« Un printemps sous les bombes » : le récit de l’écrivain-voyageur Damien Castera en Ukraine
Kharkiv, en Ukraine , 89e jour de guerre. Avenues désertes, commerces barricadés, fracas des bombes, on est loin du printemps fleuri de la capitale. La ville est en état de siège depuis le début de la guerre. Plus de 140 obus par jour au plus fort des combats. À Kharkiv, la mort est en embuscade. Les quartiers Nord de Saltivka ressemblent à un immense cimetière de pierre. Pourtant, comme à Kyiv deux mois plus tôt, lʼarmée ukrainienne a entamé avec succès sa contre-offensive. Les russes reculent mais les bombardements demeurent.
Peu à peu, les habitants sortent des caves où ils se sont abrités de la mort venue du ciel. Le teint blafard et les joues creusées, ils goûtent la joie du grand air retrouvé. Lʼétau russe se desserre, il est temps de panser les plaies.
Les villages se meurent
Agenouillé sur la chaussée, Pavel vérifie lʼétat de ses pneus. Aucun éclat dʼobus dans la membrane, seulement quelques trous dans la carrosserie et une jolie fente sur le pare-brise. « Aujourdʼhui, il va falloir rouler à fond pour éviter les tirs d'artillerie ! On y va, on fait le boulot et on rentre sans traîner. » Pavel est éleveur de chiens et garde forestier. Pendant que les hommes sʼentretuent, il risque sa vie pour sauver les bêtes. Depuis les premiers jours de guerre, il resquille dans la zone grise, entre les lignes des deux armées, et passe au crible les villages pour récupérer les chiens abandonnés.