Prix Nobel : voici le profil type des lauréats selon la science, et il colle parfaitement aux premiers primés de 2024
NOBEL - On ne naît pas Nobel, on le devient. Lundi 7 octobre, Victor Ambros et Gary Ruvkun ont reçu le prix Nobel de médecine pour leurs travaux sur les micro-ARN. Ce titre leur revient pour leur découverte révolutionnaire, certes, mais la science aurait (presque) pu prédire leur triomphe. Au même titre que celui des deux lauréats du Nobel de physique ce mardi 8, Geoffrey Hinton et John Hopfield. Car ces quatre chercheurs cochent toutes les cases du profil type des gagnants d’un prix Nobel, défini par une étude publiée le 3 octobre dans Nature.
Les auteurs de cette publication, Kerri Smith et Chris Ryan, tous deux journalistes pour la revue britannique, ont analysé les profils des 646 lauréats des prix scientifiques (médecine, physique, chimie) décernés depuis 1901, sachant qu’une récompense peut être partagée par trois personnes maximum. L’objectif : déterminer les facteurs qui augmentent les chances de décrocher cette distinction des plus prestigieuses.
Être un homme aux cheveux grisonnants
D’abord, l’immense majorité des gagnants sont des hommes. Au XXe siècle, seules 20 femmes ont remporté un prix Nobel dans les matières scientifiques. À ce sujet, il convient de noter que le monde de la science s’étant ouvert aux chercheuses au XXIe siècle, on compte 15 lauréates supplémentaires depuis les années 2000. « Si vous êtes une femme, la physiologie [étude du fonctionnement des différentes parties du corps] ou la médecine est votre meilleure chance d’obtenir un prix », écrivent les auteurs de cette parution.
Avec l’âge vient la sagesse, dit on, et les lauréats ont pour la plupart des cheveux blancs. L’âge moyen pour être auréolé est de 58 ans. Le plus vieux lauréat est John Goodenough, il a été récompensé en 2019, à 97 ans, pour avoir mis au point des batteries lithium-ion. Âgés respectivement de 70 et 72 ans, nos deux prix Nobel de médecine 2024 rentrent parfaitement dans la catégorie d’âge idéale. Comme Geoffrey Hinton (76 ans) et John Hopfield (91).
Kerri Smith et Chris Ryan ne savent pas l’expliquer, mais ils ont par ailleurs défini que 54 ans semble être un âge porte-bonheur. De fait, ils ont relevé dans leurs données un record de 24 lauréats qui était dans leur 55e année.
Le « CV idéal » du chercheur américain
Le lieu de résidence est un autre critère qui semble compter pour remporter un Nobel scientifique. Plus de la moitié des vainqueurs (54 %) vivent en Amérique du Nord. « Et si vous êtes né ailleurs, la meilleure option pour obtenir un prix Nobel a été, jusqu’à présent, de vous y installer », appuie l’étude de Nature. La deuxième option, un peu moins favorable, est d’habiter en Europe.
Les trajectoires migratoires des Nobel en une image
(1901-2023, sur 3 disciplines : chimie, physique, médecine)
Source : Smith et Ryan dans @Nature, 2024
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Le prestige de l’université, dans laquelle le ou la scientifique travaille, aide aussi beaucoup. Les universités américaines se taillent ainsi la part du lion, au premier rang desquelles celle de Berkeley, en Californie. L’établissement affiche 38 récompenses scientifiques, dont 13 en chimie et 12 en physique, comme le confirme une base de données de l’AFP construite à partir de données récoltées sur le site officiel des Nobel (nobelprize.org).
Une hégémonie américaine qui vaut encore en 2024. Victor Ambros, biologiste américain à la faculté de médecine de l’Université du Massachusetts, et Gary Ruvkun, professeur de génétique la Harvard Medical School, ont une fois de plus le CV idéal pour décrocher le graal. Même chose avec les lauréats du prix Nobel de physique, l’Américain John Hopfield étant professeur à la prestigieuse université américaine de Princeton et le Britanno-canadien Geoffrey Hinton à Toronto, au Canada. En 2023, des enseignants-chercheurs d’universités américaines figuraient dans toutes les équipes primées dans les matières scientifiques.
Cinq domaines de recherche surreprésentés
Le choix de la spécialité ne doit pas non plus être pris à la légère. Cinq domaines de recherches sont surreprésentés parmi les chercheurs récompensés : la physique des particules ; la biologie cellulaire (discipline étudiée par nos Nobel de médecine 2024) ; la physique atomique ; les neurosciences et la chimie moléculaire, comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous.
Comme dans tous les domaines, le réseau et l’héritage facilitent forcément aussi la réussite. Les signataires de l’étude de Nature racontent que John W. Strutt, qui a remporté un prix de physique en 1904 pour ses travaux sur les propriétés des gaz, a ainsi fait naître « 228 descendants universitaires qui ont reçu un prix Nobel ». Dans ses « descendants », on compte ses étudiants et les étudiants de leurs étudiants.
À l’image, une fois de plus, de nos premiers lauréats de 2024 : Victor Ambros et Gary Ruvkun se sont rencontrés au cours de leur post-doctorat auprès de Robert Horvitz, lui-même devenu Nobel en 2002 pour ses travaux en génétique.
Manque de diversité
Cette « généalogie universitaire » est d’ailleurs l’aspect le plus impressionnant des recherches des auteurs de l’étude de Nature. En prenant en compte les Nobel de chimie, physique, médecine et économie depuis le début du XXe siècle, Kerri Smith et Chris Ryan ont établi que « sur 736 chercheurs, 702 font partie de la même famille académique, c’est-à-dire qu’ils sont liés par un lien académique commun à un moment donné de leur histoire. »
Face à ce manque de diversité des lauréats, les membres du comité du Nobel ont indiqué à Nature qu’ils « travaillent en permanence à l’amélioration du processus de nomination, dans le but d’élargir les nominations en termes de sexe, de nationalité et de sujets dans les domaines de la physique, de la chimie, de la physiologie ou de la médecine ».
Il reste une ultime qualité pour devenir l’une des personnes « qui ont apporté le plus grand bénéfice à l’humanité » au cours de l’année. Il s’agit de la patience. Eh oui, les scientifiques récompensés dans les années 2010 ont attendu 29 ans en moyenne entre leur découverture et leur sacre à Oslo. Mais il ne faut pas non plus traîner pour plancher sur ses recherches, car aucun prix Nobel ne peut être attribué à titre posthume…
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