La procédure de destitution d’Emmanuel Macron lancée par LFI arrive à l’Assemblée, et le plus dur reste à faire

 Jean-Luc Melenchon, Manuel Bompard et Mathilde Panot (C-R) lors des Amfis 2024 le 23 août à Chateauneuf-sur-Isere.
EMMANUEL DUNAND / AFP Jean-Luc Melenchon, Manuel Bompard et Mathilde Panot (C-R) lors des Amfis 2024 le 23 août à Chateauneuf-sur-Isere.

POLITIQUE - Une nouvelle bataille à mener, mais la victoire est quoi qu’il arrive encore très loin. La procédure de destitution initiée par La France Insoumise à l’encontre du président de la République Emmanuel Macron arrive ce mardi 17 septembre au Bureau de l’Assemblée nationale. La deuxième étape d’un parcours complexe et dont les chances d’aboutir sont infimes.

Macron destitution ? Voici comment fonctionne la procédure brandie par LFI

Avec 72 députés dans ses rangs, la France insoumise disposait largement de la soixantaine de signatures requises pour franchir la première étape prévue par l’article 68 de la Constitution, à savoir le dépôt d’une proposition de résolution visant à destituer le président de la République. En tout, ce sont 80 députés qui ont souscrit au projet : l’intégralité du groupe insoumis, cinq membres du groupe Écologistes et trois communistes de la GDR.

Dimanche 15 septembre, Mathilde Panot veut y croire : « Oui, (la procédure de destitution) a une chance d’aboutir », assure la cheffe de file des élus insoumis sur le plateau de Dimanche en politique, sur France 3. Au-delà des élus déjà acquis à la cause, le parti de Jean-Luc Mélenchon a lancé une pétition pour « demander aux députés et sénateurs de voter en faveur de cette démarche ». Elle recueillait le 16 septembre un peu plus de 300 000 signatures sur les 400 000 espérés. Une mobilisation populaire loin de battre des records, et qui surtout ne dit rien des chances de réussite (ou d’échec) de la procédure.

· À l’Assemblée, l’étape clé de la recevabilité avant celle du vote

Une fois déposée, la recevabilité de la proposition de résolution doit être examinée par le bureau de l’Assemblée nationale. C’est l’étape de ce mardi. Et sur le papier, le Bureau est acquis au Nouveau Front Populaire qui y compte 12 membres sur 22. Mais le diable se cache dans les désaccords entre les partis de gauche.

Le Parti socialiste est le seul groupe dont aucun député n’a signé la proposition de résolution de la France insoumise. Et d’ailleurs, l’ancien président socialiste de la République François Hollande s’y est publiquement opposé. Or le parti à la rose compte trois élus au sein du bureau de l’Assemblée. Sans leurs voix, même avec le vote déjà acquis des insoumis, écologistes et GDR, le NFP n’est plus majoritaire. Et « si le Bureau constate que ces conditions (de recevabilité) ne sont pas réunies, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion », dispose la loi qui régit la procédure. Aux oubliettes la procédure de destitution.

À quelques jours de l’échéance, les cadres LFI ont donc mis la pression sur les socialistes. « Nous ne vous demandons pas d’être d’accord. Nous vous demandons d’accepter de transmettre », et de « laisser la commission des lois se débrouiller », a plaidé Jean-Luc Mélenchon depuis la Fête de l’Humanité. Une réunion du parti à la rose a finalement acté lundi 16 septembre que le parti ne bloquerait pas le processus et la proposition de résolution a été jugée recevable par le bureau de l’Assemblée nationale dans la matinée. Deuxième étape franchie.

· La balle dans l’hémicycle du Palais Bourbon puis au Sénat

La proposition de résolution passera donc en commission des Lois, qui pourra se prononcer pour ou contre. Puis dans les 13 jours qui suivent, le texte arrivera dans l’hémicycle où la majorité des deux tiers est requise.

Et là, nouvelle montagne à franchir. Car réunir ces 392 députés, dans une Assemblée où aucun groupe n’a de majorité, représente un défi immense. S’ils votent comme un seul homme, les députés du NFP ont au maximum 193 voix. Quid des députés de droite de Laurent Wauquiez ? Même s’ils se prononçaient tous pour, les voix des 47 élus de droite ne feraient pas assez pencher la balance. Ce scénario est d’autant plus improbable qu’avec Michel Barnier Premier ministre, la droite est sans doute le parti qui profite le plus du « coup de force de Macron » dénoncé par la gauche. Le Rassemblement national pourrait-il s’associer au NFP ? L’opération n’est pas évidente pour le groupe de Marine Le Pen qui aime à se présenter comme garant de la stabilité dans une période troublée.

Si, par le jeu des tractations et par stratégie politique, la proposition de résolution était adoptée à la surprise générale à l’Assemblée, elle passerait ensuite immédiatement au Sénat. D’abord en commission des Lois, puis dans l’hémicycle. Là encore, tout peut s’arrêter à chaque fois puisque « le rejet de la proposition de résolution par l’une des deux assemblées met un terme à la procédure ». Au palais du Luxembourg, les LR de Bruno Retailleau sont majoritaires. Et comme pour leurs homologues à l’Assemblée, rien n’indique qu’ils se positionneront pour une destitution. Surtout, rappelons-le, avec l’un des leurs à Matignon.

· Haute Cour et toujours le même problème

Dernière étape (difficilement crédible, vous l’aurez compris) dans le cas où le Parlement adopterait le projet de résolution : la constitution immédiate de la Haute Cour. Cette juridiction spéciale a pour unique mission de voter pour ou contre la destitution du président de la République. Elle peut demander à auditionner l’intéressé ou son représentant, les débats sont publics et le vote se fait à bulletins secrets.

Mais pour la gauche, l’écueil repose dans sa constitution. La loi organique indique que la Haute Cour est composée de 22 parlementaires (députés et sénateurs) désignés par les bureaux des deux assemblées « en s’efforçant de reproduire la configuration politique de chaque assemblée. » Ce qui ne joue pas en faveur des insoumis et de la gauche dans son ensemble, minoritaire au Sénat et sans majorité à l’Assemblée (même si l’on peut raisonnablement imaginer que des parlementaires ayant voté favorablement à l’Assemblée ou au Sénat feraient le même choix ici). Autant le dire : Emmanuel Macron et ses trois ans de mandat restants ont encore de beaux jours devant eux.

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