Procès des viols de Mazan: l'avocate de deux accusés fait polémique sur les réseaux sociaux, elle se défend

Peut-on tout dire quand on est avocat? Peuvent-ils s'exprimer librement à l'extérieur de la salle d'audience? Tous les moyens sont-ils bons dans le cadre de la défense d'accusés? Autant de questions qui se posent après le début d'une polémique liée à la diffusion de vidéos d'une avocate de la défense dans le procès des viols de Mazan. Me Nadia El Bouroumi se filme dans sa voiture dansant sur une musique de Wham!, Wake me up before you go go, littéralement Réveillez moi avant de partir.

"Il n'y a pas d’indécence", s'explique-t-elle sur BFMTV. "Dans ma légende, j’explique qu’il faut se lever tôt pour me museler."

"Plein d'énergie"

Dans son post Instagram, Me Nadia El Bouroumi évoque le harcèlement dont elle est victime depuis le procès des viols de Mazan. Son harcèlement, mais aussi celui de sa famille qui, selon elle, serait lié au traitement médiatique de l'affaire Pelicot. "Cette chanson pour ceux qui doivent se lever tôt avant d'arriver à me faire taire", écrit-elle sur le réseau social. Mais évidemment, le choix de cette chanson, dans un procès pour viol sous soumission chimique, fait évidemment réagir.

"J’ai été humiliée, insultée, j’ai réagi avec humour. Ça a été transformé", plaide-t-elle encore.

L'avocate pénaliste du barreau d'Avignon assure publier régulièrement sur Instagram depuis quatre ans. Ceux qui travaillent localement à Avignon ont l'habitude de ses publications. Elle y évoque le fonctionnement de la justice, les dossiers dans lesquels elle est saisie, mais aussi son quotidien et son passé, expliquant avoir elle-aussi été victime de violences et de viol. Elle insiste également sur son parcours: cette ex-coiffeuse ayant passé tour à tour les examens pour devenir avocate. Résultat: près de 50.000 abonnés la suivent sur Instagram.

"Disons que c’est dans l’air du temps, ça touche toutes les professions dont celle des avocats", relève Me Mourad Battikh qui note son "plein d’énergie" et se félicite qu'elle "suscite des vocations". "Par la force de son ambition, elle a réussi à se hisser là où elle est."

"Le droit de prendre la parole?"

Si pendant les deux premières semaines de ce procès, Me Nadia El Bouroumi, dont le ton vindicatif voire virulent à chaque intervention la caractérise, elle qui crie à chaque prise de parole dans le tribunal, est restée discrète concernant le procès sur les réseaux sociaux, ces derniers jours elle a multiplié les interventions tant à l'intérieur de la salle d'audience qu'à l'extérieur.

Mercredi, elle s'en est pris à Gisèle Pelicot qui venait de confier se sentir "dégradée et humiliée" par les questions des avocats de la défense, qui lui demandait notamment si elle n'avait pas des penchants "exhibitionnistes" après la diffusion de photos d'elle, dit-elle prise à son insu. Photos qui ont pu être utilisées par Dominique Pelicot pour "inviter" ces hommes à son domicile.

"On ne voulait pas que ce soit diffusé devant tout le monde. Vous êtes en colère, mais vous êtes aussi responsable de cette diffusion!", lui a lancé Me Nadia El Bouroumi.

Devant le tribunal comme sur les réseaux sociaux, l'avocate veut plaider l'acquittement pour ses clients estimant qu'ils ont pu être trompés avec ces photos. "Ma stratégie n’est pas de dire que Mme Pelicot n’est pas une victime. "J’explique (dans ces vidéos) que je comprends lors de mon intervention que quand elle est sous soumission chimique, contrairement à ce que nous avait dit l’expert, ce n’est pas un poids mort. Techniquement, cela doit permettre de discuter de la soumission chimique et des conséquences que ça peut avoir."

"Est-ce que j’ai le droit de prendre la parole dans une cour d’assises?, s'indigne-t-elle. Quoique l'on fasse la décision est prise et les médias décident. J'ai de la peine pour mes clients parce qu'ils sont traités comme des moins que rien. On ne peut rien dire, on n'a pas le droit."

Un éventuel rappel à l'ordre?

Pour rappel, Me Nadia El Bouroumi défend deux hommes dans ce procès des viols de Mazan. Jean-Pierre L. a reconnu des pénétrations digitales mais nie le viol. Il avait pourtant dit aux enquêteurs avoir été informé que Gisèle Pelicot prendrait des somnifères, mais que cela faisait partie du jeu sexuel mis en place par Dominique Pelicot. Le second, confronté aux vidéos, reconnaît également les relations sexuelles mais nie avoir eu connaissance de la soumission chimique imposée à Gisèle Pelicot.

"L’avocat ne peut pas dire, pour plaire aux médias, pour plaire aux grand public, je vais mesurer mes interventions, et je vais être dans une forme de modération", note Me Mourad Battikh.

"Il faut décorréler l’avocat du procès", rappelle-t-il encore. "L’avocat a le droit de plaider comme il veut, il a le droit de s’exprimer comme il veut, il n’y a pas de limites à l’expression, c’est un droit absolu. Il a une mission, il a un mandat de son client. Et c'est une mission lourde de conséquences."

Sur les réseaux sociaux, toutefois cette exposition étonne a minima. Certains la soutiennent, d'autres s'indignent de ces prises de parole. Certains avocats se questionnent également sur une possible réaction de l'ordre des avocats d'Avignon. Contacté, le bâtonnier n'a pas donné suite. Une source judiciaire disait avoir été informé et être en train d'étudier la situation.

Article original publié sur BFMTV.com