Le procès de la rue d’Aubagne à Marseille s’ouvre ce jeudi, six ans après le drame

Un pompier sur le site de l’effondrement rue d’Aubagne, le 8 novembre 2018. Le procès débute ce 7 novembre 2024 à Marseille.
GERARD JULIEN / AFP Un pompier sur le site de l’effondrement rue d’Aubagne, le 8 novembre 2018. Le procès débute ce 7 novembre 2024 à Marseille.

JUSTICE - Six ans après la mort de huit personnes dans l’effondrement de deux immeubles, rue d’Aubagne, au cœur de Marseille, c’est le grand procès du logement indigne qui s’ouvre ce jeudi 7 novembre dans la cité phocéenne, toujours rongée par ce fléau après des décennies d’indifférence.

Signe du traumatisme toujours palpable, le président du tribunal correctionnel de Marseille a demandé que les photos des huit victimes soient exposées durant les six semaines d’audiences, jusqu’au 18 décembre.

Sur le banc des prévenus, dans une salle dédiée aux procès « hors norme », tous les maillons de la chaîne du logement seront représentés : plusieurs copropriétaires, cités à comparaître par certaines des 87 parties civiles mais aussi un syndic, un expert, un bailleur social, et jusqu’à l’adjoint au maire de l’époque en charge de la police des immeubles en péril, Julien Ruas. Seize prévenus au total, qui risquent pour certains jusqu’à dix ans de prison.

Des fissures repérées avant l’effondrement

Les locataires du 65 rue d’Aubagne avaient bien vu les signes avant-coureurs de la catastrophe. Le 14 octobre, Sophie Dorbeaux signale ainsi au syndic une grosse fissure dans le hall d’entrée. La veille du drame, le 4 novembre 2018, elle a du mal à ouvrir la porte de son appartement : elle part dormir chez ses parents, ce qui la sauvera.

Juste après 9 heures, le 5 novembre, Fabien Lavieille appelle sa mère, pour lui dire que sa porte est coincée et qu’il ne peut plus sortir de chez lui. À 9 h 07, il est emporté avec son immeuble, écroulé comme un château de sable.

Le matin même du 5 novembre, juste avant de sortir, à 8 h 52, pour aller voir le syndic, un autre locataire réalise une vidéo glaçante. Les fissures sont béantes, et on entend des coups, sans doute ceux qui, comme Fabien, essayaient vainement de débloquer leur porte.

Huit victimes

Sous les gravats, huit morts. Un condensé de la diversité et des difficultés de Marseille, port d’accueil mais aussi ville pauvre, où les marchands de sommeil prospèrent sur la précarité.

Fabien Lavieille donc, alias « Fausto ». Mais aussi Ouloume Said Hassani, mère de famille comorienne, qui venait de déposer son fils de 8 ans à l’école ; Simona Carpignano, jeune diplômée venue d’Italie, et son ami, Pape Magatte Niasse.

Au 2e étage, Taher Hedfi et Mohamed Chérif Zemar étaient hébergés par un autre locataire, qui venait de sortir acheter des cigarettes. Et Julien Lalonde, réceptionniste dans un hôtel, qui déboursait 480 euros par mois pour un appartement sans chauffage. Et au 5e, Marie-Emmanuelle Blanc, artiste-verrière de 55 ans.

Qui est responsable ?

Pour la Fondation Abbé Pierre, partie civile, ce procès doit acter « tout ce qu’il ne faudra plus jamais faire » dans un pays où elle recense encore 600 000 taudis. Il faut « qu’on puisse comprendre comment, dans la deuxième ville de France, un immeuble s’effondre sur des habitants », insiste Francis Vernède, directeur régional de la fondation.

Qui est responsable ? Qui du syndic, des copropriétaires, de l’adjoint au maire, n’a pas fait ce qui lui incombait ? Comment le numéro 65 et le 63, son voisin inhabité, propriété d’un office HLM de la ville, se sont-ils écroulés subitement ?

Pour les juges d’instruction, le syndic du 65, le cabinet Liautard, a « failli à sa mission » ; Richard Carta, l’expert dépêché pour diagnostiquer cet immeuble le 18 octobre, a commis des « négligences » ; Marseille Habitat a laissé le numéro 63 tomber en « ruines » ; quant à Julien Ruas, il avait « renoncé à exercer ses pouvoirs de police administrative », dans une ville pourtant minée par 40 000 taudis.

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