Procès des viols de Mazan : comment les enquêteurs ont identifié les agresseurs dans cette titanesque affaire

Le procès des viols de Mazan s’est ouvert lundi 2 septembre devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon.
CHRISTOPHE SIMON / AFP Le procès des viols de Mazan s’est ouvert lundi 2 septembre devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon.

JUSTICE - C’est une enquête colossale, à la mesure du nombre de personnes potentiellement impliquées. Le commissaire en charge du dossier titanesque des viols de Mazan, affaire jugée depuis lundi devant la cour criminelle du Vaucluse à Avignon, a détaillé ce mercredi 4 septembre le long et fastidieux travail des enquêteurs pour retrouver les agresseurs de Gisèle P. Cette femme, aujourd’hui âgée de 72 ans, a été abusée par des dizaines d’inconnus recrutés sur internet par son mari, qui la droguait.

La soumission chimique au cœur du procès de 51 hommes accusés d’avoir violé une femme droguée par son mari

« Tout commence par la vigilance d’un personnel de sécurité d’un supermarché de Carpentras », a expliqué devant la cour le commissaire divisionnaire Jérémie Bosse Platière, désormais directeur de la police interdépartementale (DIPN) des Hautes-Alpes, comme le raconte sur X une journaliste de RMC présente au procès.

L’affaire commence en effet le 12 septembre 2020, presque par hasard, avec l’arrestation de Dominique P., le mari de la victime, qui vient de filmer sous les jupes de clientes du magasin. Des perquisitions ont lieu. Les données portables et informatiques de l’homme sont figées pour qu’il ne puisse rien supprimer.

Les enquêteurs découvrent alors des milliers de photos et vidéos dans lesquelles sa femme, inconsciente et inerte, est violée par des inconnus. Des faits entamés en juillet 2011, quand le couple vivait encore en région parisienne, puis poursuivis de mars 2013 à octobre 2020, après leur déménagement à Mazan, charmant village proche du mont Ventoux.

Dominique P. classait les faits dans un dossier « abus »

Après avoir recensé quelque 200 viols sur la victime, la plupart par son mari lui-même, les enquêteurs ont finalement dressé une liste de 72 individus restant à identifier, a expliqué Jérémie Bosse Platière. L’enjeu est de retrouver les auteurs, mais aussi de s’assurer qu’il n’y a pas d’autres victimes parmi leurs épouses ou leurs proches, selon le récit de la journaliste Marion Dubreuil.

Devant l’ampleur du nombre de personnes soupçonnées, les policiers vont devoir étaler leurs interpellations en cinq vagues, entre fin 2020 et septembre 2021. À ce moment-là, 50 hommes sont formellement identifiés, en plus du mari. Âgés de 26 à 74 ans, ils sont assis sur les bancs des accusés du procès d’Avignon aux côtés de Dominique P., 71 ans. Tous risquent jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.

Dans son travail, la police judiciaire est fortement aidée par les milliers de photos et vidéos prises par le mari, enregistrées sur un disque dur puis méticuleusement décrites et classées dans un dossier « abus ». Avec un sous-dossier pour chaque homme venu violer son épouse. « 156 dossiers, avec près de 3 800 photos et vidéos des faits […] Avec par exemple un sous-dossier “nuit du 29/11 avec Quentin” », rapporte la journaliste Marion Dubreuil.

« Une liste va alors être dressée pour chaque individu en fonction du nom du dossier », précise le commissaire. Objectif : identifier « Chris le pompier », « Quentin », « Gaston » ou « David le Black ».

Opérateurs téléphoniques et reconnaissance faciale

En parallèle, les policiers se servent des nombreuses traces laissées par les innombrables échanges téléphoniques et les conversations en ligne entre le mari et les agresseurs de son épouse.

« On va partir des numéros de téléphone (sur les factures téléphoniques de Dominique P.) et regarder à chaque date s’il y a un lien entre l’appel passé et les faits retrouvés » sur les images, indique Jérémie Bosse Platière. Dominique P. avait également bloqué de nombreux contacts sur ses téléphones, éveillant les soupçons des enquêteurs. « C’est inhabituel, on voit qu’un grand nombre de contacts sont bloqués, et on pense que dans le lot des gens seraient concernés » par les viols, poursuit le policier. Pour remonter aux identités de ces hommes, les enquêteurs sollicitent les opérateurs téléphoniques, « un travail qui va s’étaler sur quasiment deux années ».

Une autre méthode consiste à extraire les images retrouvées et à s’aider de la reconnaissance faciale via un logiciel utilisé par la police nationale : « À partir de l’extraction de la photo, cela va nous donner un taux de ressemblance. Cela va nous permettre d’identifier un tiers des auteurs », explique Jérémie Bosse Platière.

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