18 ans suscite l'inquiétude des services de renseignement et du gouvernement.

La présence du militant islamiste radical Abdelhakim Sefrioui parmi les onze personnes gardées à vue dans le cadre de l'enquête ouverte sur l'assassinat de Samuel Paty est venue samedi renforcer ces soupçons.

Ces mouvements islamistes "minoritaires, cherchent à convaincre les musulmans que la France serait un pays islamophobe. Ils cherchent à les instrumentaliser, à créer un conglomérat", affirme Laurent Nuñez, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte antiterroriste. "Et au moindre incident, ils se mettent à l'œuvre".

Connu des services, Abdelhakim Sefrioui est le fondateur du collectif Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas, tué par l'armée israélienne en 2004). Début octobre, il avait accompagné au collège du Bois d'Aulne de Conflans-Saint-Honorine, le père d'une élève pour demander le renvoi de Samuel Paty, qui avait montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves.

Se présentant comme "membre du Conseil des imams de France", il avait aussi diffusé il y a quelques jours sur Youtube une vidéo dans laquelle il dénonçait le professeur, en le qualifiant de "voyou". C'est également lui qui avait interrogé, dans une autre vidéo diffusée sur la même plateforme, la fille du parent d'élève et appelé à la mobilisation.

Le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard n'a fait samedi devant la presse aucune connexion entre cet homme et le tueur.

"Lien indirect"

S'il n'y a "pas un lien direct" établi, Laurent Nunez considère toutefois qu'il existe sans aucun doute "un lien indirect". "On voit bien qu'un palier a été franchi", juge-t-il en pointant du doigt la "qualité de la victime - un enseignant- et la barbarie" de son assassinat.

Le responsable relève également une résurgence du discours des mouvements islamistes radicaux avec "le procès Charlie, la republication des caricatures et le discours du président Macron sur une prochaine loi destinée à renforcer la laïcité et à lutter contre le séparatisme islamiste".

Après l'attaque au hachoir perpétrée fin septembre devant les anciens locaux de Charlie hebdo par un jeune Pakistanais, une source sécuritaire avait expliqué que c'était "la republication des caricatures plutôt que le procès qui avait joué dans l'aggravation des menaces".

"La volonté de frapper l'Occident est intacte" mais "entre ceux qui sont décédés et ceux qui sont incarcérés", la capacité d'action des groupes terroristes est "très réduite", avait-elle ajouté en insistant sur la menace endogène venue d'individus agissant seuls.

"Depuis un mois particulièrement, il y a convergence et mobilisation de trois courants d'islamistes: 'Les musulmans' dirigé par Marwan Muhammad, ancien porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), le CCIF, et 'Baraka City'", a confirmé une source proche du gouvernement.

Le président de cette association caritative musulmane, Driss Yemmou, a été placé cette semaine sous contrôle judiciaire avant d'être jugé pour harcèlement sur les réseaux sociaux contre une journaliste.

"Haine de la France"

Ces mouvements "ont pris aujourd'hui le lead de l'islamosphère, avec une démarche politique, religieuse, radicale, de haine contre la France", ajoute la même source.

"Pour eux, la France est un Etat raciste, islamophobe, le pays impie et mécréant absolu", insiste-t-elle, "ils veulent le chaos et la guerre civile pour élaborer un nouvel ordre autour de la charia. Ils s'inscrivent dans une démarche violente".

Selon cette source proche du gouvernement, le discours récent d'Emmanuel Macron sur le séparatisme islamiste a accentué leur colère.

"Le passage à l'acte de ce jeune (le tueur de Conflans, ndlr) s'inscrit dans ce sillon-là", estime-t-elle. Cette source souligne aussi le rôle "des messages de haine sur les réseaux sociaux qui abreuvent des jeunes" en regrettant, au passage, "la censure de la quasi-totalité de la loi de lutte contre les contenus haineux sur internet".

Le Conseil constitutionnel a jugé en juin que le cœur de cette loi, qui imposait de nouvelles obligations aux opérateurs de plateformes internet, portrait atteinte à la liberté d'expression et de communication. Mis en garde à vue samedi, le père de l'élève du professeur assassiné avait posté sur Facebook le 7 octobre un message appelant à la mobilisation où il mentionnait le CCIF.

"Depuis deux semaines", a commenté la source proche du gouvernement, le "taux de pénétration" des trois courants sur les réseaux sociaux est "particulièrement important".

Article original publié sur BFMTV.com

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