Procès des viols de Mazan : le procès de la soumission chimique "pour faire bouger les lignes"
Si Gisèle Pelicot et ses enfants ont souhaité que le procès de leur ex-mari et père soit public, c'est pour alerter sur le phénomène de soumission chimique.
"Comment on fait quand on n'a pas de preuves", s'écrit Caroline Darian en conclusion du témoignage qu'elle a livré à la cour criminelle du Vaucluse vendredi 6 septembre. Le procès de son père accusé d'avoir drogué, violé et livré son ex-femme Gisèle Pelicot à des inconnus, la quadragénaire, comme le reste de sa famille, veut en faire le procès de la soumission chimique.
"Dans ce dossier, il s’agit bien de soumission chimique, dans la majorité des cas, les preuves, comme dans le dossier de ma mère, ça n’existe pas", plaide Caroline Darian qui a créé l'association #MendorsPas.
"Comment fait-on quand on se présente devant vous dans une cour criminelle, quand la qualification des faits n’est pas à la hauteur de ce que la victime sait qu’elle a subi, comment fait-elle pour se reconstruire?"
Refus du huis clos
A l'ouverture du procès, Gisèle Pelicot a refusé le huis clos. Elle a souhaité que les débats soient publics, que l'opinion puisse entendre le calvaire quelle a subi pendant près d'une décennie. "Je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne seront peut-être jamais reconnu comme victimes", expliquait-elle à la cour cette semaine. A deux reprises, elle a salué l'initiative de sa fille pour sensibiliser la société sur le "fléau" de la soumission chimique. Pour elle, il s'agit "que les femmes sachent maintenant où chercher".
La fratrie qui encadre Gisèle Pelicot depuis le début du procès l'affirme: il faut faire "bouger les lignes". "Aujourd’hui, nous, on a à avoir honte de rien, on n’a pas à se cacher. On sait que c’est une affaire historique, pas dans le bon sens du terme. On a conscience de l’ampleur. J'espère sortir de tout ça la tête haute, en portant de vrais messages, en faisant peut être bouger les lignes", a insisté devant la cour criminelle Aurore, l'une des belles-filles de Gisèle Pelicot. Dans son enfance, la jeune femme a elle-même subi des abus de la part de son grand-père.
"Ce qu'elle a fait est remarquable, cela permet à la France entière, au monde entier de se rendre compte à quel point la soumission chimique est l’arbre qui cache la forêt des violences sexuelles", expliquait cette semaine la députée Sandrine Josso qui était présente à Avignon.
"Endiguer un phénomène"
Selon la députée, la soumission chimique "est peu connue dans le public" et ce procès permet de faire la lumière sur "un angle mort" des violences faites aux femmes. "C’est l’occasion de faire une information et sensibilisation massive. Et comme plus d’une victime sur deux ne se rappelle de rien, on se rend compte à quel point tous ces modus operandi font des ravages dans sa vie, dans sa famille. Il faut vraiment que ça s’arrête, qu’on endigue ce phénomène. Il faut que la société fasse bloc pour qu'enfin on les croie", insiste-t-elle.
Pendant l'instruction, certains accusés ont estimé que le mari Dominique Pelicot leur avait délégué le consentement de son épouse. Les rencontres se déroulaient au domicile du couple, le mari était présent, il n'y a donc, selon eux, pas de viol. "C’est un dossier de soumission chimique mais derrière c'est toutes ces questions de consentement, de rapports homme/femme qui se posent. On a l'impression qu’on vit dans une société où l’abus est minimisé", a déploré Aurore.
La preuve que ce procès est désormais devenu un enjeu de société est la présence des militantes féministes, qui se relaient chaque jour pour suivre les audiences. Sur la façade du palais de justice d'Avignon, le slogan "M'endors pas" a été collé.