Procès d’Éric Dupond-Moretti : interrogé à la barre, le ministre de la Justice s’agace
POLITIQUE - Il réclame un peu d’empathie. Le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti, jugé depuis lundi pour prise illégale d’intérêts, a demandé ce mardi 7 novembre aux juges de la Cour de justice de la République (CJR) d’« imaginer » ce qui lui était « tombé dessus » quand il avait été nommé ministre de la Justice en juillet 2020.
Cet été-là, il est « choisi » à la surprise générale et pour lui « c’est évidemment un grand bouleversement ». Il le dit et le répète, ses anciennes brouilles avec des magistrats, il s’« en fout ».
L’ex-avocat star poursuit et raconte son arrivée dans « un monde totalement étranger » : des lieux qui « écrasent », « chargés d’une mémoire historique ». ll faut aussi composer le cabinet, une administration « complexe ». Il va même jusqu’à évoquer les cravates qu’il s’achète pour respecter les codes vestimentaires.
« Essayez de vous mettre à ma place et d’imaginer un instant ce qui me tombe dessus », supplie presque le ministre de 62 ans, en costume sombre. « Pardon de le dire ainsi », finit-il par s’exaspérer. « J’ai un but, c’est de réussir mon ministère. Le reste, je m’en fous ».
Un « machin » embarrassant
« Ce truc-là, ce machin, il m’est tombé dessus, pas parce que je l’ai voulu. J’en ai hérité parce qu’il avait été initié par ma prédécesseure », Nicole Belloubet, se justifie le ministre de 62 ans. Ce « machin » dont il parle, ce sont des enquêtes administratives qu’il a lancées en tant que ministre de la Justice à l’encontre de quatre magistrats : l’ex-juge d’instruction Édouard Levrault et trois magistrats du parquet national financier, dont l’ancienne cheffe du PNF, Éliane Houlette.
Ce, alors qu’il avait eu des différends avec eux quand il était avocat. C’est ce qui lui vaut ce procès inédit pour « prise illégale d’intérêts » – une première pour un ministre de la Justice en exercice.
« Le cadet de mes soucis »
« Je ne veux pas être désobligeant mais, monsieur le président, je me fous de l’histoire Levrault, je me fiche de l’histoire du parquet nationale financier », s’emporte encore le ministre. « Pardon de le dire comme ça mais je m’en fiche ». « C’est derrière moi », « mon ancienne vie », « le cadet de mes soucis, j’ai mille, mille choses à faire », martèle aussi l’ex-avocat vedette, qui se met presque à plaider.
À cette époque « j’ai envie… mais vous ne savez pas comment j’ai envie de réussir mon ministère », lance-t-il, évoquant les réformes et les budgets qu’il a en tête.
Et puis, « quel aurait été mon intérêt, il faudra quand même qu’on m’explique ? », s’exaspère le ministre, alors que le président Dominique Pauthe lui demande plusieurs fois si vraiment, il n’a pas vu venir le potentiel conflit d’intérêts. « C’est compliqué d’écrire les choses, c’est beaucoup plus simple de les réécrire », ajoute le garde des Sceaux.
Pas de conflit d’intérêts
Suivant son habituelle ligne de défense depuis trois ans, il assure qu’il n’a fait que suivre les « recommandations » de ses services. « Jamais je n’ai demandé à mon administration d’accélérer ou de pousser une procédure, jamais », jure-t-il. Et « personne ne m’a dit “conflit d’intérêts”. Personne ».
« J’ai compris que quoi que je pouvais dire, au fond la messe était dite », accuse-t-il. Mais ce procès, assène Éric Dupond-Moretti, « ce n’est pas le méchant garde des Sceaux contre la justice qui fonctionnerait parfaitement ».
À voir également sur Le HuffPost :
Projet de loi immigration : ce qu’il faut savoir sur le texte qui arrive au Sénat
Anne Hidalgo à Tahiti, la mairie de Paris dévoile le coût (et les détails) de son voyage polémique