Procès des attentats de janvier 2015 : qui sont les 14 accusés ?

14 personnes comparaissent à partir de ce mercredi devant la cour d'assises spécialement composée pour juger les crimes terroristes. Tous sont soupçonnés d'avoir apporté un soutien à Amedy Coulibaly ainsi qu'aux frères Kouachi.

Ils seront 11 à partir de ce mercredi dans le box des accusés. Mais ce sont bien 14 personnes qui comparaissent devant la cour d'assises spécialement constituée pour juger les attentats de janvier 2015, qui ont fait 17 morts et des dizaines de blessés. 12 personnes ont été tuées à la rédaction de Charlie-Hebdo par Cherif et Saïd Kouachi, le 5 janvier. Ces derniers ont par la suite pris en otage plusieurs personnes d'une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), avant d'être neutralisés par les forces de l'ordre. En parallèle, Amedy Coulibaly a lui assassiné une policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine) et quatre personnes à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le 9 janvier, avant d'être également tué lors de l'assaut.

Jusqu'au 10 novembre, 14 personnes sont jugées, toutes suspectées d'avoir apporté un soutien aux terroristes. Parmi elles, 10 sont actuellement en détention provisoire, et un seul, placé sous contrôle judiciaire dans le cadre de la procédure, comparaît libre. Trois autres seront absents, supposés morts ou en fuite et font l'objet d'un mandat d'arrêt.

Tandis qu'Ali Riza Polat et Mohamed Belhoucine encourent la réclusion criminelle à perpétuité, tous risquent jusqu'à 20 ans de prison, à l'exception de Christophe Raumel, qui encourt lui dix ans de prison.

• Le bras droit de Coulibaly

Ali Riza Polat est sans conteste l’accusé dans le box aux liens les plus étroits avec Coulibaly.

Présenté comme son bras droit, ce Franco-Turc de 35 ans le fréquente depuis 2007, d’abord dans le cadre de business de stupéfiants dans la cité de Grigny, puis pour des trafics d’armes qui serviront lors des attentats de janvier. Les experts lui attribuent l’écriture d’une liste édifiante, où se trouve, pêle-mêle "le prix d’un kilogramme de C4" (un puissant explosif utilisé notamment par l’armée), des "balles de kalash, 500 pièces", ou des "balles de 9 mm, 100 pièces". Une recherche d’armes et d’explosifs pour laquelle il est en contact fréquent avec les filières belges et de Charleville-Mézières (voir ci-dessous) et qui le place au centre de la logistique des attentats de son vieil ami, mais aussi des terroristes de Charlie Hebdo. Ses proches confirment une radicalisation aux environs de mai 2014, à la suite de sa détention, attestée par des recherches effectuées sur l’État islamique depuis son Ipad.

Après les attentats, Ali Riza Polat tente de rejoindre Dubaï, le Liban et enfin la Syrie... sans succès. Il prétendra auprès des enquêteurs avoir pris la fuite sous le coup de la panique. Véritable maillon entre les crimes de l’un et des deux autres, il est le seul à comparaître pour la complicité de l’ensemble des crimes de Coulibaly et des frères Kouachi. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Mickaël Pastor Alwatik, le logisticien

Mickaël Pastor Alwatik a-t-il aidé Amedy Coulibaly à préparer ses attaques meurtrières? Comme Amir Ramdani et Saïd Makhlouf, l’homme de 35 ans aujourd’hui, a vu le terroriste à plusieurs reprises juste avant les attentats et alors que les enquêteurs savent qu’il était en pleine préparation de ses actes. Des rencontres à des dates capitales que le principal intéressé dit ne pas s’en souvenir, mais qui font de lui l’un des principaux protagonistes de ce procès.

L’identification de Mickaël Pastor Alwatik, qui réside alors à Epinay-sur-seine, en Seine-Saint-Denis, est permise grâce à la découverte de son ADN sur deux armes, un pistolet semi-automatique Tokarev et sur un revolver, retrouvées chez Amedy Coulibaly à Fontenay-aux-Roses. Selon les experts, ces traces ne peuvent s’expliquer que par une prise en main de l’arme par l’intéressé. Son ADN est également retrouvé sur un gant découvert dans l’Hyper Cacher.

Pastor, Alwatik et Coulibaly se connaissent de la maison d’arrêt de Villepinte. A leur sortie, les deux hommes se revoient. Lors de ces rencontres, Mickaël Pastor Alwatik explique qu’Amedy Coulibaly lui avait montré des vidéos sur la Syrie et l’Irak. Ensuite, ses explications aux magistrats sont jugées volontairement partielles. Où est passé le blouson qu’il portait lorsqu’il a vu Amedy Coulibaly 48 heures avant l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe, la policière de Montrouge. Où est passé son ordinateur? Où est passé la voiture utilisée encore par Coulibaly quelques jours avant les attaques et laissée chez Mickaël Pastor Alwatik? De la “dissimulation de preuves” pour la justice.

Surtout pourquoi son ADN figure sur des armes retrouvées chez Amedy Coulibaly? Lui explique les avoir simplement “poussées” alors qu’il déposait un sac de courses dans le coffre du terroriste, sans savoir à quoi elles serviraient. Pour ces faits, Mickaël Pastor Alwatik comparaît pour association de malfaiteurs terroriste et acquisition, détention, cession d’armes en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste.

Mohamed Fares, l’armurier

Ce n’est que tardivement que le nom de Mohamed Fares arrive dans le dossier d’instruction des juges du pôle antiterroriste. L’identité d’un nouveau complice présumé qui parvient aux magistrats par un courrier anonyme avec pour mention “Hyper Kacher Mohamed FARES”. Le lien est établi avec Mohamed-Amine Fares, qui est placé en garde à vue le 20 mars 2018.

L’homme, aujourd’hui âgé de 31 ans, est en effet le fils de l’ancien patron de Saïd Makhlouf, dont les relations avec Amedy Coulibaly ont été établies lors de l’instruction. Dans le dossier des juges figurent d’ailleurs les déplacements de Saïd Makhlouf et d’Amar Ramdani, un très proche du tueur de l’Hyper Cacher, dans la région lilloise là où réside Fares. Si ce dernier nie au départ connaître Makhlouf, ses proches diront l’inverse, notamment car Makhlouf était employé du père de Mohamed Fares et avait noué des liens avec d’autres membres de la famille.

Lors de sa garde à vue, Mohamed Fares déclare connaître la provenance de l’une des armes utilisées par Amedy Coulibaly lors de son périple meurtrier. Il dit, dans un premier temps avant de nuancer ses propos, avoir servi d’intermédiaire lors de l’achat de ce fusil d’assaut Tokarev TT33. Qualifié de “délinquant d’habitude”, pour les juges, il ne fait aucun doute que Mohamed Fares ne pouvait ignorer l’importance de ces déclarations, l’impliquant alors directement dans le projet du terroriste.

Restait alors à établir le lien entre Mohamed Fares et Amedy Coulibaly, même si une rencontre entre les deux hommes n’est pas exclue compte tenu des déplacements en région parisienne du Nordiste peu de temps avant les attentats? Les magistrats s’appuyaient alors sur les liens entre le premier et Saïd Makhlouf qu’il avait rencontré une première fois pour que Makhlouf lui donne des vêtements à remettre à un détenu de Lille-Sequedin. Les autres rencontres? Pour parler de stupéfiants, assure l’intéressé qui est poursuivi pour “association de malfaiteurs terroristes et “acquisition, détention, cession d’armes”.

• Amir Ramdani et Saïd Makhlouf, les fidèles

Amir Ramdani a croisé la route d’Amedy Coulibaly lors de sa détention à la maison d’arrêt de Villepinte. Les deux hommes sont restés proches à leur sortie de prison, au point que les magistrats instructeurs estiment qu’Amir Ramdani, interpellé le 23 janvier 2015, ne “pouvait ignorer” que les actes préparés par Amedy Coulibaly “étaient de nature terroriste”. Entre le mois d’octobre 2014 et de janvier 2015, leurs contacts sont réguliers.

Amar Ramdani a été identifié comme étant le propriétaire d’un véhicule utilisé par un autre homme suspecté de complicité, Mickaël Pastor Alwatik, dont il avait assisté au mariage en présence, notamment, de Mohamed Belhoucine. Outre des contacts par téléphone qui se sont intensifiés depuis décembre, Amir Ramdani a vu à plusieurs reprises Amedy Coulibaly, notamment le 6 janvier, quelques heures avant que ce dernier ne passe à l’acte. Que se disait-il lors de ces rencontres? Ramdani expliquera aux enquêteurs qu’il devait 200 euros à Coulibaly.

Les juges ont bien du mal à croire à une ignorance totale des projets funeste d’Amedy Coulibaly par Amir Ramdani et Samir Makhlouf, autre connaissance qui lui a fait connaître le terroriste. Ils s’appuient notamment sur ces six déplacements des deux hommes dans la région de Lille et de Roubaix, là où réside Mohamed Fares, suspecté d’avoir fourni des armes au tueur. Amir Ramdani, dont l'ADN a été retrouvé sur un billet au domicile d'Amedy Coulibaly, assure n’avoir rendu qu’un seul service à ce dernier, en l’accompagnant à un garage.

L’ADN de Saïd Makhlouf est découvert sur le taser dont Amedy Coulibaly était en possession à l’Hyper Cacher. Une trace qu’il ne peut expliquer, tout comme les retraits d'argent suspects. Pendant trois ans, le temps de l’instruction, Amir Ramdani et Saïd Makhlouf ont nié leurs relations avec Mohamed Fares.

• Les filières de Charleroi et Charleville-Mézières

Au premier coup d’œil, difficile de comprendre ce qui rassemble ces quatre hommes. Côté belge, il y a Metin Karasucar, un garagiste turc se revendiquant du PKK et son homme à tout faire, Michel Catino, un Italien sexagénaire au chômage depuis 17 ans. De l’autre côté des Ardennes, il y a le gérant d’un autre garage Miguel Martinez, au lourd passé judiciaire, converti depuis une vingtaine d’années à l’islam et son associé Abdelaziz Abbad, récemment condamné pour meurtre. L’analyse des échanges téléphoniques et des déplacements effectués à la fin de l’année 2014 attestent pourtant de contacts quotidiens entre les quatre hommes.

Ils auront beau prétendre être en rapport pour du trafic de stupéfiants, de pneus, ou, plus absurde encore, "un commerce d'eau minérale", les armes présentes au domicile de Catino et Martinez livrent une toute autre version. La justice accuse les quatre d’avoir effectué des recherches dans le but de fournir "des fusils d'assaut, pistolets automatiques, lance-roquettes, chargeurs et munitions, gilets pare-balles" aux trois terroristes, qu’ils ont également déplacé et stocké. Des malversations effectuées en lien avec Ali Riza Polat pour le compte d'Amedy Coulibaly et des frères Kouachi, que certains connaissaient déjà au préalable. Tandis qu’Abbad côtoyait la compagne de Saïd Kouachi, Karasucar a reconnu avoir participé à la vente de la Mini Cooper d’Hayat Boumeddiene. Ils risquent tous les quatre 20 ans de prison pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle".

• Willy Prevost et Christophe Raumel, les “petites mains”

Ce 9 janvier 2015, Willy Prevost et Christophe Raumel sont devant la télévision au domicile du second quand l’assaut de l’Hyper Cacher est donné afin de mettre fin à la prise d’otages menée depuis le début de l’après-midi par Amedy Coulibaly. Tous deux connaissent le terroriste qui a revendiqué son appartenance à l’Etat islamique. Le premier l’a d’ailleurs vu pour la dernière fois trois jours auparavant quand Coulibaly est venu récupérer une moto, celle qu’il utilisera lors de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe.

Incarcéré depuis le 20 janvier 2015, Willy Prevost est soupçonné d’avoir joué un rôle de logisticien pour Amedy Coulibaly, en fournissant véhicules et divers équipements utilisés par le tueur. Les deux hommes, originaires du même quartier à Grigny, se connaissent depuis l’enfance. Les relations se sont tendues lorsque Coulibaly sort de prison en 2009. Prevost dit avoir refusé à cette époque de récupérer des stupéfiants pour son compte, Coulibaly estimait qu’il lui devait une dette.

Amedy Coulibaly est ressorti de prison en 2014. Les deux hommes se sont alors revus, Coulibaly évoque en août 2014 un transport d’armes, selon Prevost. A la fin de l’année, le premier demande “un service” au second. D’abord d’aller acheter dans l’Oise un véhicule, une Renault Scénic, celle qui sera retrouvée près de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Ce jour-là, Christophe Raumel accompagne Willy Prevost. Raumel est là aussi lors de l’achat de gilets techniques, d’un couteau et d’un taser dans un magasin indiqué par Coulibaly. Achats qu’il stockera à son domicile, notamment au nom de l’amitié qu’il porte à Prevost, “comme un frère”.

Tout au long de l’instruction, les deux hommes, âgées aujourd’hui de 34 et 30 ans, qui reconnaissent les faits, diront qu’ils pensaient que Amedy Coulibaly préparait un braquage ou un go fast.

Willy Prevost jugé pour association de malfaiteurs terroriste. Les faits ont été requalifiés pour Christophe Raumel qui comparaît pour association de malfaiteurs. Il est le seul à comparaître libre alors qu'il a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre de la procédure. Il encourt jusqu'à 10 ans de prison.

• Les grands absents

La seule femme des 14 accusés. Au lendemain des attentats, le visage d’Hayat Boumeddiene, cheveux lâchés et yeux tirés, est diffusé dans tous les médias aux côtés de celui d'Amedy Coulibaly. Car l’hypothèse selon laquelle cette dernière n’aurait pas été informée de ses projets funestes paraît invraisemblable. Mariée religieusement avec l’assaillant depuis 2008, elle participe à ses escroqueries de véhicules qui financeront les attaques. Une semaine avant la tuerie de l’Hyper Cacher, elle s’envole pour Madrid, puis Istanbul et gagne la Syrie. Depuis les terres du califat, Hayat Boumeddiene célèbre l’action de son époux dans la revue de propagande islamiste Dar-Al-Islam, puis confie à une amie: "là où il est, c’est mieux qu’ici-bas." Et d'ajouter, qu’en zone irako-syrienne, au moins, les "musulmans ne sont pas humiliés."

Aujourd’hui âgée de 32 ans, la jihadiste aurait été aperçue en octobre 2019 dans le camp de réfugiés d’Al-Hol, au nord-est de la Syrie. D’après le Centre d’analyse du terrorisme, la veuve aurait depuis réussi à s’enfuir du camp surveillé par les Kurdes. Visée par un mandat d’arrêt international, elle sera donc jugée en son absence et encourt 20 ans de réclusion criminelle. Selon nos informations, elle se trouve selon une source policière au Nord-Ouest de la Syrie. Elle s'est remariée avec un étranger.

Autres fantômes du procès, Mohamed et Mehdi Belhoucine ont déjà été condamnés en janvier dernier à des peines allant jusqu’à 25 ans de prison dans le cadre de la filière jihadiste dite de "Servan". Cette fois, les frères originaires de Bondy en Seine-Saint-Denis et ayant tous deux faits des études d’ingénierie, sont jugés pour leur participation active à l’exfiltration d’Hayat Boumeddiene, avec laquelle il s’envole pour la Syrie.

Avant le départ, l’ainé, Mohamed, participe à la logistique des attaques de Coulibaly, notamment en fournissant des adresses électroniques qui serviront régulièrement à joindre les autres accusés. Depuis une détention commune à la maison d’arrêt de Villepinte, les deux hommes n’ont cessé d’être en contact. Au travers de l’enquête, le frère Belhoucine apparaît comme un véritable "sachant religieux", considéré comme l’auteur du texte de la prestation d'allégeance à l’Etat islamique lu par Coulibaly lors de la prise d’otage de l’Hyper Cacher. Les deux frères ont depuis été vraisemblablement tués lors de combats en zone irako-syrienne. Sans preuve certaine de leurs morts, ils ont donc été de nouveau poursuivis. Mehdi Belhoucine encourt 20 ans de prison, et son aîné, la réclusion criminelle à perpétuité.

Article original publié sur BFMTV.com

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