«Printemps chaud»

La coïncidence des dates est distrayante : il y a cinquante ans, le 22 mars 1968, commençait à bas bruit un mouvement qui allait déboucher sur la plus grande grève de l’époque moderne. Ce 22 mars 2018 commence un mouvement classique de grève dans la fonction publique qui peut, en tout cas, mettre en difficulté le gouvernement. La comparaison, on s’en doute, s’arrête là. Cinquante ans après, tout a changé en France, sinon le souvenir de Mai qu’une certaine droite obsessionnelle entretient avec ferveur et que l’opinion, elle, voit avec faveur, si l’on en croit un sondage publié par les Nouvelles Littéraires. Serge July, fondateur de notre journal, et longtemps son directeur, en donne sa version, vivante, nuancée, contraire à tant de clichés (lire pages 14-17).

Les stratèges macroniens se rassurent en moquant d’idée d’un «printemps chaud», selon le vocabulaire militant d’époque. Ils ont des arguments. A l’automne dernier, les protestations contre les ordonnances Pénicaud ont tourné court. Emmanuel Macron garde un crédit dans l’opinion. Il n’est pas certain que celle-ci souhaite mettre un coup d’arrêt à un mouvement de réformes auquel elle se résout bon gré mal gré, conforme dans son esprit aux promesses de la campagne électorale. Si les syndicats se retrouvent plus ou moins unis, la gauche politique se rassemble en ordre dispersé. Enfin le soutien populaire au mouvement des cheminots n’est pas acquis.

Et pourtant… La France, en dépit des difficultés de la SNCF, tient à l’idée d’un service public ferroviaire. Le gouvernement Philippe, jusqu’à présent, a surtout contenté la partie droite de son électorat. Enfin, l’amélioration économique qui se dessine donne une force plus grande aux revendications de pouvoir d’achat et affaiblit la dramatisation surjouée des difficultés financière de la SNCF. Reste l’inconnu propre à tous les mouvements sociaux. Qui peut vraiment sonder l’humeur d’un pays ? Les Français admettent la réforme. Ils se demandent à qui elle profitera. Pour (...)

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