Procès Millas: deux chiens présents dans la salle d'audience pour "éponger les émotions"

Au procès Millas, deux chiens aident simultanément les victimes et la mise en cause lors d'un procès, une première en France dans le cadre d'une audience. - Nicolas TUCAT / AFP
Au procès Millas, deux chiens aident simultanément les victimes et la mise en cause lors d'un procès, une première en France dans le cadre d'une audience. - Nicolas TUCAT / AFP

C'est une première en France. Deux chiens aident les victimes et la mise en cause dans le procès de la collision mortelle de Millas qui s'est ouvert lundi au tribunal judiciaire de Marseille. La conductrice d'un car scolaire entré en collision avec un train en 2017 est jugée pour homicides et blessures involontaires. Six enfants sont morts dans l'accident, 17 ont été blessés.

En début de semaine, la prévenue a été présentée au labrador noir qui l'assistera tout au long du procès pour l'aider à libérer sa parole et à gérer ses émotions. Dès qu'elle pleure, Rancho, assis à côté d'elle, pose sa tête sur sa cuisse.

"Cette technique est un dispositif de soutien et ne peut être considérée comme un gadget", elle est là pour "vous permettre de supporter la charge émotionnelle de ce procès", a prévenu dès l'ouverture des débats la présidente du tribunal correctionnel de Marseille, Céline Ballerini.

"Libérer la parole, mettre en confiance"

Au fond de la salle, Ouchi, un golden retriever, est lui à la disposition des victimes. Mardi, il a accompagné deux adolescentes rescapées dans leur témoignage. "Il a aussi aidé deux mamans d'enfants décédés qui ont appris à l'audience leurs derniers moments", rapporte Aurore Bourcereau, directrice de l'association France Victimes de la Nièvre, venue spécialement avec l'animal.

Ce système de "chien d'assistance judiciaire" est déjà très développé en Amérique du Nord. En France, le dispositif commence à faire ses preuves dans les enquêtes et arrive depuis peu en salle d'audience. C'est la première fois qu'il est aussi mis à la disposition d'un prévenu.

"Cette médiation animale libère la parole, met en confiance. C'est un dispositif de réassurance extérieure qui baisse le stress, le rythme cardiaque et donc est un facilitateur de témoignage", estime Jérôme Moreau, vice-président de la fédération France Victimes.

Labradors et golden retrievers sont connus pour leur calme, leur sens de l'empathie et du contact avec l'humain. Ils sont une demi-douzaine formés aujourd'hui en France, dont Rancho, rattaché au tribunal de Nîmes et géré par les pompiers du Gard ou Ouchi, qui a ses attaches dans la Nièvre. La formation coûte environ 17.000 euros, selon Florian Auffret, chargé de mission recherche-développement chez l'association Handi'chiens.

"Le chien m'a emmenée dans sa bulle"

L'adjudant-chef Jérôme Lapp, un des référents de Rancho, se souvient d'un procès en juin à Marseille où une adolescente devait témoigner face à son professeur de théâtre, jugé pour atteintes sexuelles. "La présidente avait une phobie des chiens mais elle voulait le tester avant le procès Millas et je suis tombé à la renverse de tout ce que la petite a pu dire qu'elle n'avait pas dit avant. Elle m'a dit: 'Le chien m'a emmenée dans sa bulle'. Elle avait l'impression de lui parler à lui", détaille le pompier. Au bout de 2h30 d'audience, Rancho était épuisé: "Il est venu me voir et il s'est mis à ronfler en pleine audience".

A Lyon, LOL est venu spécialement de Cahors pour une enquête. Il "a apporté de la sérénité aux victimes et a pu libérer la parole au cours d'auditions extrêmement éprouvantes", souligne le président du tribunal judiciaire Michaël Janas qui a demandé que sa juridiction soit dotée d'un chien.

"L'audition n'est pas un passage facile à vivre... Dès que le chien voyait que j'étais un peu stressé, il venait spontanément au contact, se collait à moi, posait sa tête, ou sentait ma main. Je retrouvais mon calme", rapporte de son côté Eric (prénom d'emprunt), 39 ans, l'une des 30 victimes déclarées d'un homme accusé d’avoir violé et agressé sexuellement des mineurs.

Le procureur de Lyon, Nicolas Jacquet envisage d'inviter l'animal à différentes étapes, "dans les locaux des services d'enquêtes, dans les bureaux des juges ou en audience publique".

Article original publié sur BFMTV.com