«Pris de court», à l’école des bobards

Emmanuelle Cuau plonge une mère et ses fils dans un engrenage façon thriller, sublimé par une mise en scène fiévreuse.

Alerte, urgence, Pris de court, un nouveau film d’Emmanuelle Cuau, ne pas passer à côté ! Ce serait dommage car la cinéaste tourne parcimonieusement : trois longs métrages en vingt ans, un tous les dix ans, aussi discrets que remarqués, aussi singuliers qu’ancrés dans la vie la plus quotidienne, et l’enfer qu’elle devient, lorsqu’un grain de sable s’en mêle. Ici, le grain de sable a plutôt la forme d’une tuile qui tombe sur la tête de Nathalie, joaillière, fraîchement débarquée du Canada avec ses deux fils pour prendre un nouvel emploi et qui apprend, le jour même de son embauche, que ce poste, elle ne l’aura pas, désolé et ciao, ça arrive aux gens les plus compétents. Il faut donc voir Virginie Efira s’écrouler sur un banc dans le tumulte de la Porte d’Orléans pour affronter le malheur banal : même pas chômeuse, sans emploi, seule, avec ses deux fils qu’elle vient de scolariser, dans une ville qu’elle ne connaît pas. On fait comment pour vivre ? Et qu’est-ce qu’on dit aux enfants ? Comment on leur explique dignement que non, ça ne va pas, maman ne fait pas l’affaire, on est venus en France se dépayser pour rien ? Comment fait-on pour garder bonne figure ?

Chez n’importe quel cinéaste, un tel début serait lourd. Encore un film social où une actrice bien rémunérée joue une loseuse désœuvrée ! Sauf qu’ici, la comédienne n’est pas filmée en surplomb, et la cinéaste n’est pas une entomologiste qui se penche sur les petites gens. Virginie Efira qui déboule à Paris, c’est Gena Rowlands pour la puissance expressive. Nathalie rentre donc chez elle. Ses enfants l’attendent. Comment s’est passée sa première journée dans son nouveau travail ? «Bien», répond fatalement la mère. On n’accable pas ses enfants de ses problèmes, aussi massifs soient-ils. En revanche, on peut leur mentir. Ne serait-ce que pour différer le moment de vérité.

Pris de court est un (...)

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