Procès des viols de Mazan : pourquoi ces journalistes s’indignent contre une décision du président de la cour
JUSTICE - Réponse au vitriol. Vingt jours après l’ouverture du procès des viols de Mazan, à Avignon, le président de la cour criminelle du Vaucluse Roger Arata avait pris la décision d’instaurer un huis clos partiel dans la salle d’audience lorsque des vidéos ou des images des viols commis sur Gisèle Pelicot seraient diffusées.
Cette décision avait eu pour principale conséquence d’exclure de la salle les journalistes qui couvrent le procès, les privant de fait de voir ces images et de les décrire pour leur audience. Moins d’une semaine plus tard, ce mercredi 25 septembre, l’Association de la Presse Judiciaire (APJ) et les journalistes accrédités au procès de l’affaire Pelicot se sont fendus d’un communiqué particulièrement virulent contre Roger Arata et sa décision, perçue comme une « grave atteinte à la liberté d’informer ».
Une décision à l’encontre de la volonté de Gisèle Pelicot
La demande faite auprès du président de la cour criminelle du Vaucluse par certains avocats de la défense avait été étudiée le 20 septembre, après une demande initiale de l’avocat-général pour que l’ensemble des images « soient regardées par la cour », recevant alors le soutien des parties civiles et de l’avocate de Dominique Pelicot.
« Je prends la décision que les diffusions (de vidéos) ne seront pas systématiques », avait finalement expliqué Roger Arata, instaurant un huis clos partiel pour les journalistes et pour le public dans les salles annexes. Pourtant, Gisèle Pelicot, principale victime du procès ouvert le 2 septembre, avait ouvertement demandé que le procès n’ait pas lieu à huis clos pour permettre de médiatiser l’affaire et ainsi « faire changer la honte de camp ».
Dans le communiqué, l’APJ estime que la décision du président de la cour relève de « méthodes abusives et méprisantes » et affirme qu’elle « contourne le code de procédure pénale en invoquant son pouvoir de police de l’audience pour exclure la presse ».
Ils soulignent d’ailleurs que « la partie civile, seule autorisée à demander un huis clos, ne le souhaite pas ». Pour eux, l’instauration d’un huis clos partiel sert principalement l’intérêt des avocats de la défense, « qui ont bien entendu tout intérêt à ce que les journalistes ne soient pas présents pour voir leurs clients dans leurs œuvres ».
En réponse, l’APJ indique avoir écrit à Roger Arata pour contester cette décision et lui demander « de réexaminer cette question ». Un courrier auquel le président « n’a pas daigné répondre », regrette au passage l’association. L’AFP précise toutefois que les avocats de Gisèle Pelicot vont demander lundi la levée du huis clos. « Je déposerai des conclusions lundi » en ce sens, a déclaré l’un des avocats de Gisèle Pelicot, Stéphane Babonneau ce mercredi. Roger Arata a répondu qu’il faudrait « au moins deux heures » pour que les parties puissent s’exprimer sur les conclusions des avocats de Gisèle Pelicot.
Recours « aux plus hautes autorités judiciaires »
Lors de la journée d’audience qui s’est tenue mardi à Avignon, la question est pourtant déjà revenue sur la table. La partie civile avait en effet sollicité un nouveau débat sur la présence des journalistes dans la salle. Ce à quoi Roger Arata avait répondu qu’il avait « déjà été très clair là-dessus », balayant sans discuter ce recours.
Une posture dénoncée avec forces dans ces lignes par « les journalistes, chroniqueurs judiciaires et dessinateurs d’audience » représentés par l’association. Cette dernière estime d’ailleurs qu’« en plaçant sur le même plan la presse judiciaire et les réseaux sociaux, et en excluant les journalistes de la salle d’audience au moment où seront abordés des éléments cruciaux dans l’enjeu judiciaire de ce procès », le président « prive le citoyen du contrepoids nécessaire de l’information professionnelle sur les propos déformés et les déballages nauséabonds qui n’en seront qu’amplifiés ».
Pour remédier à cette situation, l’APJ en appelle désormais « aux plus hautes autorités judiciaires » pour qu’elles interviennent et annule l’exclusion de la presse. L’association en appelle d’ailleurs au « strict respect des articles 306 et 309 du code de procédure pénale ».
L’article 306 précise notamment que « le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles ne s’y oppose pas ». Jeudi, de nouvelles vidéos seront diffusées, selon toute vraisemblance en l’absence de la presse.
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