Procès des viols de Mazan: 35 accusés estiment toujours avoir "été induits en erreur", les experts les contredisent

Depuis leur garde à vue et désormais devant la cour criminelle du Vaucluse, une grande majorité des hommes accusés de viol sur Gisèle Pelicot maintiennent qu'ils ne savaient pas qu'elle avait été droguée avant leur venue au domicile du couple à Mazan.

"Ils sont d’accord de la matérialité de la relation sexuelle au domicile des Pelicot, mais il y a un désaccord quand on leur dit qu’ils y sont allés en connaissance de cause", résume Me Isabelle Crépin-Dehaene, qui représente deux des accusés.

Depuis le début du procès, cet axe de défense est largement mis en avant par les avocats des 35 accusés, qui reconnaissent les relations sexuelles, mais qui disent avoir "été manipulés" par Dominique Pelicot. Tous évoquent des premiers échanges sur le site Coco où celui qui est qualifié par la défense de "chef d'orchestre" leur propose des relations libertines, du candaulisme.

"Scénario"

"Nous sommes dans un scénario très particulier", poursuit Me Crépin-Dehaene. "Quand on a un couple qui se dit libertin et qui est désireux d’une relation à plusieurs, ça fait l’objet d’une discussion au préalable dans le couple. Ce n’est pas au moment où il y a un homme 'recruté' sur un site que le couple commence à s’interroger sur le consentement."

Ces hommes rappellent également que des photos de Gisèle Pelicot consciente leur avaient été envoyées au préalable. Des photos qui ont été prises à l'insu de cette femme. "Il y avait matière de leur part à être induit en erreur, pour eux, c'était la concrétisation d'un scénario. Ils soutiennent que le peu de temps qu’ils sont restés au domicile du couple, ils pensaient être dans ce scénario-là."

"Cet état dans lequel elle simulait un endormissement, où il pensait qu’ils étaient dans ce jeu, en réalité on le saura plus tard et que Mme Pelicot était victime."

"Je me suis laissé guider"

Interrogé mardi par la cour criminelle, Dominique Pelicot assume être "un violeur comme tous ceux qui sont dans cette salle". "Je ne leur ai pas mis de menottes pour qu'ils viennent", avait poursuivi le septuagénaire. "Oui effectivement, c'est un viol parce que j'ai pris conscience que je n'ai pas eu le consentement", confie l'un de ses coaccusés à BFMTV. "Je me suis laissé guider, j'ai perdu le contrôle de moi", poursuit-il chargeant à son tour Dominique Pelicot.

Pour la partie civile et l'accusation, cette défense ne tient pas. Ils mettent en avant le protocole imposé par Dominique Pelicot à ces hommes. À savoir ne pas se garer devant le domicile, ne pas fumer, ne pas porter de parfum, se déshabiller dans la cuisine ou dans le salon puis se réchauffer les mains avant de toucher sa femme. "Dominique Pelicot me fait déshabiller, je garde mon tee-shirt, puis je rentre dans la chambre, la lumière est tamisée", a décrit Lionel R., l'un des caccusé ce jeudi matin à la barre.

"Elle est allongée nue, endormie. Il me fait allonger à côté d'elle, je ne prends pas de directive, je fais ce qu'il me dit de faire, il n'a pas le même regard. Je perds pied, je m'exécute." Lui a reconnu dès sa garde à vue qu'il s'agissait d'un viol, qu'il savait que Gisèle Pelicot allait prendre des somnifères. "À un moment, elle bouge, il me fait signe de reculer du lit puis il me fait revenir", décrit encore Lionel R avant de présenter ses excuses à Gisèle Pelicot.

"Anesthésiée"

Pour les experts qui sont venus déposer devant la cour criminelle du Vaucluse, ces hommes "recrutés par Dominique Pelicot ne pouvaient ignorer l'état d'inconscience de sa femme lors de leur venue et pendant les relations sexuelles qu'ils lui ont imposé". "Sur l’intégralité des vidéos, les auteurs ne pouvaient ignorer que Gisele Pelicot était inconsciente. On voit tout de suite qu’elle dort", a tranché le directeur d'enquête, qui a visionné l'intégralité des vidéos découvertes sur le disque dur de Dominique Pelicot.

"Il n'y avait pas de consentement, et ils ont quand même exécuté leurs basses besognes", avait-il précisé évoquant l'état dans lequel se trouvait Gisèle Pelicot comme "anesthésiée", ronflant parfois, ses membres retombant lourdement quand ils les déplacent.

Mercredi, à la demande d'avocats de la défense, 27 clichés de Gisèle Pelicot dans son intimité, prises à son insu, ont été diffusés devant la cour. L'enjeu pour ces accusés qui nient toute intention de viol est de faire reconnaître qu'ils ont pu être trompés par Dominique Pelicot. "On peut penser que le partage de ces photos ont fait croire aux accusés qu’elle était consentante et joueuse pour partager ce moment à trois", fait valoir une avocate.

Article original publié sur BFMTV.com