Le procès de Christophe Ruggia s’ouvre à Paris, cinq ans après les révélations d’Adèle Haenel

Adele Haenel arrivant au tribunal de Paris pour le procès de Christophe Ruggia, le 9 décembre
GREGOIRE CAMPIONE / AFP Adele Haenel arrivant au tribunal de Paris pour le procès de Christophe Ruggia, le 9 décembre

JUSTICE - La justice va ausculter les prémices du #MeToo français. Christophe Ruggia et Adèle Haenel sont présents ce lundi 9 décembre au tribunal correctionnel de Paris pour le procès de l’affaire portée par l’actrice depuis 2019 devant la justice. Elle accuse depuis plusieurs années le réalisateur français d’agressions sexuelles sur mineure. Ce qu’il conteste.

Adèle Haenel explique pourquoi elle s’est éloignée du cinéma

Onde de choc pour la libération de la parole de la femme dans le milieu du cinéma français, l’affaire Adèle Haenel arrive au tribunal après plusieurs années de procédure. Conséquence de la saisie de cette affaire par la justice après une enquête de Mediapart sur les faits dénoncés par l’actrice, qui s’est depuis mise en retrait du 7e art.

Un procès sur deux jours, lundi et mardi, qui devra juger Christophe Ruggia pour agressions sexuelles aggravées par la minorité de la victime et sa position d’autorité, entre le casting du film Les Diables et son tournage à l’été 2001, mais aussi après. Parmi les faits rapports par Adèle Haenel, partie civile au procès, des agressions sexuelles, des déclarations d’amour, et une situation d’emprise.

Une « bulle » puis l’emprise

Les Diables sera au cœur de ce procès et des images y seront même diffusées durant l’audience. Il raconte la fugue perpétuelle d’un frère et de sa sœur autiste abandonnés à la naissance. Une histoire qui devient incestueuse en cours de film, avec plusieurs scènes de sexe entre les enfants et des gros plans sur le corps nu d’Adèle Haenel.

PUBLICITÉ

Un point de départ à plusieurs niveaux puisqu’Adèle Haenel a raconté avoir décidé de parler publiquement en découvrant que le cinéaste préparait un nouveau film avec des adolescents, aux prénoms étrangement similaires de la sœur et du frère des Diables.

Sur le tournage, plusieurs professionnels avaient décrit leur « malaise » face aux conditions de travail imposées aux acteurs enfants, et surtout au comportement de Christophe Ruggia sur le plateau. Aux enquêteurs, l’actrice avait raconté ces séquences l’ayant mise « très mal à l’aise ». Et la « bulle » dans laquelle le réalisateur l’avait progressivement « isolée » sur le plateau, demandant à sa famille de ne pas venir pour ne pas la déconcentrer. Après le tournage, entre 2001 et 2004, Adèle Haenel se rend « tous les samedis » après-midi ou presque chez celui qui lui répète l’avoir « créée ».

Ruggia nie tout

Les agressions qu’elle dénonce répétaient presque toujours le même schéma : lui, assis sur un fauteuil, elle sur le canapé et « très vite » un prétexte pour se rapprocher. Il commence par lui caresser les cuisses, remonte « l’air de rien », puis lui touche le sexe ou la poitrine. « Il respirait fort » et « m’embrassait dans le cou », décrit-elle. Et si elle résistait, « il réagissait de manière choquée et avec cet air de ’non mais qu’est-ce que tu vas croire ?’, alors qu’il avait sa main dans ma culotte ».

Christophe Ruggia, ici le 2 octobre 2015.
FRANCOIS GUILLOT via Getty Images Christophe Ruggia, ici le 2 octobre 2015.

De son côté, le réalisateur aujourd’hui âgé de 59 ans (36 au moment des faits) nie tout. Et pour expliquer les accusations, il les met sur le compte d’une « vengeance » car il n’aurait plus collaboré avec la comédienne par la suite. Un argument a chaque fois balayé par les conseils de l’actrice : « On parle d’une actrice célèbre qui met en danger sa carrière en accusant un réalisateur confidentiel ».

PUBLICITÉ

En revanche, le réalisateur se montre confus sur les fameuses rencontres du samedi. Ayant de la peine à expliquer comment ils s’occupaient, il se souviendra surtout de lui donner « un goûter » avant de la ramener chez ses parents. Il évoquera aussi les « poses » que prenait Adèle Haenel sur son canapé, ses mouvements de « langue »« dignes d’un film porno » qui le mettaient mal à l’aise voire le « dégoûtaient ».

Christophe Ruggia encourt jusqu’à 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende au terme des deux jours de procès.

À voir également sur Le HuffPost :

Adèle Haenel et Céline Sciamma quittent la salle après le César de Polanski

Gérard Darmon accusé de violences sexistes et sexuelles dans une enquête de Politis