Professeur décapité: comment Abdoullakh Anzorov a basculé dans le terrorisme

Des participants à la marche blanche en hommage à Samuel Paty portant une photo du professeur.  - Bertrand Guay
Des participants à la marche blanche en hommage à Samuel Paty portant une photo du professeur. - Bertrand Guay

Six jours après l'assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, les contours de la trajectoire ayant amené son meurtrier au fanatisme islamiste puis au terrorisme apparaissent plus clairement ce jeudi soir. BFMTV a ainsi pu reconstituer, grâce à des éléments recueillis auprès de sources concordantes, le processus de radicalisation d'Abdoullakh Anzorov, jeune Russe d'origine tchétchène de 18 ans.

Refus de parler aux femmes, rejet de la musique

Durant leur garde à vue, les membres de la famille du criminel ont daté d'au moins six mois sa radicalisation. Selon ses proches, Abdoullakh Anzorov, devenu prosélyte, s'était mis à écouter des prêches extrémistes et des chants islamiques, se coupant progressivement de ses amis tchétchènes.

Le futur assassin avait recontacté d'eux d'entre eux mercredi, deux jours avant les faits. Ils ont ainsi été entendus en garde à vue par les enquêteurs puis mis en examen et placés en détention provisoire. Le jeudi précédant l'attaque, ils ont passé la journée avec lui, l'accompagnant dans une coutellerie de Rouen où Abdoullakh Anzorov a acheté un couteau dont ils assurent qu'il prétendait l'offrir à son grand-père. Le lendemain, jour des faits, l'un d'entre eux l'a conduit en voiture.

Ces deux amis ont décrit quant à eux un une bascule plus lointaine. Pour eux, leur ami a commencé à changer plus d'un an en arrière, cessant d'écouter de la musique, refusant de parler aux femmes, de sortir s'amuser, se levant tôt pour rejoindre la mosquée.

Fascination pour le jihad

Les enquêteurs sont aussi parvenus à faire la lumière sur la fascination grandissante de l'islamiste pour le jihad. Entre le 12 et le 14 septembre, Abdoullakh Anzorov échange, en russe, avec un compte Instagram localisé dans la région d'Idlib en Syrie. Il se renseigne sur le statut du martyr en islam, sur l'hijra ("l'hégire", mot désignant à l'origine le départ de Mahomet de La Mecque vers Médine et renvoyant par extension au voyage vers une terre musulmane). Il indique explicitement vouloir "combattre".

Le 4 octobre, il écrit à deux personnes via l'application Snapchat: "Il n'y a pas de doute que ce qui se passe à Idlib est le vrai jihad (...) et le meilleur groupe actuel à rejoindre est Hayat Tahir-Al-Cham."

Escalade sur les réseaux sociaux

L'escalade se lit aussi à travers ses publications sur les réseaux sociaux. Le 24 juin, un tweet publié par son compte @tchetchene_270 implore Allah de frapper la Chine qu'il qualifie de "centre de kufr" ("kufr" en arabe signifie "mécréant). Ce tweet est signalé à la plateforme Pharos qui note, le 11 septembre, qu'il a sélectionné en bannière Twitter la photo d'un jihadiste armé sur le dos de chameau.

Par ailleurs, les enquêteurs ont retrouvé dans son téléphone portable une photo, datée du 30 juillet, d'Abdoullakh Anzorov le doigt pointé vers le ciel, posture souvent affectée par les jihadistes.

Les enquêteurs ont également réussi à extraire de cet examen de nouveaux détails sur la planification de l'assassinat du professeur d'histoire-géographie. À 9h22, le vendredi des faits, Abdoullakh Anzorov écrit une note, modifiée à 14h25, qui deviendra le texte de revendication du terroriste sur Twitter plus tard. Enfin, entre 16h38 (ce qui démontre que l'enseignant a déjà été tué) et 16h59, il évoque son crime, à nouveau en russe, auprès d'un compte Instagram intitulé dnevnik_idliba.

Après avoir revendiqué le crime sur Twitter, image à l'appui, il envoie une capture d'écran à cet interlocuteur, ainsi qu'un message audio à 17h. Ce dernier lui répond alors "Allahou akbar". Quelques minutes après cet échange, Aboullakh Anzorov est mis hors d'état de nuire par la police.

Article original publié sur BFMTV.com