Procès des viols de Mazan : Gisèle P. témoigne pour les « femmes victimes de soumission chimique »
JUSTICE - Elle voulait que sa parole soit entendue. Gisèle P., droguée et violée pendant dix ans par son mari et des dizaines d’inconnus recrutés par Dominique P. sur internet, a témoigné pour la première fois, ce jeudi 5 septembre, devant la cour criminelle de Vaucluse à Avignon, lors du procès de son époux.
Procès des viols de Mazan : pourquoi la principale victime ne souhaitait pas de huis clos
Restée stoïque depuis trois jours, la principale victime est entrée dans la salle d’audience, entourée de ses trois enfants. Gisèle P., bientôt 72 ans, cheveux roux coupés au carré, a d’abord retracé le récit d’horreur qui lui a permis de découvrir des années de viols et de soumission chimique.
Des photos abominables
En septembre 2020, son mari depuis 50 ans l’appelle pour lui dire qu’il a fait une « bêtise ». Dominique P. a été pris en flagrant délit photographiant sous les jupes des femmes dans un centre commercial de Carpentras, dans le Vaucluse. C’est la première douche froide.
« Il me dit j’ai eu une pulsion, tu n’étais pas là. Je lui réponds : “tu vas devoir t’excuser auprès de ces femmes et te faire suivre par un psy” », a-t-elle poursuivi face à son mari, relate la journaliste de RMC Marion Dubreuil qui couvre l’audience.
Gisele : il me dit j’ai eu une pulsion tu n’étais pas là je me dis pour cette fois je te pardonne la prochaine je m’en irai tu vas devoir t’excuser auprès de ces femmes te faire suivre psy. On reprend une vie normale il me dit ça me servira de leçon #viols #Mazan @RMCInfo
— Marion Dubreuil (@MarionDub) September 5, 2024
Elle finira par lui pardonner. Mais deux mois plus tard, le 2 novembre, le couple est convoqué au commissariat. Gisèle P. raconte : « Le policier m’a demandé si je pratiquais l’échangisme ou le triolisme. J’ai dit : “mais non, je ne peux supporter que les mains de mon mari sur mon corps. ” » La prévenant du choc que cela pouvait engendrer, l’agent avait alors posé devant Gisèle P. des photos prises d’elle, « inerte » sur son lit, à côté « d’inconnus qui [la] violent », rapporte la journaliste Cécile Ollivier, sur X. « C’est de la barbarie », tance Gisèle P.
« Ils me considèrent comme une poupée de chiffon », ajoute la septuagénaire, expliquant avoir attendu le mois de mai 2022 pour accepter de regarder les vidéos.
"On m'a montré des images, je suis inerte sur mon lit, des inconnus qui me violent. Je me suis effondrée. On m'a donné un verre d'eau, une psychologue est arrivée. On m'a dit votre mari ne repart pas avec vous, il est en garde à vue"#mazan
— Cécile Ollivier (@cecileollivier) September 5, 2024
« Je suis comme un boxeur qui tombe et à chaque fois je dois me relever », insiste la victime, qui décrivait encore son mari comme « un chic type », « un super mec » au policier qui l’avait convoquée ce jour-là, avant qu’il ne lui montre les photos. Elle le présente désormais d’un laconique « Monsieur P. ».
Elle apprendra plus tard que les agissements de son mari ont duré près de 10 ans, de juillet 2011 à octobre 2020, d’abord quand ils vivaient en région parisienne, puis surtout à leur domicile familial de Mazan. Elle a été victime de viols par son époux, dont elle est en instance de divorce depuis la révélation des faits, et par de parfaits inconnus, âgés aujourd’hui de 26 à 74 ans.
« Pour que plus aucune femme ne soit victime par soumission chimique »
« Tout ce qui me reste ce sont mes enfants deux valises et mon chien. J’ai tout perdu mon mari ma vie. Je ne sais plus qui je suis, ni où je vais, je n’ai plus d’identité », poursuit Gisèle P. à la barre. En réentendant cette succession d’horreur, les trois enfants de la principale victime pleurent sur les bancs des parties civiles, décrit Marion Dubreuil.
La victime raconte aussi ses nombreuses absences pendant ces effroyables années, croyant avoir « la maladie d’Alzheimer ». « Depuis le 2 novembre 2020, je n’ai plus d’absence et je remercie ma fille d’avoir créé son association “M’endors pas : contre la soumission chimique” ».
Rappelant pourquoi elle s’est opposée au huis clos dans cette affaire, pour « une publicité complète, totale, jusqu’au bout » de son histoire, elle dédie son témoignage aux victimes qui « se réveilleront avec des absences, des souffrances gynécologiques. Elles repenseront à mon témoignage ». Et conclut : « Pour que plus aucune femme ne soit victime par soumission chimique. »
Pour Gisèle P., ce procès sera « une épreuve absolument terrible », avait prévenu son avocat, Me Camus, également avocat des trois enfants du couple : elle « va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu’elle a subis pendant dix ans », car elle n’en a « aucun souvenir », avait-il insisté auprès de l’AFP. Les débats entamés lundi sont prévus pour durer quatre mois, jusqu’au 20 décembre.
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