Présidentielle 2022 : l'automobile peut-elle être l'arbitre de la campagne ?

Photo d'illustration (Getty Images/EyeEm)

Le sujet, hautement inflammable, suscite déjà les propositions de plusieurs candidats et ne manque pas de faire réagir.

Prix des carburants, vitesse maximale en centres-villes, permis à points... Les sujets touchant à l'automobile cristallisent l'attention depuis plusieurs semaines. Si le sujet est hautement inflammable, il est abordé par plusieurs candidats à l'élection présidentielle.

À LIRE AUSSI >> Le permis à points a-t-il prouvé son efficacité ?

Dernier en date, Éric Zemmour, qui propose la suppression du permis à points et la fin des 80 km/h. Avant lui, la hausse des prix des carburants a suscité des réactions de tous les candidats, et des propositions très variées, de la baisse des taxes à la hausse de la contribution de l'employeur, sans oublier la hausse des prix de l'essence proposée par Sandrine Rousseau, candidate battue à la primaire écologiste.

"L'automobile fait exister les gilets jaunes dans la campagne"

"Les automobilistes structurent le débat politique depuis le début du quinquennat. C'est avec eux que débute le mouvement des gilets jaunes, en opposition à la hausse de la taxe carbone et la limitation à 80 km/h. Ces sujets, c'est une façon pour les gilets jaunes d'être représentés dans la campagne électorale" rappelle Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication.

À l'origine du mouvement des gilets jaunes né en novembre 2018, une pétition de plus d'1,5 million de signatures lancée par Priscillia Ludosky, nommée "pour une baisse du prix du carburant à la pompe", et la vidéo de Jacline Mouraud postée sur Facebook qui enregistre plus de 6 millions de vues et dans laquelle elle interpellait le président de la République sur "la traque" que menait le gouvernement à l’égard des automobilistes.

"Un symbole de liberté"

"L'automobile est à la fois un symbole de liberté de déplacement, mais aussi un support de distinction social et un lieu qu'on 'habite'. Or, les Français n'ont pas envie qu'on touche à leur liberté, qu'on leur dise comment vivre cet 'habitat', pointe le sociologue Hervé Marchal pour expliquer la passion autour de l'automobile.

En 2020, on dénombre 38,2 millions de voitures en circulation en France, dont 32,7 millions de véhicules particuliers. "L'auto sera un des thèmes clés du scrutin, car elle cristallise les mécontentements des Français : le pouvoir d'achat avec la hausse des prix des carburants, financier avec les taxes et les amendes et environnemental avec certains véhicules bientôt bannis des centres-villes", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet.

Un sujet qui crée "de l'incompréhension et de la colère"

La plupart des grandes villes françaises vont devenir des ZFE (zones à faibles émissions) d'ici à 2024, ce qui entraînera l'exclusion des véhicules les plus anciens de la circulation, soit 12 millions de véhicules. Principale cible : les véhicules diesel, interdits de circuler dans le Grand Paris dans trois ans.

À LIRE AUSSI >> ZFE : une mesure sur l'automobile à l'origine d'un nouveau mouvement de colère ?

"Pendant des années, on a vanté un mode de vie, être propriétaire d'une maison hors des villes, et aujourd'hui, les politiques pointent du doigt le fait d'avoir une voiture, une maison individuelle alors qu'il n'y a pas de moyen de déplacement en dehors des centres urbains. Les acteurs politiques pensent qu'on peut se passer de l'automobile car ils vivent dans les centres urbains. Mais ils ne parlent pas aux habitants hors de ces zones, ce qui crée de l'incompréhension et de la colère", explique Hervé Marchal, également auteur d'"un sociologue au volant. Le rapport de l’individu à sa voiture en milieu urbain".

"Renouer le dialogue avec les automobilistes"

Au point de faire de l'automobile un sujet clé de la campagne ? "Il faut que les politiques restaurent le dialogue avec les automobilistes, rompu depuis plusieurs années, que ce soit la droite ou la gauche. L'attachement des Français à leur automobile risque de desservir les candidats avec une politique 'anti-voitures'", juge Philippe Moreau-Chevrolet.

"L'automobile a participé à la construction du pays, avec les zones pavillonnaires, les zones commerciales. Plutôt que de débattre sur des mesures démagogiques, les politiques devraient plutôt évoquer l'aménagement futur du pays en lien avec le changement climatique. Avec des tramways qui vont encore plus loin des centres-villes pour limiter la voiture ?", prône le sociologue.

Selon plusieurs sondages, le pouvoir d'achat, l'environnement et la fiscalité sont parmi les 10 sujets qui compteront le plus pour déterminer le vote des Français à l'élection présidentielle. Autant de thèmes ayant un lien, direct ou indirect, avec l'automobile.

Ce contenu peut également vous intéresser :