Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne : six ans après, ce Super U n’est toujours pas « comme les autres »

Sept personnes sont jugées à partir de ce lundi 22 janvier pour ces attentats qui ont fait 4 morts, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame.

JUSTICE - « Chaque fois que je vais au magasin, je pense à ça. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ça. » Franck Alberti habite à deux pas du Super U de Trèbes (Aude), visé par une attaque terroriste qui avait commencé à Carcassonne le 23 mars 2018. Client régulier du magasin, il est aussi et surtout l’avocat d’une douzaine des 90 parties civiles au procès qui s’ouvre ce lundi 22 janvier devant la Cour d’assises de Paris.

L’otage sauvée par Arnaud Beltrame à Trèbes en 2018 s’exprime pour la première fois

Il représente notamment Renato Gomes da Silva, blessé par balle au début du parcours du terroriste, à Carcassonne. Me Alberti défend également des clients et anciens employés du Super U de Trèbes, où l’assaillant de 25 ans s’est ensuite retranché. Il est enfin l’avocat de la famille de Christian Medves, le boucher assassiné dans le magasin, qui était aussi son ami d’enfance.

Pendant cinq semaines et en l’absence du terroriste abattu lors de l’assaut du GIGN, la cour devra déterminer le degré d’implication de sept accusés, dont la petite amie de Radouane Lakdim. Ce dernier a fait quatre morts sur son chemin : le boucher Christian Medves, mais aussi Jean Mazières, le passager de la voiture dans laquelle se trouvait Renato lorsqu’ils ont été attaqués à Carcassonne, Hervé Sosna, un client du Super U, et le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame. Ce dernier s’était livré comme otage à la place d’une femme dans le supermarché.

Des employés ont fait le choix de partir

« Beaucoup de victimes, après avoir hésité, voulu se protéger, vont faire le déplacement » pour le procès, indique Me Alberti. Mais d’autres suivront cette actualité à distance. Pour ne pas « prendre le risque de se faire happer » après avoir tant combattu leurs souffrances. Sans compter « le stress supplémentaire » que peut représenter le fait de « monter à Paris ».

Pratiquement six ans après le drame, elles ont toutes traversé « plusieurs étapes », « un périple », selon l’avocat, joint par Le HuffPost. Il y a d’abord eu la sidération et l’incompréhension. « Quand on connaît le magasin, on se dit : “mais pourquoi le Super U de Trèbes ?”, se rappelle Thierry Desouches, porte-parole de Système U. On avait en tête les attentats de Paris, dans des environnements urbains. On se disait que ça ne pouvait pas arriver là-bas. Et puis c’est une sorte de tourbillon qui a emmené tout le monde. »

À tel point que certains ont fait le choix de partir, comme les anciens employés que défend Me Alberti. « À l’époque il y avait 49 salariés dans le magasin. Il reste aujourd’hui cinq personnes de l’équipe de 2018 », indique Thierry Desouches. Parmi elles, la directrice du Super U, « salariée depuis plus de vingt ans », présente au moment de l’attentat – elle est depuis devenue propriétaire du magasin. « Il n’y a pas de loi, chacun fait avec son mental », estime Franck Alberti.

Un supermarché « à la fois normal et particulier »

Sur place, rien ne différencie ce Super U d’un autre : pas de vigile, pas de portique de sécurité, pas de commémoration particulière les 23 mars. Pourtant, « ce n’est pas un magasin comme les autres », juge Thierry Desouches auprès du HuffPost. Ce supermarché est « à la fois normal et particulier », abonde Didier Carbonnel, premier adjoint au maire de Trèbes : « On ne peut pas effacer les choses même si on a un peu envie de le faire ».

Désormais, Système U a « des contacts particuliers » avec cet établissement, selon son porte-parole, notamment par l’intermédiaire d’une « coordinatrice des situations de crise ». Cette psychologue travaillait pour des missions ponctuelles lorsqu’elle a dû intervenir en 2018 pour soutenir les victimes de l’attentat et leur famille. « On s’est rendu compte qu’on allait devoir accompagner ces personnes, gérer les conséquences psychologiques et matérielles », relate Thierry Desouches. La psychologue a ainsi été intégrée, à plein temps, à l’équipe des ressources humaines de Système U, pour gérer toutes sortes d’événements « qui peuvent être brutaux ou soudains » : « un client qui fait un malaise dans un magasin, un accident sur un parking, une agression, un hold-up… ». Elle sera présente au tribunal ce lundi.

Mais « il ne faut pas limiter la zone de turbulence au supermarché, met en garde Me Franck Alberti. Le Super U a survécu, il s’est refait une beauté. Mais toute la ville a été ébranlée par ces événements et essaie de se relever. »

« Tourner la page » pour Trèbes

« Inévitablement, le drame n’a pas touché que les gens qui étaient sur place, confirme au HuffPost le premier adjoint au maire. Nous sommes une ville de 6 000 habitants, mais tout le monde se connaît plus ou moins. »

Si le procès doit permettre d’obtenir des réponses sur les faits, mais aussi d’établir (ou pas) la culpabilité des accusés, il sera également, selon l’élu, une étape supplémentaire pour « tourner la page ». « Trèbes a connu deux événements dans la même année, avec cet attentat et les inondations. Cela a permis de développer un esprit de cohésion qui n’existe pas ailleurs, mais cela a aussi marqué les gens, témoigne Didier Carbonnel. On a besoin de passer à autre chose. Mais sans oublier, bien évidemment. »

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