Procès de Bernard Squarcini : comment LVMH a réussi à échapper aux poursuites malgré l’espionnage de François Ruffin

Entre 2013 et 2016, un système de surveillance du député de la Somme avait été mis en place par la société de conseil de l’ancien patron du renseignement, dont LVMH était le principal client.

Une mesure alternative aux poursuites mise en place depuis 2016 a permis à LVMH d’échapper aux poursuites dans cette affaire d’espionnage contre le député et journaliste François Ruffin.
JOEL SAGET / AFP Une mesure alternative aux poursuites mise en place depuis 2016 a permis à LVMH d’échapper aux poursuites dans cette affaire d’espionnage contre le député et journaliste François Ruffin.

JUSTICE - Un « vrai-faux » procès. Alors que s’ouvre ce mercredi 13 novembre le procès de l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, accusé d’avoir mobilisé ses réseaux pour espionner François Ruffin et le journal Fakir pour le compte de LVMH, le réalisateur de Merci Patron ! regrette toujours l’absence du groupe de Bernard Arnault sur le banc des prévenus.

Comment François Ruffin utilise « Au boulot » pour tenter de revenir en haut de l’affiche politique

Devant le tribunal correctionnel de Paris, l’ancien policier Bernard Squarcini est en effet jugé, aux côtés de neuf autres prévenus, sans la moindre présence du groupe LVMH.

À la veille de ce procès attendu, l’un des avocats du député de la Somme avait déploré le « rôle de fusible pour LVMH » de l’ex-grand flic, simple « exécutant » dans cette affaire d’espionnage« le donneur d’ordre se voit dispensé » de procès. Une incohérence que François Ruffin a pointée du doigt ce mercredi au micro de Sud Radio.

« Comment la première fortune de France peut avoir la police de la République qui sert ses intérêts privés, et comment peut-on échapper à la justice en faisant un gros chèque et en ayant une justice d’exception ? », s’est-il interrogé face à Jean-Jacques Bourdin.

La réponse à cette dernière question, François Ruffin la connaît en réalité depuis un certain temps. Car dans ce « procès amputé de la tête », le groupe de luxe français, qui avait pourtant été assigné en justice, a négocié avec le parquet pour échapper aux poursuites.

Validé en décembre 2021, un accord entre la justice et LVMH qui garantit l’abandon des poursuites dans l’enquête pour espionnage impliquant Bernard Squarcini. En échange, la multinationale avait dû s’acquitter d’une amende de 10 millions d’euros auprès du Trésor public.

Cet accord est baptisé « convention judiciaire d’intérêt public » (CJIP), une mesure alternative aux poursuites mise en place en 2016 notamment pour les entreprises, lorsque celles-ci sont mises en cause pour des faits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale, blanchiment, etc.

Sauf que dans ce cas précis, l’utilisation de la CJIP est considérée comme détourné par François Ruffin et ses avocats, qui y voient un « effet de censure » des juges, alors que le groupe « LVMH figure à chacune des pages du dossier ». D’autant que l’amende payée par LVMH ne représente que « 0,02 % » du chiffre d’affaires annuel de LVMH en 2020, comme l’avait dénoncé François Ruffin lors de l’audience validant la CJIP.

Selon la justice française, l’« ancienneté des faits », le « degré de coopération » du groupe de luxe et les « moyens mis en œuvre pour éviter la réitération des faits » avaient plaidé en faveur de cet accord.

« Il risquait quoi ? »

En revanche, Bernard Arnault va devoir s’expliquer à la barre. Appelé comme témoin au procès, le puissant patron français doit « donner des explications » sur cet espionnage mis en place alors que François Ruffin tournait son film documentaire Merci Patron. En cas d’absence, il risque une nouvelle amende.

Dans ce film sorti en 2016, le député de la Somme et journaliste tentait de faire entendre la voix d’anciens employés d’un sous-traitant du groupe LVMH auprès de Bernard Arnault.

Sur Sud Radio, François Ruffin a estimé que « les hauts gradés des services de renseignement » impliqués dans son espionnage ont surtout perdu leur temps « dans la protection personnelle de Bernard Arnault ». « Il risquait quoi ? Une intervention lors d’une assemblée générale d’actionnaires. Jamais nous n’avons fait preuve de violence », s’est-il emporté.

« Des gens ont été envoyés pour fouiller les poubelles de Fakir, me surveiller, obtenir un trombinoscope, relever les plaques minéralogiques, récupérer les adresses de tout le monde. (...) Ils ont aussi installé une taupe au sein de la rédaction », a listé l’élu français, pour qui ces faits auront au moins le mérite d’être « dévoilés au grand jour » lors de ce procès où il réclame un euro symbolique de dommages et intérêts.

À voir également sur Le HuffPost :

François Ruffin attaque de nouveau le géant du luxe LVMH en justice

Cette décoration de Bernard Arnault irrite la gauche tout comme l’abandon d’une procédure du fisc contre LVMH