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«Le Privé», condensé anxieux et inventif des années 70

Le cinéma américain des années 70 et les polars de Raymond Chandler étaient bien sûr faits pour se rencontrer : même amour de la brume, même intuition des conspirations derrière le moindre pan de mur, même méfiance vis-à-vis d’une vérité tangible au fondement des mystères à élucider. Avec le Privé, adaptation très décriée à sa sortie de The Long Goodbye, Robert Altman faisait ainsi bien plus que resituer l’intrigue arachnéenne du plus décadent des «Philip Marlowe Novels» dans la Californie des années 70, il précisait le projet de son propre cinéma, assemblé en dépit du bon sens classique de visions (et d’auditions) toujours plus grouillantes, bruissantes, diffractées de la réalité.

Si la critique américaine de l’époque, à laquelle on avait promis un film policier, jugea dans l’ensemble le film méprisant et paresseux dans sa réalisation, c’est sans doute que le Privé ressemblait - par sa lumière autant que son anxiété diffuse - un peu trop à son temps.

Quatre décennies plus tard, on est au contraire ébloui par la passion et le dynamisme de l’entreprise, perceptibles des mouvements de cadre - infatigables - à la bande-son, qu’Altman envisageait comme un juke-box postmoderne. On est frappé notamment par l’étrange sort fait pendant le générique d’ouverture au faux standard composé par John Williams, forcé à muter, au fil des plans, de genre en genre - du cool jazz à la muzak de supermarché. Une incessante reformulation façon collage d’un monde infiniment pluriel, et d’un film bien plus vaste à sillonner qu’il n’y paraît.



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