L'ex-patron des stups, jugé à Lyon, se défend d'être un "cow-boy"
L'ancien patron de la lutte antidrogue François Thierry s'est défendu d'être un "cow-boy" à l'ouverture de son procès lundi à Lyon, où il est jugé pour avoir organisé une fausse garde à vue d'un trafiquant recruté comme indicateur, pour suivre une livraison.
L'ex-superflic, 56 ans, comparaît devant la cour criminelle du Rhône pour "faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique" et destruction de preuves.
"Je ne me reconnais pas du tout dans la façon (...) dont je suis poursuivi", a-t-il déclaré en début d'audience. Assumant un "goût prononcé pour l'opérationnel", l'ancien patron des stups a cherché devant la cour à casser sa réputation de grand flic solitaire, en insistant sur son souci de "partager et mutualiser" les informations.
Les opérations au coeur de la procédure "n'étaient pas montées par un cow-boy dont on a pu dépeindre le caractère emporté", a-t-il insisté, en se frottant neveusement les mains. "Ce n'était pas des choses faites à la légère, tirées de mon chapeau un matin".
Celui qui pilote aujourd'hui la stratégie numérique de la police nationale encourt en théorie 15 ans de réclusion criminelle. Il est accusé d'avoir rédigé un faux procès-verbal de garde à vue pour justifier l'extraction de prison, en avril 2012, de son principal "indic", Sophiane Hambli.
Cette manoeuvre a permis à ce trafiquant de drogues de piloter par téléphone l'arrivée de six tonnes de résine de cannabis en provenance du Maroc sur une plage espagnole, une "livraison surveillée" par la police destinée à démanteler les réseaux de revente en France.
- Dîner -
Il s'agissait du "premier rendez-vous hors les murs d'une maison d'arrêt" entre François Thierry et son "indic", recruté en 2009 dans une prison espagnole, a souligné le commissaire Patrice Demoly, de l'inspection générale, appelé à la barre des témoins.
Les deux hommes dineront d'ailleurs en tête à tête pendant cette garde à vue "fantôme", organisée dans un hôtel.
Selon M. Demoly, "on est au carrefour d'intérêts croisés": François Thierry veut "géolocaliser" les go-fast qui remontent vers la France, Sophiane Hambli espère une remise de peine contre ses renseignements, mais aussi "une relative sanctuarisation de son activité criminelle".
Le commissaire Thierry reconnaît les faits mais réfute toute infraction: pour lui, la mesure de garde à vue fictive a été prise en concertation avec le parquet de Paris.
Mais les magistrats assurent n'avoir eu que des informations parcellaires quand on leur a demandé de prolonger la garde à vue pour la faire durer 96 heures.
L'un des grands enjeux du procès sera de déterminer ce que le policier avait dit exactement à ses interlocuteurs. Pour ce faire, plusieurs hauts responsables de la police et de la justice défileront à la barre des témoins, notamment l'ex-chef du parquet de Paris, François Molins, ou l'ancien patron de la PJ parisienne, Bernard Petit.
"Tout le monde était au courant, c'est une tartufferie", s'est emporté son avocat Me Francis Szpiner en sortant de la salle d'audience.
L'extraction de Sophiane Hambli "c'était son idée, il était à la manoeuvre", a toutefois assuré à la barre des témoins la commissaire Sophie Robert, qui a mené l'enquête de l'IGPN. "Il maîtrise toute l'information, tout le déroulé".
- Sept tonnes de cannabis-
Un temps mis en examen pour "complicité de trafic de drogues", notamment car 4,1 tonnes de résine de cannabis débarquées en Espagne ont disparu et parce que sa compagne de l'époque était l'avocate de Sophiane Hambli, François Thierry a bénéficié d'un non-lieu sur ce chef.
L'instruction n'a pas trouvé trace de malversation dans ses finances.
Mais il a été renvoyé devant la justice pour ce chef dans le principal volet de l'affaire instruit à Bordeaux, et qui porte sur la découverte en octobre 2015 de sept tonnes de cannabis en plein Paris.
L'enquête a démontré que la drogue était arrivée en France dans le cadre d'une autre "livraison surveillée", opérée par l'Ocrtis avec l'aide de Sophiane Hambli. Le commissaire est accusé d'avoir facilité l'importation des stupéfiants.
Cette affaire avait révélé les méthodes de l'Ocrtis, l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants que François Thierry a dirigé de 2010 à 2016, et conduit à son remplacement par l'Ofast (Office anti-stupéfiants).
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