Procès des viols de Mazan : le parcours de ce « disciple » de Dominique Pelicot, accusé de viol sur sa propre femme

Au procès des viols de Mazan, en plus du principal accusé, Dominique Pelicot, sont jugés une cinquantaine d’autres hommes, depuis début septembre. Le procès va durer 4 mois.
BENOIT PEYRUCQ / AFP Au procès des viols de Mazan, en plus du principal accusé, Dominique Pelicot, sont jugés une cinquantaine d’autres hommes, depuis début septembre. Le procès va durer 4 mois.

JUSTICE - Il est le seul des 51 accusés à ne pas être poursuivi pour le viol de Gisèle Pelicot, et pourtant, les faits dont il est soupçonné sont terribles. Ce jeudi 12 septembre, la Cour criminelle de Vaucluse interrogera Jean-Pierre M., 63 ans, accusé de viol aggravé sur sa conjointe après avoir été en contact avec Dominique Pelicot. Ce dernier était pour sa part une nouvelle fois absent, malade, et ce jusqu’au moins lundi 16 septembre.

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Selon l’accusation, l’homme aurait reproduit le même « mode opératoire » que le principal accusé de « l’affaire de Mazan », utilisant la soumission chimique pour violer son épouse, et en prenant des photos. Les faits auraient eu lieu à 12 reprises entre 2015 et 2020. L’ancien chauffeur routier dans une coopérative agricole les a reconnus : il est accusé d’avoir administré des anxiolytiques à sa femme afin de la violer, et ce en compagnie plusieurs fois de Dominique Pelicot.

Il fait aujourd’hui partie des 18 accusés détenus, l’un étant en fuite et le reste comparaissant libres. Devant les enquêteurs ou le magistrat instructeur, Jean-Pierre M. avait expliqué avoir rencontré le principal accusé sur le salon « à son insu » du site Coco, qui a été fermé en juin dernier.

Au moins douze faits de viols ont été recensés par les enquêteurs sur la compagne de « Rasmus », « Pierre » ou « Kim » --les pseudonymes qu’il utilisait sur Coco.fr--, dont dix auxquels avait participé Dominique Pelicot, entre 2015 et 2020, à leur domicile dans la Drôme, à une cinquantaine de kilomètres de Mazan.

Et « sur les 12 faits, c’est sur la demande de Jean-Pierre M. que Pelicot est venu », avait précisé Stéphan Gal, un des deux directeurs d’enquête, mardi 10 septembre. « Chaque fois qu’il se déplaçait, (ce dernier) lui fournissait les médicaments pour la prochaine fois », avait indiqué l’enquêteur, corrigé par Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pelicot, selon qui il n’y aurait eu que « quatre remises de médicaments ».

« Avec mon mari, tout était formidable »

La compagne de Jean-Pierre M., elle, ne s’est pas portée partie civile, expliquant chercher à « protéger ses enfants ». Elle a néanmoins été interrogée par le président de la Cour ce mercredi en fin d’après-midi, apparaissant très émue à la barre. « Avec mon mari, tout était formidable. Ça a toujours été quelqu’un de très bien, un papa très protecteur. Quand il est arrivé tout ça, je suis tombée de très très haut », a-t-elle détaillé.

Face à la cour, cette femme s’est notamment remémoré une nuit où elle s’est réveillée et s’est retrouvée face à Dominique Pelicot et à son mari. « Rien ne me faisait dire que quelque chose s’était passé », a-t-elle insisté, alors qu’elle est entièrement habillée à ce moment-là. Elle attend du procès des explications de la part de Jean-Pierre M. et estime que « s’il n’était pas tombé sur ce site, et n’était pas tombé sur la mauvaise personne, il n’aurait jamais fait ça ».

Le pardonner ? « Jamais », a-t-elle assuré à la Cour. « J’espère qu’il puisse un jour ressortir, pour voir ses enfants. Pour moi, sa peine il l’a faite, il a tout perdu », a terminé l’épouse de Jean-Pierre M. , qui risque, lui, jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.

« J’ai été élevé par des cochons »

Le témoignage des deux enfants de Jean-Pierre M., ainsi que la lecture du rapport de l’enquêteur de personnalité ce mercredi matin, ont permis d’éclairer le parcours de l’accusé, marqué par une enfance dans une grande pauvreté et un contexte de violences intrafamiliales, y compris sexuelles. « J’ai été élevé par des cochons », avait expliqué après son arrestation à l’hiver 2021 le sexagénaire, avant-dernier d’une fratrie de dix enfants qui a vécu dans une ferme. Les enfants étaient battus, « attachés nus à des arbres pendant toute la nuit », et le père « organisait des partouzes devant ses enfants », a relaté son avocat, Patrick Gontard.

Une enfance dont il est loin d’avoir dévoilé les détails à ses propres enfants. Le fils de celui qui a été authentifié par le surnom « Rasmus » sur les vidéos, a évoqué à la barre « un père exemplaire qui ne montre pas ses émotions ». La fille de 28 ans, elle, a parlé d’un « couple fusionnel heureux » pour décrire ses parents. « Ce qu’il a fait est impardonnable, je ne comprends pas, je suis choquée », a ajouté celle qui espère obtenir « des réponses » grâce au procès.

« Les faits, ils sont très graves, je pense qu’il en a conscience », a aussi déclaré son fils de 32 ans. « Mais ce procès, ça va être un soulagement, je l’encourage à se livrer », a-t-il poursuivi. Avec cette certitude : « J’ai l’intime conviction que s’il n’avait pas rencontré cette personne (Dominique Pelicot), il n’y aurait jamais eu ça, (...) cela a peut-être réveillé des souvenirs que nous, on ne connaissait pas. »

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